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Finances du département : les élus de la majorité priés de « remplir leur seau »

En attendant les compensations de l’Etat sur le budget de la protection de l’enfance dont l’opposition exige désormais des preuves d'avancement, le conseil départemental réorganise son budget.

Au cours de cette séance plénière aux 23 rapports tournant essentiellement autour du fragile budget primitif 2023, quasiment chaque rapport a été débattu. Signe d’une saine démocratie au sein de l’assemblée qui fut moins prolixe par le passé, surtout que les interventions ne portaient pas, en dehors de quelques unes, sur la défense des prés carrés des cantons des élus locuteurs, mais bien de l’avenir du territoire.

Comme nous l’avions expliqué dans notre article en amont de cette assemblée, le budget se monte à 485 millions d’euros, dont 375 millions en fonctionnement et 110 millions en investissement. Depuis trois mois, le président Ben Issa Ousseni l’assure, la chasse au gaspi a commencé, « nous n’avons pas creusé le poste des voyages qui reste à un million d’euros, mais essentiellement axé sur la formation des agents ». Quant à la quête des recettes supplémentaires, elles sont pour l’instant majoritairement assurées par la Dotation globale de Fonctionnement (DGF) de l’Etat aux collectivités à hauteur de 149 millions d’euros (+1million d’euros par rapport à 2022) et les Contributions indirectes (octroi de mer départementale passée à 5%, taxes et impôts indirects), 176 millions d’euros, ces deux montants représentant 87% des recettes de fonctionnement, indiquait Zamimou Ahamadi, toute nouvelle vice-présidente chargée des finances.

Les dépenses de fonctionnement se montent à 356 millions d’euros, dont 128 millions de masse salariale. Le résultat de 16 millions d’euros est affecté à l’investissement ce qui est insuffisant. Le contrat de Cahors* qu’avait signé le Département l’obligeant à un taux d’épargne brute de 10%, alors qu’il est redescendu à 8%. Grevant la capacité à assurer les investissements. Ce qui incitait Ben Issa Ousseni à demander à ses collègues de valider le recours à un emprunt de 30 millions d’euros, « je demande une délibération de précaution pour garantir les investissements, ce n’est pas sûr que nous y recourrions, cela dépendra de l’évolution du budget ». Une ligne de trésorerie est également ouverte à hauteur de 25 millions d’euros.

Maymounati Moussa Ahamadi et Hélène Pollozec demandent davantage de résultats

En attendant que l’Etat compense, la population trinque

Une déclaration qui mettait l’opposition vent debout, « une ligne de trésorerie et un emprunt ?! Donc le conseil départemental traverse une situation financière très difficile ! Pourtant, vous ne prenez aucune mesure corrective dans votre budget ! », s’exclamait Daniel Zaïdani, conseiller de Pamandzi. Son collègue d’opposition Soula Saïd Souffou réitérait sa métaphore du mois dernier, « vous avez cramé la caisse ! Je vous demande d’équilibrer ce budget et sans sacrifier la jeunesse de ce pays », lançait-il en réponse à l’annonce de l’arrêt des subventions aux associations.

Trois services sont visés par les élus car particulièrement gourmands en subventions d’équilibre : le Service de Protection de l’Enfance (ASE et PMI), abondé de 9,5 millions d’euros, le STM, 12,5 millions d’euros et le transport scolaire, dont les 42 millions d’euros ne sont financés qu’à hauteur de 0,61% par les cartes scolaires. Pour ce dernier, comme nous l’avons expliqué, l’abonnement va passer de 10 euros l’année à 50 euros, « ce qui nous permettra de dégager 1,1 million d’euros supplémentaire. Nous devons maintenant équilibrer nos services », rapportait Ben Issa Ousseni. Mais pas d’annonce de relèvement des prix de la traversée pour le STM.

« Donc pour combler les trous vous vous attaquez plus facilement à la population qu’à l’Etat. Or, les étrangers en situation irrégulière pris en charge à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et dans les PMI nous coutent 59 millions d’euros en fonctionnement alors qu’il n’y a pas d’Aide Médicale d’Etat, car Paris craint précisément que cela provoque un appel d’air. C’est donc à nous de supporter tout ça sans contrepartie. Pareil pour le STM, nous prenons à notre charge le passage des services de l’Etat, dont les forces de l’ordre à hauteur de 1,2 million d’euros, et vous ne demandez pas de compensation. Vous aviez préconisé d’arrêter d’accueillir les non affiliés sociaux, il faut avoir le courage de le mettre en place ! », invitait Soula Saïd Souffou.

Le RN Daniel Zaïdani s’agaçait lui aussi, « on va gagner 1,1 million d’euros sur le dos d’élèves fragiles ». Les deux mêmes élus avaient préconisé quelques minutes avant d’arrêter d’accueillir les populations précaires des PMI.

Arriver avec un seau à Paris

Soula Said Souffou agacé que la population paie les trous de la raquette

C’est un président Ben Issa Ousseni, grippé, donc moins réactif qu’à son habitude, qui répondait : « Notre compétence sur l’ASE et les PMI est obligatoire. Si nous arrêtons d’accueillir les patients non affiliés sociaux, cela aura un impact sur la Santé publique à Mayotte, des maladies éteintes pourraient refaire leur apparition. Et il faudra refaire une campagne de vaccination. Nous négocions avec l’Etat pour obtenir une meilleure compensation, nous n’avons pour l’instant que des assurances. Il ne faut pas croire qu’il suffit qu’on arrive avec un seau à Paris pour qu’il se remplisse. »

Pour accroitre les recettes, plusieurs propositions ont été formulées depuis les bancs de l’opposition, notamment celles de Maymounati Moussa Ahamadi, conseillère de Dzaoudzi. S’agaçant de devoir attendre des compensations de l’Etat sur le social, « depuis 2021 c’est le même discours, il faut combler le trou dans la raquette du social », elle conseillait en attendant que celles-ci soient annoncées, de s’intéresser à d’autres solutions. Tout d’abord sur les fonds européens FSE, « sur la formation et l’insertion », et Feder qui peut aller jusqu’à 85%, « avec préfinancements demandés à l’AFD », en aidant les communes à y accéder « plutôt que de leur octroyer une aide ». Se pencher sur l’IEJ (Initiative pour l’emploi des jeunes), fonds FSE+ habituellement bien consommé à Mayotte, pour demander à Bruxelles et l’Etat via le Secrétariat général des Affaires européennes, de baisser l’âge de 30 à 15 ans, pour abonder une partie du budget de l’ASE. Enfin, demander la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, « dont Mayotte se voit exclue », à demander au ministre de l’intérieur afin de négocier une ouverture pour Mayotte pour les trois prochaines années.

Daniel Zaïdani s’inquiétait de la situation réelle des finances du Département

Avec Hélène Pollozec, elles demandent que les élus soient plus proactifs dans l’obtention de recettes supplémentaires, « il faut aller les chercher et faire en sorte que les déplacements soient ciblés sur Bercy ou Bruxelles pour obtenir des engagements », suggèrent-elles.

Le budget a été adopté à la majorité avec 4 abstentions.

Anne Perzo-Lafond

* En 2018, 229 collectivités ont signé avec l’Etat un contrat fixant une trajectoire d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement entre +0,75% et +1,65%pour trois ans. En contrepartie de l’effort, l’Etat garantit la prévisibilité et la stabilité de ses concours financiers. Elisabeth Borne a décidé de mettre fin aux Contrats de Cahors.

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