La circulation a été bloquée environ 3 heures ce mardi à partir de midi dans le Nord de l’île. Après les violences de la nuit sur l’axe des deux Majikavo, les jeunes ont du faire une sieste pour reprendre de plus belle à midi. Munis de machette, cagoulés, certains avaient revêtus la tenue blanche de lutte anti-vectorielle, certainement volée dans un dépôt de l’ARS, et ont commencé à s’en prendre aux véhicules. Le premier pris par le barrage a aussitôt fait demi-tour, mais trop tard pour éviter une grosse pierre, « j’ai eu de la chance, je ne suis pas blessé », nous rapportait le conducteur presque blasé. L’ensemble des automobilistes s’était regroupé peu après le rond-point du collège de Majikavo.
Certains, excédés, comptaient aller en découdre, « même s’ils sont armés de machettes, ce sont des gamins. Allez, on prend nos chombos, et on y va ! » Branches trouvées dans la mangrove et retaillées façon Rahan, bâton, machettes, la petite armada n’a pas fait 200m, de retour aussi sec, mais très énervée, « la population doit se soulever face à ces gamins sans peur ! » Un quart d’heure plus tard, des explosions de grenades lacrymogènes marquaient l’arrivée des gendarmes sur place, tous commençaient à reprendre espoir.
Mais malgré des renforts montant à 6 le nombre de camions de gendarmes et un blindé, impossible de venir à bout des jeteurs de pierres. Pourtant, les jeunes semblaient à portée d’interpellation, positionnés juste à côté de la prison, abrités par le bâtiment du FC Koropa d’où ils jetaient tous les ustensiles qui leur tombaient sous la main. Mais les équipes de gendarmes vraisemblablement nouvellement arrivés, semblaient se méfier de la topographie du lieu. Ce qui incitait un homme à sortir de la foule au bout de deux heures et demi d’attente pour s’adresser aux gendarmes, « là bas il y a une route qui passe au–dessus du manguier, si vous allez là-bas au lieu de rester sur la route nationale, on va circuler tranquille comme faisaient vos collègues avant. Si vous continuez comme ça, on va rester ici toute la soirée ! »
« On savait qu’il allaient faire ça »
Une partie des piétons en attente était d’autant plus épuisée que certains habitent le village de Majikavo Koropa, et qu’ils sont debout depuis 3 heures du matin, quand les tirs des forces de l’ordre ont commencé. Une habitante qui vit dans le haut du village rapporte avoir été informée, « on savait qu’ils allaient faire ça ce matin, les jeunes passent devant les maison le soir et nous disent qu’il faut faire attention. Là, c’était à partir de 3 heures du matin, car ils savaient apparemment à quelle heure les gendarmes arrivaient. Peut-être qu’on devrait le signaler, mais quand on les appelle, par exemple l’autre jour quand un voleur est rentré dans ma maison, ils disent toujours qu’ils arrivent, mais ils ne sont jamais venus. » Avec les renforts annoncés par le ministre, voilà des zones à reconquérir.
Peu après 15h, la situation semblait assez maitrisée pour relancer la circulation, mais les gendarmes continuaient à sécuriser la route au moyen de bombes lacrymogènes durant une bonne partie de l’après-midi. L’hélicoptère continuait également à tourner en repérage de ces jeunes remontés sur les hauteurs, prêts à redescendre pour en découdre.
Anne Perzo-Lafond