À titre exceptionnel, c’est tout de même la seconde fois que le Cceem s’auto-saisi cette année (la fois précédente avait pour sujet majeur la revalorisation des déchets).
C’est donc en présence de certains membres du Cceem, de Bruno Brouard-Foster (Hawa Mayotte), de Claire Golléty (chercheuse et maître de conférence au Cufr), de Houlam Chamssidine (Mayotte Nature Environnement) mais aussi de Amélie Springer (cabine Springer Architecture), qu’ont été présentées à la presse les grandes lignes de l’auto-saisine rédigée sur l’économie de l’eau à Mayotte; comprenant notamment la consultation de l’ARS qui a été auditionnée en amont dans le cadre de la composition de ce rapport.
Le réchauffement climatique qui touche le Monde, allié à la mauvaise gestion des ressources en eau amplifient considérablement les phénomènes de sécheresse.
Si vous ajoutez à cela un accroissement de la population (5 millards d’ici 2050 selon l’OMM*) en demande et nécessité de raccordement à l’eau potable allié à des épisodes pluvieux de plus en plus rares (-40% sur 30 ans à Mayotte, selon Météo France) ainsi qu’un défrichement massif du paysage forestier engendrant une érosion et un appauvrissement prématuré des sols, asséchant par la même occasion les potentielles nappes phréatiques et favorisant le ruissellement direct des eaux de pluie vers la mer, vous avez là, dans les grandes lignes, le combo parfait d’un scénario suicidaire remettant directement en cause l’habitabilité même d’un territoire… Et imaginez lorsque ce territoire est de moindre superficie, insulaire et en proie à une surpopulation de plus en plus concentrée; ça fait rêver hein ?! Digne d’un grand Spielberg ! Et c’est bien pour prévenir ce scénario catastrophe que le Cceem, en qualité de membre consultatif du Conseil départemental, souhaite alerter tout en apportant, d’ores et déjà, de concrètes pistes à exploiter pour un mieux vivre ensemble où la prise de conscience et la participation de chacun est indispensable.
Petit récap.
L’accès à l’eau potable à Mayotte provient de 5 systèmes prenant leur source :
- à 80%, au niveau des retenues collinaires** de Combani (1,5 millions m3 de capacité maximale) et de Dzoumogné (2 millions m3 de capacité maximale),
- à 17%, au niveau des 25 forages répartis sur l’ensemble du territoire,
- auprès de 22 captages superficiels,
- de 9 captages en cours de régularisation,
- et enfin, à 3% au niveau de l’usine de dessalement en Petite-Terre.
Pour une consommation annuelle moyenne de 14 millions 600 000 m3.
Des kits hydro pour faire des économies
Mis en place et à disposition des 17 communes par la Direction de l’environnement de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (à l’époque DEAL, sous l’ère du préfet Jean-François Colombet), ces kits hydro économes avaient pour but de responsabiliser la population mahoraise tout en offrant une facture d’eau allégée à hauteur de près de 12% par an. Le principe de ce dispositif étant basé sur un système de réduction de la pression, et par conséquent du débit, la consommation par ménage se voulait moindre; ce qui n’est pas négligeable en notre département où les besoins journaliers globaux sont évalués à 40 000 m3.
Malheureusement, le conseil concède qu’il n’y a pas eu de suivi réel quant à la mise en place de tout cela ce qui n’offre guère, à l’heure actuelle, un recul nécessaire pour une étude statistique prouvée d’efficacité. Ayant tout de même à coeur de ne pas abandonner l’idée et les frais déjà engendrés, une expérimentation suivie et poussée est en cours auprès de la commune de Tsingoni ce qui permettra d’offrir une alternative dans les mois à venir pour l’ensemble du territoire.
Tombés d’en haut comme les petites gouttes d’eau…
Ainsi le chantait Jacques Higelin, dans sa chanson Tombé du ciel, relatant les eaux de pluies qui sont, aussi fou soit-il à croire en notre insularité, quasiment toujours pas exploitées en comparaison des territoires tropicaux du reste du monde; département ultramarins français inclus.
Car là est une piste notoire et prioritaire au regard notamment des utilisations dites ’’externes’’ (lavage de voiture, élevage agricole, irrigation/arrosage…). Mais à cet usage exclusivement ’’non potable’’ se dresse une éternelle hérésie ’’intérieure’’ relative au lavage des sols par exemple, à l’utilisation des machines à laver et pire, à celle des chasses d’eau. Lorsque l’on sait qu’une consommation WC, c’est entre 9 et 12 litres pour une moyenne journalière de 36 litres par personne. Lorsque vous multipliez ce nombre par 4 voire 5 personnes par foyer sur un rendu annuel, vous réalisez qu’il est temps de tirer non pas la chasse une énième fois mais bien la sonnette d’alarme d’une alternative désormais obligatoire. Une alternative sur l’usage des eaux de pluie qui se veut régie par le code de la Santé publique (art. R.1321-1) ainsi qu’une directive précise répondant au doux nom de n°98/83/CE qui faisait état de la dangerosité, notamment sanitaire et bactériologique au regard des risques d’ingérer cette eau impropre à la consommation.
Mais, cocorico et mabawa ! Bien que l’ARS ne souhaite pas dans l’immédiat officiellement donner son accord sur notre territoire, par craintes liées à la confusion des raccordements eau potable-eaux de pluie, et la singularité déjà existante en matière de complexités sanitaires récurrentes, il est à noter que, juridiquement, les choses ont déjà évolué et ce, au regard des problématiques météorologiques, sociétales et environnementales. Dans le cadre d’une dynamique cohérente d’innovation, la loi relative à l’utilisation des eaux de pluie collectées a fait son petit bonhomme de chemin sur les toitures de France, de Navarre et de Mayotte et ce, depuis bien longtemps paradoxalement (arrêté du 21/08/2008). Un arrêté qui autorise sous respect d’une mise en place bien spécifique, l’installation d’un récupérateur d’eau de pluie. Un système donc des plus utiles aussi pour palier aux récurrentes coupures liées aux tours d’eau sur notre île.
Coup de projecteur sur la mise en place d’un SREP
Pour rappel : « La loi vous autorise à recueillir l’eau de pluie et à utiliser ces eaux pluviales sous condition que votre toit ne doit pas être en amiante-ciment ou plomb. Le système récupérant l’eau de pluie doit inclure un processus de filtration des polluants véhiculés sur la toiture et dans l’air). Un système qui se doit d’être en hauteur et, pour la cuve de stockage, bénéficier de divers clapets sécuritaires et sanitaires notamment anti-moustiques. Pour information, selon la société STN qui commercialise déjà ce genre de dispositif sur notre territoire, un réservoir d’une capacité de 1 000 litres permettrait une autosuffisance de 6 mois durant la saison des pluies.
Alléchante alternative mais là où le bât blesse, c’est bien entendu au niveau du coût… Entre 4 500 et 6 500 euros pour une installation basique domestique d’une cuve comprise entre 1 000 et 2 000 litres. Un prix plutôt exorbitant qui, bien entendu, ne bénéficie dans l’immédiat d’aucune aide gouvernementale à contrario de nos copains martiniquais, par exemple, qui peuvent prétendre à un soutien financier de leur collectivité territoriale, à hauteur de 50 à 90% selon les ressources des particuliers et 75 % pour les entreprises agricoles ou groupes d’agriculteurs.
Une fois de plus, mais que font nos hautes instances locales ET nationales ?! En ce territoire où l’eau devient richesse et où il est foncièrement indispensable de repenser intelligemment les plans notamment des nombreuses constructions en cours ou à venir afin d’anticiper et d’intégrer ce genre de mise en place. Des constructions et du BTP qui nécessitent beaucoup d’eau… En somme (et Loire ?!), le crocodile qui se mort la queue dans son marécage presque asséché mais problématique globale pour laquelle notre département a la tête sous l’eau et ne peut désormais plus faire l’impasse.
MLG
* L’Organisation météorologique mondiale (OMM) est l’institution spécialisée des Nations-Unies qui fait autorité pour tout ce qui concerne l’état et le comportement de l’atmosphère terrestre, son interaction avec les océans, le climat qui en est issu et la répartition des ressources en eau qui en résulte.
** Selon le comité de suivi de la ressource en eau, pour le période de février 2023, les retenues collinaires de Combani et Dzoumogné étaient à 21% de leurs respectives capacités (contre, dans l’ordre précité, 71% et 40% en février 2022).