Deuxième jour de procès en appel des coupeurs de route. C’est avec un ton très courtois et empathique que le président du tribunal, Cyril Ozoux, demande à l’un des prévenus de s’avancer à la barre. « Notre objectif est de faire avancer le mieux possible les choses vers la vérité. C’est ce que nous recherchons », explique-t-il en préambule à l’accusé.
Près de 210.000 euros versés pour une cécité
Le président demande au prévenu de raconter comment son infirmité visuelle a été provoquée. L’intéressé n’est pas toujours très clair dans ses propos mais on apprend que cette quasi cécité serait due à un cambriolage qu’il aurait commis quand il avait 12 ou 13 ans, avec deux de ses copains, et qui aurait mal tourné pour lui.
« Je n’avais pas envie d’y aller, explique-t-il. Mais c’est mon ami qui m’a obligé. Il m’a dit : si tu refuses je vais te faire mal. Nous sommes arrivés près de cette maison et il m’a positionné près de la porte. D’un coup, j’ai pris du plomb dans le visage et je ne voyais plus rien – Vous avez reçu un coup de fusil ? Demande le président – Oui, j’avais le visage gonflé et je suis allé à l’hôpital. J’ai dû subir deux opérations, une à Mayotte et une autre à La Réunion.
« Que s’est-il passé ensuite ? », poursuit Cyril Ozoux. « On m’a dit de porter plainte – Avez-vous été poursuivi par la justice pour le cambriolage que vous avez commis ? – On m’a amené au tribunal et mon avocat s’est occupé de tout », raconte le prévenu. On apprend ainsi qu’il aurait touché la coquette somme de près de 210.000 euros en frais d’indemnisation. Un premier versement de 90.000 euros en 2015 et plus de 119.000 euros en 2018.
L’un des accusés nie en bloc, l’autre reconnait une participation passive
Le président du tribunal à la fois pragmatique et maitrisant bien son dossier poursuit ses questions. « Revenons sur les faits du 8 et 16 juin 2016. Vous êtes mis en cause par plusieurs personnes. Avez-vous participé d’une façon ou d’une autre à ces événements ? – Non je n’y étais pas. J’ai simplement entendu dire à la radio qu’il s’était passé des choses là-bas – Plusieurs accusés vous impliquent et vous désignent même comme le chef, l’organisateur », questionne le président de la cour d’assises. « J’ai déjà des difficultés à m’organiser avec moi-même… ce n’est pas moi – Pourtant, il y en a un qui raconte la chronologie des faits comme quoi une réunion aurait été organisée chez vous dans votre banga pour préparer le coup – Il ment », réplique l’accusé.
Le président appelle ensuite à la barre le second prévenu, qui lui a reconnu les faits commis le 8 juin 2016 mais a fait appel car il considère que sa condamnation à 16 ans de réclusion criminelle est trop sévère. « Je regrette, dit-il en se tournant vers les victimes présentes à l’audience. J’étais là mais je n’ai rien cassé. J’ai juste demandé un ou deux téléphones – Certains accusés vous ont présenté comme le lieutenant, le numéro deux dans cette histoire. Quel était votre rôle exactement ? Interroge Cyril Ozoux – Je voulais simplement manifester mon mécontentement en barrant la route car nos bangas avaient été détruits quelques jours auparavant. Je ne voulais pas faire de mal ».
Le président, rusant, continue. « Vous vouliez manifester votre mécontentement comme les syndicats par exemple avec des pancartes ? – Oui répond le prévenu. Pourquoi n’en aviez-vous pas alors ? Il semblerait que vous aviez plus un couteau que des pancartes ? – J’avais juste un petit couteau dans mon sac. Mais ce n’est pas moi qui ai pris la décision du barrage », répond-t-il.
Le président de la cour d’assises s’est ainsi attaché minutieusement à avancer dans la compréhension des faits tout en interrogeant les prévenus en les mettant face à leurs contradictions et aux témoignages des autres accusés.
Ils devraient être fixés sur le sort jeudi à l’occasion du dernier jour de leur procès.
B.J.