Mineurs ’’non-accompagnés’’. Quelle ironique appellation juridique ! Surtout lorsque l’on sait tout le travail, les dispositifs et l’extraordinaire engagement humain de cette association qui oeuvre depuis plus de 20 ans sur le territoire de Mayotte, pour justement protéger et accompagner les publics les plus vulnérables. Des publics tels que les mineurs isolés qui ont tous des histoires, des parcours et des profils bien distincts lorsqu’ils franchissent la porte de ladite structure.
Droits de l’enfant
Quelles que soient les raisons de son isolement sur un territoire qui n’est pas le sien, « un mineur n’est jamais en situation irrégulière », le souligne dans son discours d’ouverture Cédric Kari-Herkner, sous-préfet chargé de mission, présent pour l’occasion afin de rappeler l’importance de l’engagement de la France au regard de la Convention internationale et des droits de l’enfant.
Un mineur d’où qu’il vienne mérite d’être heureux, idéalement aux côtés de ses parents ou d’une cellule familiale solide. Si tel ne peut être le cas immédiat, pour x ou y raison, c’est en cela que le travail de l’association, soutenue exclusivement par fonds publics dans le cadre d’une mission de délégation, prend tout son sens en complémentarité des services départementaux, préfectoraux et même judiciaires notamment au niveau du centre de rétention administrative (CRA) qui, par exemple, peut s’occuper de prendre en charge un mineur dont le parent vient d’être interpellé au motif d’une situation irrégulière et n’accepte pas que son enfant le suive dans sa procédure d’expulsion.
L’établissement de mise à l’abri (EMA)
Si un mineur est dans une situation constatée de danger et, de surcroît, d’isolement acté, la procédure CRIP * le conduira dans un hébergement d’urgence, appelé EMA, de type famille d’accueil solidaire (choisie et suivie par les équipes de l’association) ou bien au foyer collectif Zawya à Acoua. Cet accueil transitoire d’une durée juridique maximale de 23 jours comprendra différents volets d’évaluation tant sur les plans de sa minorité confirmée et de son isolement que ceux liés à sa santé psychologique et physiologique. Ce bilan global de l’enfant sera par la suite transmis à l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui, à l’issue, a obligation préfectorale de trouver lieu ou structure où le mineur sera accueilli.
Il est important de noter que le bilan sanitaire est intégralement financé par fonds propres Mlezi Maore et la responsabilité revient exclusivement à son infirmière et non un médecin afin de justement diminuer les coûts de l’association car la prise en charge à ce stade là n’est pas encore couverte par l’ASE. Il est constaté que de plus en plus de MNA viennent du continent grand Est africain fuyant pour la plupart les conflits de guerres civiles propres à cette zone géopolitiquement instable. « Ces jeunes qui arrivent avec de réels traumas, n’ont pour la plupart jamais vu de médecin et n’ont ni vaccination ni quelconque dépistage » nous confie Maud, unique infirmière de ce service « j’ai de la chance que Mlezi finance ces consultations d’urgence légitimement plus poussées ». Des consultations poussées comme l’accompagnement de l’équipe éducative qui a pour habitude d’être « aux petits soins » avec ces enfants.
Le dispositif d’accompagnement des MNA
Mandaté par l’ASE, cet accompagnement socio-éducatif concerne exclusivement les mineurs de 0 a 18 ans n’ayant pas de représentant légal sur le territoire. Son plan d’intervention est large et peut aussi bien être acté par des visites en foyer et/ou famille d’accueil mandatée que directement à domicile dans le cas où l’enfant serait hébergé chez un oncle ou un tante éloignée. Le but de ce service est de suivre réellement l’évolution du mineur durant près de 12 mois en l’accompagnant dans sa scolarisation, dans son accès aux soins, à la nourriture, dans ses démarches juridiques, sa protection s’il y a suspicion de violence morale ou physique mais également de manière plus légère dans les sport et loisirs. Un travail parallèle ayant pour objectif d’entretenir le lien avec la cellule familiale est aussi mené. Pour ce faire, une équipe de choc et de terrain composée de 4 personnes qui arpente notre île en long, en large et en travers.
La réunification familiale
Créé en fin d’année 2021, ce tout nouveau service relatif à une réelle médiation a pour but de réunir le mineur et sa famille en son lieu d’origine. Tout un légitime travail d’enquête est effectué en amont, notamment sur décision d’un juge, afin de s’assurer de l’environnement sécuritaire et du bien-être réel dont il sera question au retour de l’enfant. Pour ce faire, une collaboration décentralisée avec certaines associations locales, comme Bouge-toi Anjouan par exemple, qui assurent également un suivi retour.
En 2022, ce sont 3 mineurs qui ont bénéficié avec émotion de ce protocole. « Nous travaillons sur des projets humains et il n’est pas question que d’un simple métier mais bien d’une totale implication intellectuelle et bien souvent émotionnelle qu’on ramène aussi à la maison », nous confie Chifaou Ayouba, directrice des établissements MNA avant de poursuivre : « bien souvent trop d’amalgames sont faits entre mineurs isolés et délinquance mais je peux vous assurer que sur plus de 450 habilitations à l’année, si nous avons 2 ou 3 jeunes qui sont auteurs de faits, c’est le maximum ».
Une indiscutable et noble implication humaine que nous avons pu ressentir tout au long de cette matinée d’échanges et de présentation et ce, quel qu’en fut le service.
Quelques chiffres en 2022
- Service d’évaluation des MNA : 480 habilitations
- Dispositif accompagnement des MNA : 328 habilitations
- Mise à l’abri des MNA : 136 habilitations
- Réunifications familiales : 3
- Mineurs hébergés demandeurs d’Asile : 136
MLG
* Rattaché directement au service départemental, la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) est une composante de la direction de la protection de l’enfance. Indépendante, elle fait partie du dispositif (CRA) de prise en charge 1er niveau MNA de l’association Mlezi Maore. Cette cellule de centralisation informative et exécutive peut également travailler avec d’autre organismes tels que Solidarité Mayotte ou encore les services de prévention concernant tout ce qui englobe les mineurs en situation de danger immédiat ou à venir (signalement, ordonnance de placement provisoire, demande du Parquet…) et les mesures exécutives qui s’en suivent (EMA, DAMNA…). Pour l’année 2022, rien que pour le service dédié aux MNA, ce sont près de 1 700 IP qui ont été traitées.