Les Journées « île morte » en septembre décrétées par les élus pour protester contre la flambée de violences et de caillassages, le regain d’affrontement entre bandes rivales en novembre ayant entraîné le déploiement d’une dizaine de membres du RAID, depuis la dernière visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, la houle sévissant sur terre tranche avec la tranquillité du lagon. Est-ce à dire que rien n’est nouveau sous le soleil depuis l’embrasement de Kawéni en août dernier, survenu alors à quelques jours de la visite de Gérald Darmanin et du ministre délégué des Outre-mer, Jean-François Carenco ? Selon Bacar Attoumani, secrétaire départemental d’Alliance Police 976, des avancées se sont bel et bien concrétisées.
Du matériel et des hommes
Parmi elles, détaille le syndicaliste, « la réception et le déploiement de drones pour le renseignement lors des violences urbaines, la formation d’une dizaine de policiers pour l’utilisation d’armes intermédiaires de longue portée afin de procéder à la neutralisation et l’interpellation des meneurs lors des troubles urbains ». Le déploiement du RAID, constate-t-il, « a sensiblement diminué le nombre de blessés du côté des forces de l’ordre, la fréquence des troubles à l’ordre public, les barrages routiers tout en augmentant les interpellations d’individus dangereux avec plus de sérénité ». S’y ajoutent également « la convention établie avec un médecin statutaire pour examiner les policiers en cas de blessures en service » ainsi que « la venue de jeunes mahorais expérimentés via le dispositif de l’article 25 relatif à la nécessité de service ».
Ces policiers d’expérience, avec une dizaine d’années de service en métropole, permettra d’insuffler une nouvelle dynamique ne serait-ce qu’au regard de la moyenne d’âge des effectifs actuels « entre 40 et 43 ans ». Au-delà de ce rajeunissement, la venue de ces policiers s’inscrit dans une réflexion sur « la viabilité du système à long terme sans cadre mahorais ». « Sans communautarisme aucun, il s’agit d’anticiper sur la police de demain et Alliance Police nationale souhaite rencontrer le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer afin d’évoquer ce sujet avec lui », fait savoir Bacar Attoumani.
L’attractivité de l’île au lagon se pose aussi pour les policiers
Former ainsi que faire revenir des policiers dans le 101e département pose la question de l’attractivité du territoire. Pour le secrétaire départemental d’Alliance Police 976, c’est là que le bât blesse, incontestablement. « L’épanouissement des policiers à Mayotte est un enjeu aussi pour la sécurité des Mahorais », note-t-il. « Or comment les attirer ici avec leur famille quand il y a autant de difficulté à se loger, à scolariser les enfants ou encore à assurer les besoins primaires avec des coupures d’eau à répétition », s’interroge le syndicaliste. Sans oublier, « les problèmes de paye notamment en ce qui concerne les attestations de blessures en service ». Déjà en août, il s’agissait d’une doléance exposée puisque « la lenteur crée de la frustration car pendant ce temps-là les agents ne perçoivent pas leur pension ». Se pose également le sujet « de l’offre culturelle, des possibilités de loisirs pour décompresser et remobiliser le moral », souligne-t-il.
L’urgence contre l’anticipation ?
Des éléments qui selon Bacar Attoumani ne peuvent être laissés sans réponses, à l’heure où certains politiques se saisissent de l’opportunité d’ouvrir un nouveau commissariat à Koungou ; d’autant qu’Alliance Police souhaite rencontrer le ministre pour évoquer avec lui « la possibilité de créer un Groupe d’Appui Opérationnel (GAO) en Grande-Terre et un commissariat en Petite-Terre ». Par ailleurs, se pose également la question, comme cela été le cas en août, de l’efficacité de la Lutte contre l’immigration clandestine (LIC). « Est-ce que les radars fixes détectent toutes les entrées ? Comment maîtriser les frontières si on ne sait pas exactement combien de kwassas tentent de beacher sur l’île ? », s’interroge le secrétaire départemental, ajoutant que « le dispositif actuel n’est plus suffisant ». L’ensemble de ces questionnements, qu’il s’agisse de la LIC, de l’attractivité du territoire ou encore de la sécurité, fait écho, selon lui, à « un manque de projection sur le long terme en raison de la logique de l’urgence qui prédomine ». Or, le meilleur remède contre cette urgence, n’est-il pas justement dans l’anticipation ?
Pierre Mouysset