C’est sagement à la remorque du Bougainville que la toute nouvelle barge Chatouilleuse a fait son entrée dans le lagon. Elle arrive tout droit des chantiers CNOI à Maurice, où ses grandes sœurs Nahouda, Polé et Karihani ont été conçues. Si la Chatouilleuse est plus petite que ses aînées, 39,50m contre 60m, c’est pour mieux entrer dans la cale sèche du Service des Transports maritimes (STM) en Petite Terre. Les premiers en effet, doivent être remorqué jusqu’à Maurice pour leur révision annuelle, alors que la Chatouilleuse et sa sister ship (jumelle), l’Imâne, seront prises en charge à Mayotte. Les professionnels du chantier de CNOI se déplaceront donc. Une chance qu’il faut saisir pour former nos scolaires ou demandeurs d’emploi à ces métiers liés au portuaire.
Surtout que le conseil départemental a enfin annoncé vouloir agrandir sa cale sèche, permettant d’investir ensuite à nouveau dans les bateaux dimensionnés à la demande.
Les deux nouvelles venues auront pour avantage de pouvoir embarquer deux rangées complètes de camions, ce qui n’était pas possible sur le Nahouda, par exemple.
Les deux barges pourront embarquer 400 passagers au total, en comptant les 8 membres d’équipage, avec des caractéristiques techniques identiques aux Nahouda, Pole et Karihani, notamment sur les rampes, puisque venant du même chantier.
La motorisation évolue pour adopter le diesel électrique, condition nécessaire de marche vers la transition énergétique pour décrocher le FEDER, fonds européen qui finance une grande partie des 14,5 millions d’euros d’investissement pour les deux nouveaux bijoux du STM. Et quand on parle de Fonds européens, il faut entendre « remboursement ». Quelqu’un devra donc se plonger dans un dossier technique complexe monté par un des directeurs qui avait été prié de quitter le navire STM.
Renouer avec les normes de sécurité
Là où ça risque de se corser, c’est toujours en matières de respect des normes du STM. Et c’est une Chatouilleuse qui pourrait encore faire parler d’elle ! Car si la barge est neuve, ce n’est pas gagné en terme de permis de navigation, puisque, comme nous l’avions expliqué, depuis novembre 2021, le STM a perdu sa certification ISM (International Safety Management, norme internationale de sécurité de l’exploitation) au niveau du siège, ce qui en prive ses navires. Et les Affaires maritimes semblent de moins en moins enclines à délivrer de dérogations comme elles ont pu le faire par le passé en raison du peu d’améliorations récoltées. « Nous n’avons même plus de dérogation des Affaires maritimes pour embarquer des moutons, et on prend des passagers ! », nous avait expliqué le dernier directeur d’exploitation en janvier dernier.
Trop de non conformités majeures, nous dit-on depuis la maison. Il s’agit notamment d’effectuer à chaque traversée le décompte des passagers, qui avait justifié la mise en place des tourniquets… non utilisés.
En août 2016 nous avions titré « Quelle gouvernance pour le STM ? », en 2022, et en janvier 2023, « Sans personne à la barre, la naufrage guette le STM » en raison des vacances des trois postes de direction (les directions générale, technique et d’exploitation). Quel sera le prochain titre ?
Alors que les deux « vieilles » Maore Mawa et Safari vont avoir du mal à passer leur visite quinquennale, et que le budget du STM ne peut qu’être déficitaire étant donné qu’il est vu comme un service social par le conseil départemental, qui pour reprendre la barre ?
Anne Perzo-Lafond