Les opposants au président Azali Assoumani mettent une nouvelle exigence dans leurs conditions à leur participation éventuelle à un dialogue politique aux Comores. Ils exigent la libération sans condition de l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, l’ancien vice-président des Finances, Mohamed Ali Soilihi, un ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Mhoumadi Sidi, condamnés en novembre 2022 à l’issue du procès sur le programme de la citoyenneté économique. Mais aussi l’ancien gouverneur d’Anjouan Abdou Salami condamné après le procès sur l’affaire de la médina de Mutsamudu d’octobre 2018.
Aucune concession sur la libération des « détenus politiques »
Cette demande de libération de ces hommes était en tête des conditions fixées par le Front commun de l’opposition dans sa lettre adressée à Azali Assoumani le 16 mars dernier. Mais la missive de deux pages n’avait pas pris le soin de citer nommément les personnalités toujours privées de leur liberté de mouvement. Ce qui a suscité de vives exaspérations de la part des partisans et proches de « ces trois prisonniers politiques » qui y voyaient une forme de capitulation voire de trahison. Le principal animateur de l’opposition, l’ancien ministre Hassane Ahmed El Barwane, affirme que le mouvement est loin de faiblir ou capituler. «On n’a pas changé d’avis sur le combat à mener, on a évolué », a-t-il nuancé dans une précision faite à Al-watwan.
Dans sa réponse, le président comorien avait pris un joyeux plaisir à féliciter ses adversaires politiques au cours d’une adresse solennelle à la Nation à l’occasion du démarrage du mois sacré du ramadan. Ces derniers y ont noté toutefois un langage démesuré de sa part. L’opposition soupçonne le président Azali Assoumani d’exploiter la démarche en sa faveur. « Le Front commun contre la dictature, organe politique, ne sera jamais disposé à participer à un énième dialogue qu’il (Azali Assoumani, ndlr) compte organiser ni répondre à une quelconque invitation de sa part », indiqué un communiqué publié quelques heures après les déclarations du président comorien.
Cette clarification de l’opposition comorienne intervient suite à des pressions intenses exercées sur les responsables du Front commun, accusés par les radicaux des mouvements opposés au régime, de revirement voire de renoncement à la principale doléance, à savoir la libération de toutes les personnalités politiques. L’opposition en quête d’unité ne souhaite laisser aucune place à la division de ses membres ni à la confusion des stratégies qui guident ses principes depuis 2019. Une précision était nécessaire pour calmer les ardeurs des uns et des autres, notamment ceux qui sont en France.
«Le Front commun élargi contre la dictature reste inflexible sur sa demande d’application des mesures préalables à toute ouverture de pourparlers. Il rappelle donc au colonel Azali Assoumani qu’aucune concession ne lui est faite sur la libération de l’ex-président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, de l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi, du gouverneur Salam Abdou, de l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Mhoumadi Sidi et de tous les autres nombreux détenus politiques qui gisent dans les geôles du dictateur Azali Assoumani », précise ainsi le communiqué publié samedi 25 mars.
Le cantonnement des forces armées dans les casernes pendant les élections
En plus de la libération de ces personnalités, l’opposition comorienne demande «la liberté d’entrée et de sortie de tous les Comoriens (…), la liberté de rassemblement en réunion publique ou privée, le cantonnement de l’armée et autres forces de l’ordre dans les casernes (pendant les élections, ndlr), la composition tripartite, paritaire, pouvoir, opposition et société civile (…) dans les organes en charge de la gestion des élections».
Sur ce dernier point, la loi électorale datant de 2014 prévoyait des représentants de l’opposition parlementaire au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Sauf que l’Assemblée nationale actuelle est monochrome. Tout est dominé par le parti au pouvoir. Pas un groupe de l’opposition devant désigner des membres. Le président Azali Assoumani a introduit un nouveau texte en décembre 2022 portant modification de la loi électorale en y introduisant le terme d’«opposition extraparlementaire» pour permettre toute possibilité à l’opposition de désigner ses délégués au sein de la CENI malgré son inexistence à l’hémicycle.
Les malentendus entre pouvoir et opposition aux Comores remontent à l’année 2019 après la réélection contestée d’Azali Assoumani au premier tour. Les opposants avaient toujours refusé de dialoguer avec l’actuel chef de l’Etat. La condamnation de l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi (parti Juwa) et de l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi (Parti Updc) a exacerbe les tensions puisque les deux hommes sont les leaders des deux principaux partis anti-régime. Interrogé en janvier dernier sur de possibles grâces présidentielles en leur faveur, le président Azali avait souligné que « chaque chose a son temps ». Difficile de prédire la suite qui sera donnée à ces exigences de l’opposition comorienne.
A.S.Kemba, Moroni