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Chambre des comptes : Dans une situation financière « enviable », Bandraboua attendue sur l’émergence d’écoles

La Chambre régionale des comptes (CRC) a entamé il y a quelques mois une nouvelle séquence d’évaluation des finances des communes mahoraises sous un prisme : leur capacité à d’exercer leur compétence scolaire. Si le déficit d’écoles face à un gros afflux d’enfants est le même partout, certaines communes se donnent les moyens de relever le défi.

La CRC a décidé de faire des élèves un enjeu pour les communes à travers leur capacité à dégager des fonds pour mener les travaux de construction, de rénovation d’écoles, de cantines et de réfectoires. Pour ce T0 de la méthode commencée avec Dzaoudzi Labattoir, l’état des lieux est le même partout : un sous dimensionnement des établissements scolaires face à l’arrivée toujours massive de jeunes notamment en provenance de l’immigration, accroit la rotation dans les écoles primaires dont les communes ont la charge. Rendant pour l’instant impossible la scolarisation de tous les enfants de 3 ans.

A partir de ce constat, celles qui parviennent à investir dans de nouvelles écoles vont voir leur situation et celle de leurs élèves, s’améliorer. Bandraboua est bien partie pour cocher cette case.

Le contrôle des comptes de la commune mené en 2022, porte sur les exercices 2017 et suivantes, donc à cheval entre la fin de mandature de Soulaimana Boura, et celle du nouveau (et antépénultième maire), Fahardine Ahamada.

Cinq villages, Bandraboua-village, Dzoumogné, Handrema, Bouyouni et Mtsangamboua, composent la commune de Bandraboua, qui compte six écoles maternelles et sept écoles élémentaires accueillant respectivement 1.098 élèves dans 37 classes et 2.241 élèves dans 115 classes.

Tous les élèves de 5 ans ne sont pas scolarisés

Entre 2017 et 2021, les effectifs des écoles de la commune ont augmenté de 13 %, sous l’effet d’un télescopage de deux décisions : le décret du 29 juin 2020 qui prévoit que la justification du domicile lors de la demande d’inscription peut se faire par une simple attestation sur l’honneur, et non une attestation de domicile comme c’était le cas, et en raison de la loi du 26 juillet 2019 d’instruction obligatoire pour les enfants de trois à cinq ans. « Le rectorat estime que 53,7 % des enfants de trois ans sont scolarisés à Mayotte et se fixe un objectif de 60 % en 2024-2025. Pour les enfants de quatre ans, le taux de scolarisation est évalué à 80,9 % pour un objectif de 78 %. Le taux de scolarisation des enfants de cinq ans n’est pas précisé par le rectorat, mais l’objectif est de 85 % en 2024-2025. » La commune n’arrive pas à dépasser 9% pour les 3 ans et 13 % pour ceux de quatre et cinq ans.

20 ans entre deux passages de la commission de sécurité !

Les 13 écoles de la communes ont donc dû pousser les murs, en créant 17 salles de classe supplémentaires, et en accueillant 30 élèves par classe en maternelle, et 19 en élémentaires. Et en accroissant les rotations de 42% à 65% des élèves. « Cette situation ne permet pas un apprentissage satisfaisant », ni la mise en place d’activités périscolaires ».

La courbe en V de l’évolution des effectifs scolarisés à Bandraboua

La commune semble déterminée à fournir des efforts au-delà même de la loi, puisque malgré l’absence de transfert des écoles du SMIAM (Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte en cours de dissolution, qui avait cette compétence), cette dernière l’a reprise à son compte « sans que des conventions soient passées avec les propriétaires des terrains ». Or, le code général des collectivités territoriales précise que les constructions « sur sol d’autrui » ne permettent pas d’avoir droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Bandraboua n’en a donc pas bénéficié.

Fahardine Ahamada déjà maire de Bandraboua en 2014

L’état général des écoles est mauvais à Mayotte, cette commune n’y déroge pas. « Seules trois des treize écoles de la commune ont reçu un avis favorable de la commission de sécurité »… qui ne leur rend visite que trop rarement, « pour l’école primaire de Mtsangaboua, le procès-verbal de la commission de sécurité remonte à l’année 2003, soit presque vingt années. » La commune a indiqué qu’une campagne de rénovation des écoles était en cours.

Pour financer ses constructions et ses rénovations, une commune peut compter sur des fonds de l’Etat dont la dotation spéciale de construction et d’équipement scolaire de l’Etat ou fonds exceptionnel d’investissement.

Ainsi ce sont 6,8 millions d’euros qui ont été attribués pour la réalisation de travaux dans les écoles de la commune de 2015 à 2021, mais seulement 53 % des montants prévus ont été versés. « Même si les financements sont élevés, ils ne permettent pas de faire « émarger » toutes les opérations souhaitées par la commune », et la Chambre invite la commune à contribuer davantage sur fonds propres.

Projection avec et sans aléas

Aucune nouvelle école n’a été construite entre 2017 et 2021, seules 7 classes ont été créés, 51 classes rénovées et un réfectoire construit.

26 classes prévues à Dzoumogne

S’appuyant sur la méthode adoptée dans le rapport de l’inspection générale de l’éducation sur les constructions scolaires à Mayotte en 2019, la Chambre livre à la commune un scénario de projection d’une augmentation du nombre d’élèves de 3,1% par an et livre son résultat : « le besoin est de 81 classes, mais les projets en cours permettent de le limiter à 50 ». En effet, la commune prévoit la construction d’une nouvelle école de 26 classes dans le village de Dzoumogné ainsi que la reconfiguration de l’école du village de Bandraboua qui passerait de 9 à 20 classes. Attention, une partie des écoles est en bordure de littoral, donc en risque submersion… nécessitant un potentiel déménagement.

Pour réaliser ces travaux, l’insuffisance d’ingénierie ne permet pas d’évaluer correctement le montant des investissements qui font l’objet de rallonges, et « ne lui permet pas d’exercer pleinement sa compétence », mais… la DEAL veille désormais, « Pour les opérations structurantes, elle est chargée d’une mission d’assistance générale à caractère administratif, financier et technique ».

Des collations pour nourrir… le procureur

Faute de cantine, les élèves reçoivent des collations, à la qualité insuffisamment contrôlée, si l’on en croit la Chambre, qui souligne que ce n’est pas de la compétence de la commune : « La société Y retenue pour la fourniture et la livraison de la collation scolaire 2017-2018 et 2018-2019 a fait l’objet d’une mise en demeure par la DAAF en novembre 2018 qui constatait des non-conformités graves », qui, n’ayant pas été corrigées, a incité la DAAF à transmettre le dossier au procureur de la République. » Ça partait mal pour la seconde société qui redressé la barre à temps. « Les contrôleurs et directeurs indiquent que ce sont toujours les mêmes menus qui sont distribués, qu’il s’agit le plus souvent de produits sucrés, barres de céréales de premier prix et sandwichs, à tel point qu’il arrive que les enfants ne les mangent pas. »

Les collations pas équilibrées

Sur le plan financier, tout va plutôt pas mal. Et malgré l’aberrante décision portant la commune à payer plus de 100.000 euros de taxe foncière chaque année, à la place de particuliers ayant construit sur ses terrains, et « alors que les activités de service public sont exonérées du paiement de cette taxe ». Des recherches ont été entamées « pour identifier les occupants et procéder aux régularisations », indique la mairie. Environ 500.000 euros de recettes n’ont également pas été perçues.

Avec un excédent de plus de 7 millions d’euros fin 2021 pour un budget de 14,7 millions d’euros, la commune présente une situation financière plutôt favorable, avec une probable capacité d’autofinancement annuelle d’environ 1,5 million d’euros. Compte tenu du niveau élevé des dépenses d’équipement envisagé par la commune, notamment la construction d’une nouvelle école, l’extension du nombre de classes dans des écoles existantes, la construction d’une piscine, « l’évolution des charges de gestion restera dynamique puisque ces nouveaux équipements nécessiteront le recrutement de nouveaux agents et la prise en charge de leur rémunération », pointe la Chambre qui indique que la commune peut se passer d’avoir recours à l’emprunt évalué à 13 M€, «  compte tenu du niveau élevé du fonds de roulement, soit 7,3 millions d’euros en début de période ».

Un encouragement qui vaut quasiment une décoration façon Chambre des Comptes : « La commune apparaît dans une situation enviable : elle serait en mesure de réaliser plus de 51 M€ de dépenses nouvelles d’équipement tout en conservant une situation financière équilibrée. »

Ce contrôle a donné lieu à dix recommandations dont cinq dites de régularité.

Anne Perzo-Lafond

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