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La « discontinuité territoriale » outre-mer pointée par le Sénat

C’est une quarantaine d’interlocuteurs qu’ont rencontrés deux sénateurs pour rédiger leur lourd rapport sur la continuité territoriale outre-mer. « Existe-t-elle vraiment ? », s’interrogeait-ils en comptant les manquements. Douze préconisations pour relever le niveau. Dont une qui pourrait intéresser le STM.

Si dans les ministères on clame aimer les territoires ultramarins, c’est à distance. Car lorsque leurs habitants veulent bénéficier des services publics nationaux, pas toujours présents dans les DROM-COM, c’est une autre paire de vols. C’est parce qu’elle entendait ses compatriotes se plaindre des frais de déplacements, que la sénatrice Progressiste de Martinique Catherine Conconne, a proposé à Stéphane Artano, président de la Délégation sénatoriale outre-mer, de mener une mission sur le sujet. « Je ne pensais pas tomber alors sur quelque chose d’aussi sulfureux, sur un terrain aussi fertile en iniquités ! », lâchait-elle lors de la conférence de presse de restitution ce jeudi à Paris, retransmise en visio.

L’expressive parlementaire à l’accent plein de soleil, livrait les chiffres : « Nous avons cherché des comparaisons entre la prise en charge de la continuité territoriale en Corse et dans les autres outre-mer. Les premiers en bénéficient à hauteur de 257 euros ramené à l’habitant par an, alors que le montant est de 16 petits euros par habitant pour les outre-mer ! » Elle rappelait les besoins parfois vitaux qui nécessitent ces voyages : « C’est pas pour aller au Club Med, mais pour des soins médicaux, car sur nos territoires il faut attendre jusqu’à 12 mois pour un rendez-vous chez l’ophtalmo, ou pour étudier et bénéficier ainsi de l’ascenseur social ».

L’aéroport de Mayotte

Pour le président Artano, les 50 heures d’audition des différents interlocuteurs ultramarins et parisiens aboutissent à un constat, « il s’agit de discontinuité territoriale », en parlant de politique « timorée et contrainte », « on ne peut qu’accréditer la démarche du gouvernement de remaniement de LADOM. »  Et il ne pouvait que voir un lien entre la réévaluation du montant individuel à la continuité territoriale par le gouvernement, et l’audition par les rapporteurs du ministre Délégué aux Outre-mer. Pour Mayotte le bon d’aide est passé à 535 euros.

« Où va-t-on ?! »

Parmi les territoires auditionnés, Mayotte en janvier dernier, et c’est Bibi Chanfi qui en avait rapporté les priorités, axant son intervention sur les prix des billets d’avion, et les frais de transports par barge entre Petite et Grande Terre, « 12 millions d’euros supportés intégralement par le conseil départemental alors qu’il s’agit de continuité territoriale ». On verra qu’une des conclusions du rapport va dans son sens.

Il contient 12 préconisations, « un rapport dense », dont les deux rapporteurs brossaient les principaux traits ce jeudi depuis le Sénat.

Tout d’abord, le plafond de ressource beaucoup trop bas, pointait Catherine Conconne, « il est de 11.900 euros par an, donc on s’adresse à des gens qui gagnent moins de 1.000 euros par an, sous le SMIC. Qui peut voyager avec cette somme ? Où va-t-on ? », une dernière question d’à-propos ! Cette cible de bénéficiaire n’incite pas à dépenser la somme allouée. C’est sans doute une des explications à la sous-consommation de l’enveloppe de Mayotte, en 2022, sur 3.734 bons émis, 2.850 étaient consommés, avait indiqué Mohamadi Madi Charif, directeur de LADOM Mayotte, au JDM.

Autre préconisation, relever la fréquence de délivrance : « Alors que les Corses vont en métropole quand ils le veulent, l’aide à la continuité territoriale n’est donnée qu’une fois tous les trois ans. Et le Passeport mobilité pour les études, c’est une fois par an. Ce qui implique que nos étudiants passent Noël seul, quand ceux de l’Hexagone rentrent dans leurs familles. Et pour les sportifs, c’est se priver de stages alors que l’Outre-mer envoie des champions en métropole. Un de nos interlocuteurs nous a expliqué que ‘le transport bloque toute évolution du sport outre-mer’ ».

« Tout est dit, pas besoin d’une loi ! »

Catherine Conconne: « Il faut accentuer la fréquence des liaisons »

La mise en place d’un « tarif résident », est suggérée par Guillaume Chevrollier, sénateur LR de la Mayenne, « cela permettrait de pallier la volatilité des prix des billets d’avion en raison de la saisonnalité ». Il déplorait l’absence de fluidité de liaisons entre les outre-mer et l’Hexagone, « alors qu’il faut davantage de formations initiales et continues, d’accès aux soins, de continuité funéraire, etc. »

Les déplacements internes aux territoires ultramarins font l’objet de la préconisation 5. « Nous sommes allées en Guyane, il faut le vivre pour le croire ! A Maripasoula, les coûts du petit avion qui relie au reste du territoire sont entièrement supportés par le collectivité de Guyane à hauteur de 10 millions d’euros, l’Etat abonde d’un petit million d’euros ». Voilà qui n’est pas sans rappeler nos liaisons interne par barge au sortir de l’avion. Une opportunité à défendre pour le conseil départemental de Mayotte puisqu’il est question ici de bénéficier d’une aide à la continuité territoriale « lorsque pour se rendre à l’aéroport, il faut prendre un avion ou un bateau », précisait la parlementaire martiniquaise.

Qui rappelait une nouvelle fois l’article 1803 du code des Transports, « les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer une politique nationale de continuité territoriale qui repose sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République. Elle tend à atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement et à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole. » Et d’ironiser, « tout est dit, on n’aura même pas besoin d’une loi ! »

Les liaisons pour rallier un aéroport sont concernées par une des préconisations

Par contre, de défendre l’impact budgétaire, si ! « Même si c’est une montée en puissance progressive, nous sommes preneurs, mais il faut au moins dans un premier temps doubler le montant de LADOM à 100 millions d’euros.

Le rapport préconise aussi de « mettre LADOM au service des projets de territoire définis par les collectivités ultramarines « , de muscler le passeport pour la mobilité des études (PME), de simplifier l’aide au fret et d’étudier les conditions d’une aide au fret sur les produits de consommation courante qui ne fragiliserait pas les productions locales, d’augmenter la participation de l’État à hauteur de 50 % du financement des DSP régionales ou locales contribuant à la continuité territoriale sur les trajets dépourvues de liaisons routières et de lever les freins actuels à l’effectivité de la continuité funéraire.

Des préconisations qui tombent « dans un bon agenda », puisque l’évolution vers LADOM 2024 est en cours depuis octobre dernier.

Consulter le Rapport d’information continuité territoriale

Anne Perzo-Lafond

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