Tous les mois de janvier, le service statistique du ministère de l’Intérieur donne un premier état des lieux de l’évolution de la délinquance en France. Il sera affiné au cours des semaines qui viennent avec un bilan complet publié à l’été 2023. Ce 54ème bulletin d’InterStats rapporte les faits de délinquance enregistrés par la police et la gendarmerie nationales, complétés par des statistiques issues des enquêtes de victimation Cadre de vie et sécurité (CVS), qui permet de cerner les agressions qui n’ont pas fait l’objet de dépôt de plainte, et Genre et sécurité (Genese), précisément pour la mesure des taux de dépôt de plainte.
En 2022, la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance enregistrée ont repris la hausse constatée avant la crise sanitaire. Sont principalement concernés les homicides, les coups et blessures volontaires, les violences sexuelles et les escroqueries enregistrés par la police et la gendarmerie. Le nombre de victimes de coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, augmente ainsi fortement en 2022, +15 %, après +12 % en 2021. La hausse est légèrement plus forte pour les victimes de violences intrafamiliales, +17 % que pour les victimes d’autres coups et blessures volontaires +14 %.
Pour l’Outre-mer, le calcul a été fait différemment. Le nombre d’habitants constituant une assiette trop faible en comparaison des régions métropolitaines, c’est une moyenne des dépôts de plainte sur les 3 dernières années qui a été élaborée. Sur la période 2020-2022, le nombre d’homicides pour 1.000 habitants est plus élevé dans les régions ultramarines qu’en métropole. En cumul sur les trois dernières années, il atteint notamment 0,14 homicide pour 1.000 habitants en Guyane, 0,06 en Guadeloupe et Martinique, et 0,05 à Mayotte, contre 0,01 homicide pour 1 000 habitants en moyenne sur toute la France.
Libérer les stats par la parole
Les coups et blessures volontaires n’ont pas la même origine selon les régions. En moyenne, sur l’ensemble du pays, ils sont pour moitié le fait de violences intrafamiliales, alors qu’à Mayotte ces dernières l’expliquent pour 29% des cas, alors qu’elles avaient explosé en 2021. Si le bulletin n’analyse pas les données, nous pouvons lancer sans trop se tromper deux explications : les agressions pour vol d’automobilistes, etc., sont proportionnellement plus nombreuses à Mayotte, nous le verrons plus loin, et deuxièmement, malgré un début de libération de la parole, les violences familiales sont encore cachées. L’enquête nationale Genese le prouve : « la majorité des victimes ne déclarent pas les faits dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie. En 2020, un peu plus d’un tiers des victimes de violences physiques ont porté plainte, 34 % quand il s’agit de violences conjugales et 37 % quand ces violences ont été commises en dehors de la famille ».
Le nombre de violences sexuelles est annoncé comme stable en 2022 à Mayotte, mais nous restons le 4ème départements français le plus touché, avec 1,5 agressions pour 1.000 habitants. Et même analyse que pour les violences intrafamiliales, malgré la campagne Wamitoo de libération de la parole, elles restent encore trop souvent le fait d’arrangement entre familles.
Plus de 15% de dégradations volontaires
Si sur l’ensemble du pays, le nombre de coups et blessures volontaires augmente de plus de 10% entre 2021 et 2022, cette hausse est moindre à Mayotte, +7%. C’est qu’un autre indicateur connaît chez nous une augmentation bien supérieure à la moyenne nationale, celui des vols avec armes : « Par rapport à 2021, le nombre de vols avec armes augmente fortement, de plus de 12 %, en Guadeloupe, à Mayotte, en Normandie et en Bretagne. De l’autre, il recule nettement (de plus de 12 %), à La Réunion, en Bourgogne-Franche-Comté, en Guyane et en Corse. » Avec un taux de 2,5 vols avec arme pour 1.000 habitants, nous prenons la 2ème place du classement national derrière la Guyane, où ils régressent, suivis par la Guadeloupe ». Par contre, nous sommes parmi les départements les moins touchés par les vols sans violence, « mais avec une ampleur trop faible pour que cette évolution soit considérée comme statistiquement significative », glisse le bulletin InterStats. De la même manière, il y a moins de cambriolages de logement ou de vols de véhicules que dans le reste du pays.
Mayotte, le Loir-et-Cher, les Hautes-Pyrénées et l’Orne enregistrent les plus fortes hausses du nombre de destructions et dégradations volontaires entre 2021 et 2022, de plus de 15%.
En 2020 a été mis en place l’amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants (AFD). Peu mise en pratique sur les années de crise sanitaire, elle est logiquement en forte hausse en France en 2022 où les confinements ont été définitivement levés, +13%. On ne sait pas si cette mesure est systématiquement appliquée à Mayotte, où moins de 20% de personnes ont été interpellées pour cela, contre une fourchette haute de 60% dans 14 départements.
En résumé, la délinquance à Mayotte est portée par des vols commis par des individus armés, par des dégradations volontaires, et par des violences sexuelles et intrafamiliales.
Anne Perzo-Lafond