Tous (ou presque) les services administratifs dans une Ruralinette

Obtenir un permis de conduire, une attestation d’état civil, ou un relevé de sécurité sociale quand on n’est pas connectable à internet, devient vite un cauchemar. C’est le mariage entre le label France services et un bus itinérant qui était fêté à Bandraboua ce jeudi.

« Pour se rendre dans un service public, quand on habite Bandraboua ou Mtsamboro, on y passe sa journée ! » Ce n’est pas un usager énervé qui s’exclame ainsi, mais le préfet Thierry Suquet lui-même qui faisait cette réflexion en public en arrivant tardivement à l’inauguration du bus numérique, à Bandraboua, dans le Nord-Ouest de l’île, « je voyais les minutes passer, mais pas les kilomètres ! »

C’est bien pour rapprocher les services de l’Etat du public le plus éloigné qu’a été pensé la « Ruralinette », comme l’a baptisé le président de la Fédération des Familles rurales, Mouhamadi Mambo, à l’instar des deux existantes en métropole (dont une est Rur@linette). Avant de détailler le projet fini, revenons en à sa genèse avec un de ses initiateurs, Salim Nahouda. « J’étais encore président de la Caisse (de Sécurité sociale), quand en déplacement en métropole en 2016, je vois un bus itinérant facilitant l’accès à internet. Avec mon équipe, on a aussitôt transposé le dispositif à Mayotte, et la Caisse a financé deux ou trois bus pour les soins bucco-dentaire, pour le dépistage de la vision, etc. »

Il y a peu, l’Etat lance un appel à projet pour rendre itinérant le label France Services. A Mayotte, 12 Maisons ont été labellisées France service et proposent donc une déconcentration des actes administratifs, état civil, permis de conduire, Poste, Pôle emploi, Finances publiques, services du ministère de l’Intérieur et de la Justice, mais également l’accès départemental au droit, la Mission locale, Apprentis d’Auteuil, l’Adie, la MDPH, l’ACFAV, le RSMA, la Croix Rouge, etc. En les énumérant le préfet se disait sensible au thème de l’inclusion, « il faut développer ‘l’aller vers’ ».

Les agents d’accueil s’installent à l’intérieur du bus numérique

Transformation digit@le de la société

Cet appel à projet de l’Etat n’est pas resté inaperçu du côté de Familles rurales, « nous avons répondu, et avons été choisi. Le bus numérique labellisé France services a été mis en place depuis quelques mois », précise toujours Mouhamadi Mambo. Il est financé par l’Etat à hauteur de 30.000 euros pour son fonctionnement et par la Caisse de sécurité sociale pour 56.000 euros en investissement.

Ce sont donc 470 usagers qui ont été accompagnés sur les trois premiers mois de circulation du bus, « au sein de deux villages de la commune de Koungou, Kangani et Longoni, et trois à Bandraboua, Bouyoni, Handrema et Mtsangamboua ». Le président de la Fédération souligne encore « la transformation digitale de la société qui implique un recours croissant au numérique pour toutes les démarches administratives. Or, comme en Hexagone, à Mayotte beaucoup d’habitants n’ont pas été formés à cela et souffrent d’illectronisme. » Cinq facteurs qui peuvent se cumuler sont en cause selon lui, « l’âge, le niveau de revenus, le niveau d’études, la taille de l’agglomération de résidence et l’éloignement social. Et il faut bien sûr rajouter le niveau de maitrise de la langue française ». D’ailleurs, tous les discours devant les administrés se tenaient dans les deux langues ce jeudi à la mairie de Bandraboua. Zouhourya Mouayad Ben, conseillère départementale d’Acoua, l’a prononcé en shibushi.

Le Nord, zone blanche en accès aux droits

Quelques habitantes de Bandraboua en attente d’une déconcentration des démarches administratives

La force de frappe de la Fédération c’est 600 familles adhérentes, sur les 121.000 au national, et d’être une des 69 Fédérations départementale. Il inaugurait la « Ruralinette », « la 3ème de France après l’Indre et l’Aveyron », main dans la main avec son comparse Ali Nizary, président de l’Union départementale des Associations Familiales (UDAF), mais aussi de la 1ère association de personnes âgées à Mayotte, Wadzade wa maore », et natif de Bandraboua.

Alors que l’intercommunalité du Sud a inauguré son bus France Services en décembre 2021, le Nord a donc désormais le sien, « ça tombe bien, indiquera Fatima en charge du Centre départemental d’Accès aux droits (CDAD), car nous n’avions pas de permanences dans le secteur Nord de l’île. »

Thierry Suquet n’avait plus qu’à se féliciter que Le label France services, initiative du président de la République « pour un service public de proximité », ait rencontré le volontarisme des acteurs de Bandraboua, « merci aux porteurs du projet », glissera-t-il, « l’Etat finance le fonctionnement, mais il est important que des compétences intègrent ce bus numérique pour renseigner au mieux les usagers. » Et rappelait que les structures n’obtenaient pas le label dans une pochette surprise, « un audit a été effectué par un organisme extérieur qui a labellisé les 12 Maisons France services du territoire ».

Si tout le monde souhaitait bonne route à la Ruralinette, Nourdine Dahalani, président de la CSSM, glissait, « sans vitesse excessive bien sûr ! », et rajoutait « j’espère qu’il sera suivi par de nombreux autres ».

Anne Perzo-Lafond

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