Dans le cadre du projet gouvernemental en lien avec la défense écologique et la préservation de la biodiversité, ciblant notamment le renforcement de 30% des aires protégées à travers l’Hexagone et les territoires ultramarins, il a été publié en janvier 2021 un plan d’actions prévoyant l’extension, voire même la création, de 20 réserves naturelles nationales dont l’espace forestier mahorais fait partie.
Faisons les présentations
À l’heure actuelle, les forêts naturelles tropicales mahoraises, c’est à peine 5% de notre île. Le piège visuel tend à faire croire que les massifs sont encore fournis et riches mais la réalité est que, sortis des grands arbres qui vus du dessus apportent une masse verdoyante, les sols sont eux appauvris.
Cette réserve nationale naturelle (RNN) des forêts publiques de notre territoire (créée par décret le 3 mai 2021), qui s’établit sur une superficie totale de 2 801 hectares, représente une répartition juridique globale de 25% du foncier forestier national (sous gestion de l’Office national des forêts – ONF) et 75% de la propriété départementale.
La biodiversité forestière faune et flore de Mayotte, c’est 580 espèces végétales dont 22 endémiques propres à notre île, ainsi que 137 espèces d’oiseaux ou encore 7 espèces de mammifères indigènes ou endémiques* pour ne citer que cela.
Répartie sur 6 massifs forestiers à travers 13 communes, la création de cette RNN est une réponse directe à la forte menace dont notre espace forestier est victime en termes de défrichements non réglementés et/ou sauvages liés notamment à la culture de banane, de manioc mais aussi celle du charbon de bois ou encore la construction de bâti formel ou non. Une pression humaine qui accélère donc l’érosion des sols par la réduction de la couverture végétale tout comme celle des massifs forestiers, ayant une incidence directe sur le niveau des nappes phréatiques et notre déficit hydrique. « Cette année encore, nous constatons la réalité d’une problématique qui touche Mayotte, liée à la sécheresse, il est donc important de remettre en exergue le rôle de la forêt par rapport au stockage et à la qualité de l’eau. Il faut que la population se rende compte qu’elle a un intérêt à court terme à stopper cette destruction des forêts qui a et aura un impact sur l’activité agricole et l’habitabilité même de l’île », nous confie Nathalie Barbe, ingénieure générale et directrice ONF des relations institutionnelles, de l’outre-mer et de la Corse, venue spécialement pour marquer la présence et le soutien de l’État dans la mise en place et pratique de cette RNN.
Des bases solides pour un projet perdurable
Afin d’assurer la cohérence et la pleine efficacité dans la gestion pratique de cette RNN, il a été officiellement mis un place, par arrêté préfectoral du 23 janvier 2023 dernier, un groupement d’intérêt public dont la présidence a été attribuée à Bibi Chanfi, conseillère départementale, chargée du développement économique et de la coopération décentralisée.
Ce GIP, qui a tenu sa première assemblée générale ce vendredi, se centralisant au sein même des locaux du Pôle d’excellence rurale de Coconi, permet d’offrir clarté et transparence au regard des responsabilités et actions de chacun entre département, ONF et État** auquel se greffent un comité consultatif de gestion mais aussi un conseil scientifique afin d’assurer 3 axes majeurs de mission en lien avec la Protection, la Connaissance et la Sensibilisation de nos forêts mahoraises officiellement délimitées donc, par cette réserve en devenir. « La mutualisation des moyens nous est indispensable pour la surveillance qui est notre mission première. Lorsqu’on n’occupe pas un espace, d’autres s’en chargent et c’est sur ce point problématique qui a aussi un impact sur notre qualité de vie (ndlr – ressources en eau de plus en plus complexes) qu’il nous faut agir en délimitant clairement le territoire tout en sensibilisant les populations » indique Bibi Chanfi.
Le comité consultatif de gestion
Réparti en 4 ’’collèges’’, ce comité sera donc constitué, par ordre de catégories :
- De représentants des institutions et établissements publics de l’État (préfet, Dealm, Daaf, Office français de la biodiversité),
- Des élus locaux intercommunaux (CCSud, Cadema, 3CO, Cagnm),
- Des représentants propriétaires et usagers (CD976, ONF océan Indien, Amis raid rando, Rando clean)
- Et enfin de personnalités scientifiques qualifiées tout comme des associations agréés portant leurs actions sur le volet protection environnementale (Naturalistes, Fédération mahoraise des associations environnementales, Mayotte nature environnement et 2 botanistes).
Une Instance consultative, volontairement à taille humaine, alimentée par des experts nécessaires, pour justement fluidifier les échanges. « La Présence des interco est extrêmement importante pour débattre » souligne André Lechiguero, chef de l’unité biodiversité à la Dealm de Mayotte, en charge de la mise en place de ce colossal chantier « Nous avons fait appel à une commission extérieure pour pouvoir assurer en amont la médiation globale entre les différents acteurs et, surtout, élaborer la feuille de route qui est le socle solide indispensable pour des décennies de travail ».
Dans les missions attribuées à ce comité, la possibilité de formuler sa vision quant aux mises en application, à la gestion et aux études scientifiques relatives à cette RNN afin d’assurer les conservation, protection et amélioration de nos massifs forestiers. À cette instance se greffe donc un conseil scientifique local qui permettra d’émettre des avis sur les différentes études qui seront menées ainsi que d’acquérir et alimenter certaines connaissances qui manquent encore à notre territoire.
Création d’une police de l’environnement
Pour mener à bien cette mission, il est prévu le proche recrutement d’un directeur/préfigurateur de la RNN des forêts de Mayotte qui aura avant tout un profil d’expertise gestionnaire dans l’élaboration de ses activités et le recrutement futur de 9 agents ONF terrain, dont 1 responsable.
La spécificité des ces agents réside dans le fait qu’ils seront assermentés pour justement assurer leur propre sécurité au regard de la singularité de notre territoire. Cette formation bien spécifique, normalement basée en métropole et présentant une liste nationale d’attente des plus longues, il a été envisagé par le GIP et le comité consultatif la potentialité de monter localement un projet officiel de formation amoindrissant par la même occasion le bilan carbone, le plan économique ainsi que la logistique d’un tel enjeu.
Cette sécurité personnelle des agents, voulue de tous, aura suscité un long débat pratique entre les acteurs présents à cette matinée quant à la possibilité de directement armer cette police de l’environnement. Une dérogation à titre exceptionnelle reconnaissant la dangerosité de notre territoire peut tout à fait être plaidée auprès du ministère de l’Intérieur sachant qu’il avait été cas similaire concernant la réserve naturelle amérindienne des Nouragues, située au nord-est de la Guyane française, bien connue pour ses problématiques d’orpaillage illégal et d’insécurité. Parmi les autres besoins relatifs à la mise en place pratique de ce service de brigade forestière sur le plan 2023-2026, l’achat d’un parc automobile tout terrain et autres matériaux indispensables. Parmi les responsabilités de la présidente du GIP, la mandature pour signer au nom du directeur de la RNN, pas encore recruté rappelons-le, toute action au regard de la mise en place de ce tout nouveau service afin d’assurer un indiscutable gain de temps.
Les ressources principales pour ce projet proviennent d’une dotation annuelle, établie par le ministre en charge de l’environnement, s’élevant à 450 000 euros auxquels s’ajoureront le travail d’engagement et de mobilisation du GIP RNN afin de décrocher des subventions supplémentaires relatives, notamment, au fond vert, ainsi qu’aux crédits européens de type fonds de développement régional (Feder). C’est en mars de chaque année qu’est remis le rapport définitif national des différents GIP RNN afin de voter le budget pour l’année suivante.
Les objectifs idéaux fixent les premiers recrutements d’agents entre septembre 2023 et février 2024.
Infos pratiques :
Dans le cadre de la réglementation de cette réserve naturelle forestière, il sera strictement interdit :
- L’exploitation forestière,
- L’exploitation minière,
- La chasse ou encore la pêche,
- L’élevage (l’installation de ruches sera soumise à dérogation et autorisation spécifique),
- La construction,
- La circulation de véhicules motorisés (hors véhicules d’intervention publique autorisés),
- Le bivouac ou camping.
Les piétons, cavaliers et cyclistes seront les bienvenus sous couvert de respecter les tracés officiels établis. Par ailleurs, les dispositifs scientifiques dédiés aux études et suivis des écosystèmes et espèces seront tout à fait autorisés.
MLG
* On appelle espèce indigène, une espèce qui est arrivée naturellement dans un milieu sans interventions humaines. Une espèce endémique est une espèce indigène qui a évolué en donnant une nouvelle espèce.
** Le GIP de la réserve naturelle des forêts de Mayotte a été créé pour gérer cette dernière (créée le 3/01/2021). Les membres fondateurs sont l’ONF Mayotte ainsi que le département de Mayotte à travers la Direction des ressources terrestres et marines (DRTM) et son Service des ressources forestières (SRF).