« A la demande du président de la République je réfléchis à lui proposer, ainsi qu’à la première ministre, un changement de paradigme extrêmement fort à Mayotte ». Les propos du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer se veulent être à la hauteur de l’urgence de la situation, celle consistant à « protéger Mayotte et le territoire mahorais notamment de l’immigration irrégulière qui vient ici rendre parfois la vie impossible aux Mahorais ». Comme pour allier l’image au geste, Gérald Darmanin s’est exprimé, samedi en fin d’après-midi, depuis la zone d’embarquement de Petite-Terre, au ponton maritime.
De la technologie de pointe au service de la surveillance maritime
Aux moyens humains, « deux fois plus de policiers, de gendarmes sur le territoire mahorais », matériels, « des nouveaux intercepteurs », aériens avec un avion survolant, « depuis plusieurs mois […] les côtes mahoraises pour prévenir effectivement l’arrivée des bateaux », s’ajoute désormais la dimension technologique ; avec une conviction « on voit bien que ces effectifs aussi important soit-il doivent être aidés par la technologie ». Les radars, « qui ont commencé à être installés à Mayotte, qui travaillent jour et nuit, qui vont être complétés en lien avec le ministre des armées », verront bientôt leurs actions complétées par une technologie de pointe comme les drones à l’instar du Diodon HP-30.
Actuellement en phase d’expérimentation, cet outil au service de la lutte contre l’immigration clandestine en mer permettra de renforcer les capacités de détection des entrées irrégulières par bateau grâce à son large rayon d’action, sa caméra optique et thermique ainsi que sa technologie militaire assurant un recensement GPS très précis. Certes, si à long terme l’objectif est que « chaque intercepteur en possède un », renseigne un des officiels, dans l’immédiat, il s’agit d’en « avoir deux, un pour la police et un pour la gendarmerie ». Concernant l’entière opérationnalité de ce nouvel outil, elle devrait se faire « progressivement ». En outre, Gérald Darmanin a indiqué que « des drones militaires » seront « utilisés dans les mois qui viennent pour pouvoir surveiller l’intégralité de la côte ». Quant au déploiement d’un bâtiment maritime pour renforcer la surveillance des côtes et assurer le renseignement, le ministre a souligné qu’il laisserait « le ministre des Armées gérer ses propres effectifs ».
Le RAID pérennisé quelque mois, création d’un GIR
Concernant les moyens du ministère de l’Intérieur pour lutter contre l’insécurité, Gérald Darmanin a annoncé « de pérenniser la présence des douze hommes du RAID ici pendant plusieurs mois que dureront encore les difficultés ». Leur arrivée, suite à la vague de violence ayant ébranlé le chef-lieu en novembre dernier, a permis d’assurer un retour au calme grâce à de multiples interpellations. Certes, a concédé le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer « trop de Mahorais connaissent encore des barrages intempestifs, des tentatives d’homicides, des cambriolages qui sont inacceptables qui sont souvent le fait de jeunes désœuvrés et qui sont le fait aussi de multi récidivistes délinquants ». Sur ce point, il a rappelé que l’autorité judiciaire « met les moyens », notamment avec l’annonce du garde des Sceaux sur la création d’un centre éducatif fermé ainsi que le « le renforcement des moyens judiciaires à Mayotte ».
Quant aux dispositions dépendant du ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin a décidé de créer un Groupe Interministériel de Recherches (GIR) afin de lutter contre le travail illégal et l’immigration irrégulière. Par ailleurs, depuis le 27 décembre 2022 et sa parution au Journal officiel, un office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) va être créé à Mayotte afin de lutter contre l’immigration irrégulière et notamment les passeurs. Des enquêteurs de police judiciaire spécialisés « seront directement sous l’autorité des magistrats, des policiers et des gendarmes » favorisant ainsi un gain de temps substantiel « plutôt que de faire venir des spécialistes de métropole soit d’envoyer les dossiers en métropole ». A ce titre, le ministre s’est dit « particulièrement choqué des complicités » pouvant exister parmi les élus et la population rappelant que « si on lutte contre l’immigration irrégulière alors le monde de l’entreprise ne peut pas embaucher des gens de façon illégale […], alors certains élus ne peuvent pas cautionner, parfois organiser des signatures de faux certificats ou de faux documents de logements ».
De prochaines annonces semblent se profiler
Néanmoins, le renforcement des moyens, quel qu’il soit, ne peut faire l’économie d’un travail diplomatique « qu’est en train de faire Madame la ministre des Affaires étrangères », a rappelé Gérald Darmanin, soulignant « qu’il n’y a pas que l’immigration comorienne, il y a aussi l’immigration africaine ». Lui-même entamera des discussions en se rendant « d’ici l’été dans plusieurs Etats qui connaissent un certain nombre de départs de personnes pour venir sur le sol français à Mayotte » mais qui ne parvenant pas à avoir le droit d’asile « ne repartent pas dans leur territoire ». L’occasion pour le ministre d’indiquer que dans le projet de loi immigration, « il y aura un texte spécifique pour l’île de Mayotte ».
Si des discussions ont déjà lieu entre le préfet et le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, ainsi qu’avec les élus, « s’agissant des décisions importantes qui concernent le droit du sol, qui concernent l’immigration, il appartiendra au président de la République lui-même de sans doute vouloir préciser certaines choses qui sont très importantes », a exposé Gérald Darmanin. En effet, sa présence à Mayotte pour le Nouvel An, au-delà de l’aspect symbolique, constitue une étape de préparation « avant que le président de la République ne puisse s’exprimer sur Mayotte dans les semaines ou mois qui viennent ».
Pierre Mouysset