Âgés de 15 à 19 ans, venant pour la majorité des zones les plus excentrées de notre île, ils ont suivi de manière assidue une formation de 147 heures répartie sur près de 7 mois. Au delà de la symbolique de cette remise de diplômes, c’est tout leur indiscutable engagement et la quotidienne ponctualité des plus soutenues qu’il faut saluer en ce territoire où, à tort ou à raison, le jeu des raccourcis et généralités envers la jeunesse est bien trop usité.
Du BTP à l’agriculture, il n’y a qu’un pas…
Ayant pour mode de fonctionnement un apprentissage pratique par le terrain, cette formation pluri-spécialités, adressée avant tout à des profils sensibles plutôt éloignés du marché de l’emploi, se veut attrayante, parlante mais aussi concrète et ce, encadrée cette année par le conseiller social et professionnel Lébéné Behanzin et par l’expertise du formateur référent Mohamadi Chebani.
En effet, sur la totalité des adolescents, aucun jusqu’alors ne jouissait d’une quelconque connaissance en matière de bâti, de charpente, de carrelage de maçonnerie ou bien même de peinture. Pourtant, lorsque l’on connait les enjeux actuels de notre département et notamment sur les volets jeunesse, foncier et construction, on comprend bien que ce genre de formation est une réponse directe aux besoins locaux, d’une part d’insertion professionnelle et d’autre part de recherche de main d’œuvre qualifiée et de développement socio-économique. Ainsi, durant le second semestre 2022 et cette amorce 2023, nos apprentis experts du mortier et de la truelle ont enduit, dallé, quadrillé, jalonné, découpé, ossaturisé, étanchéifié et plus si affinités…
Et justement, là est toute dynamique visionnaire et précurseur de cette intelligente affinité, ayant introduit dans cette formation un chapitre maçonnerie paysagère et culture potagère. Lorsqu’on connait les aspirations gouvernementales actuelles en matière de reconquête de la souveraineté alimentaire, notamment dans les départements ultramarins, là encore, chapeau bas Prof’Forma, on est plus que dans les clous pour susciter localement les vocations utiles d’aujourd’hui et de demain. Des vocations et constructions de vie pour lesquelles ces jeunes se donnent les moyens, comme nous le souligne Saindou Combo, gérant de la SARL Prof’Forma « Ils se sont débrouillés pour être là tous les jours pendant plus de 6 mois, sachant qu’ils ne sont pas rémunérés pour cela, qu’ils n’ont pas de moyens de locomotion et qu’ils viennent de toute l’île. Ils ont envie de s’en sortir et nous l’ont démontré ».
Une indispensable mutualisation des moyens au profit de ces jeunes
Pour cette seconde édition, l’intégralité du financement de la formation a été pris en charge par la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Mayotte. Une prise en charge symbolique confirmant l’engagement du Gouvernement mais surtout l’indiscutable nécessité de valoriser aussi ce public vulnérable, bien souvent en marge de la société « Nous avons une sensibilité particulière sur l’accompagnement des personnes identifiées comme les plus éloignées du marché de l’emploi et il est de notre devoir de participer à leur qualification pour faciliter leur insertion professionnelle », nous précise Yannick Leres-Bishopp, responsable du Pôle DEETS solidarité insertion.
Une complémentarité salutaire appuyant le département et notamment le service d’aide sociale à l’enfance qui s’est déjà vu confier près de 2 000 jeunes* et qui ne cesse de s’investir pour trouver solutions et alternatives d’insertion pour ces publics dans la pauvreté qui sont parfois aussi sans papier : « Nous sommes là pour donner de l’espoir à cette jeunesse perdue mais qui veut s’en sortir. Nous lui tendons la main car elle en a besoin et les aspects financier et administratif ne doivent surtout pas être un frein. Il faut tirer ce territoire vers le haut » interpellent conjointement Ali Omar, 3ème vice-président du conseil départemental et Abdou-Lihariti Antoissi, directeur de la protection de l’enfance. Un département qui verbalise son besoin de « bouffée d’oxygène » et « d’engagement fort de la part l’État » sachant aussi le point de discorde et le gouffre pratique existant entre la budgétisation annuelle évaluée à près de 9 millions d’euros, par la chambre régionale des comptes à Mayotte, et l’investissement minimum concret de fonctionnement des dispositifs annoncés par l’ASE, s’élevant à plus de 50 millions d’euros.
Des solutions donc de mutualisation et de complémentarité indispensables auxquelles s’ajoutent un panel de partenaires répondant directement ou indirectement aux problématiques de notre département en offrant des solutions cadrées, cohérentes et anticipées aussi en lien avec le volet judiciaire et la substantielle insertion par l’emploi : « L’oisiveté est mère de tous les vices », introduit Ludovic Chevalier, directeur de l’établissement de placement éducatif et d’insertion au sein de la PJJ, « pour éviter les dérives, il faut occuper et apporter des solutions à ces jeunes pour qu’ils deviennent aussi des exemples pour les autres ».
Des exemples certes, mais avant tout des prises de conscience de leur plein potentiel et de leur propre valeur donnant motivation, espoir et perspective d’avenir à cette jeunesse qui doit aussi incarner les entrepreneurs et employeurs de demain. Dans ses objectifs louables, l’organisme Prof’Forma aspire à décrocher une certification officielle permettant ainsi d’accroire les moyens et la valorisation de cette formation.
MLG
*source conseil départemental de Mayotte