C’est devenu presque tristement banal. Chaque semaine plusieurs affaires liées à des violences sexuelles ou aggravées sont jugées au tribunal judiciaire de Mamoudzou. C’est le cas de ce couple dont la justice examinait des faits qui se sont produits en 2021. L’homme ayant l’habitude de sortir et de boire rentrait chez lui souvent complètement ivre, au grand dam de sa compagne. Cette dernière, excédée de le voir rentrer aussi souvent saoul et probablement jalouse qu’il ait pu faire potentiellement une ou des rencontres, se met à lui reprocher de ne pas être un homme… S’en suit une avalanche de coups de part et d’autre tant et si bien que la femme se verra prescrire quarante jours d’ITT (Incapacité totale ou temporaire de travail) par un médecin. Elle souffrait d’hémorragies, d’hématomes, de lésions et d’un œil au beurre noir et de surcroît était extrêmement choquée.
« Vous savez que vous encourez sept ans de prison et 100.000 euros d’amende », explique le président du tribunal au prévenu. Ce dernier aurait frappé sa compagne à plusieurs reprises avec « des séries de coups de poing, des droites et des coups de pied sur le corps ». « J’avais bu huit bières, je reconnais que j’étais fortement alcoolisé mais elle aussi elle m’a frappé. Elle n’aimait pas que je sorte et m’a reproché d’avoir bu », raconte l’accusé. Et effectivement son ancienne compagne avoue lui avoir porté des coups. « Je l’ai poussé par un coup de poing au niveau du torse, puis je lui ai donné un coup de poing au visage, indique-t-elle. Nous nous sommes séparés juste après ». Ce couple se disputait souvent à cause des sorties régulières du conjoint mais aussi sur fond de jalousie.
Fait surprenant, la victime après avoir déposé plainte est revenue sur ses déclarations et l’a retirée pour demander une convention d’indemnisation. « Je n’étais pas au courant, raconte-t-elle devant le tribunal – Voulez-vous vous constituer partie civile ? Demande le président, afin d’être reconnue comme victime et de pouvoir être éventuellement indemnisée – Non monsieur le président », répond la victime. La substitut du procureur, après avoir repris les faits, a considéré que l’homme avait un ascendant sur sa compagne au moment où ils étaient en couple et a mis en évidence les violences physiques subies par la victime. « Même si les disputes étaient fréquentes, que la victime avait des doutes concernant la fidélité de son conjoint et qu’elle était probablement jalouse, cela ne justifie pas ces actes de violences totalement disproportionnés ».
L’accusé ayant un casier judiciaire vierge, le ministère public a requis huit mois de prison avec sursis. L’avocat du prévenu a, sans surprise, demandé sa relaxe et un simple rappel à la loi.
Viols et violences aggravées à la cour d’assises
Trois jeunes d’une vingtaine d’années étaient de nouveau devant la cour d’assises de Mamoudzou après avoir fait appel de leur jugement en mai dernier. Ils avaient été condamnés alors à des peines allant de huit à quatorze ans de réclusion criminelle. En 2016, ils avaient commis plusieurs agressions et viols dans le quartier des Hauts Vallons. Ils s’en prenaient notamment, la nuit tombée, à des couples qu’ils agressaient et menaçaient avec des armes comme des couteaux, des machettes ou bien des pierres, puis ils violaient leurs victimes féminines sous la contrainte et les abandonnaient nues et totalement dépouillées.
A chaque témoignage des victimes dont le président du tribunal, Cyril Ozoux, lit les déclarations, c’est un peu près la même chose : Une quinzaine, voire une vingtaine de jeunes surgissaient de partout, le visage masqué, et menaçaient leurs victimes en leur volant de l’argent, leur téléphone portable et autres affaires avant de s’en prendre aux femmes pour les violer et de les obliger à assouvir leurs désirs à tour de rôle. « Pour vols avec usage d’une arme et viols aggravés car en réunion et avec arme, la peine encourue est de vingt ans », rappelle Cyril Ozoux. Au moment des faits les accusés étaient mineurs, ils risquaient au maximum dix ans sauf si l’atténuation de peine était écartée, ce qui fut le cas en première instance pour deux d’entre eux. Ils ont écopé de douze et quatorze ans de réclusion criminelle. Les motivations de la cour d’assises se fondaient sur le fait que les viols étaient commis et imposés sous la contrainte d’une arme par des agresseurs masqués, armés passant les uns après les autres. Ils menaçaient leurs victimes avec un couteau sous la gorge.
En mai dernier la cour d’assises avait écarté l’excuse de minorité des accusés à cause de la gravité des faits reprochés, notamment les viols en réunion avec arme. Les experts psychiatriques révélaient des personnalités au comportement dangereux et délictuel, mais surtout un ancrage profond dans la délinquance. « Leur volonté était de faire peur et mal. Ils n’ont pas exprimé de regrets ou de remords », rappelle le président du tribunal en lisant les rapports des experts. La gravité intrinsèque des faits ainsi que les nombreuses infractions ne plaident ainsi pas en leur faveur. Aussi, durant les quatre jours de ce procès qui se clôturera vendredi, la personnalité des accusés va être réexaminée en détail. Ils encourent vingt ans de réclusion criminelle. Les huit jurés devront ainsi considérer si les trois prévenus méritent davantage, autant ou moins que leur condamnation en première instance.
B.J.