Un « D.V. » en toutes lettres s’affiche sur le grand tableau numérique du CRA de Pamandzi, unique en France. Jordan Bardella s’enquiert de sa signification, « ce sont les Départs Volontaires. Une partie des étrangers en situation irrégulière viennent nous voir et évoquent des conditions de vie trop difficiles, davantage d’insécurité qu’aux Comores. Donc, comme certains ironisent, l’Etat leur paie le billet retour mais de toute façon, ils sont expulsables. Et je ne fais pas dans l’angélisme, je sais qu’il reviennent », rapporte Bruno Bonnotte, directeur adjoint de la Police aux Frontières (PAF).
Une forme d’immigration hors norme ici, comme le découvrira encore le président du RN qui interroge de nouveau, « et vous avez des ONG ici qui empêchent les navires d’arriver comme en Méditerranée ? ». La réponse par la négative s’accompagne de la description d’une immigration qui n’a rien à voir avec ce qui se passe en métropole : « La distance est très courte depuis Anjouan, deux heures au plus rapide. Lorsqu’ils sont interpellés, il n’y a aucune difficulté pour les reconduire à Anjouan alors qu’on le fait sur leur seule déclaration verbale disant qu’ils en sont natifs, puisqu’ils n’ont pas de papier sur eux. Sur le bateau de retour qui bat pavillon comorien, il n’y a pas de policiers à bord. C’est rare qu’ils posent des problèmes envers l’équipage, sinon ils sont remis aux autorités sur place ».
D’autres spécificités attendent Jordan Bardella au CRA de Mayotte d’une capacité de 136 places, puisque la centaine de personnes qui y sont placées chaque jour pour reconduites ne reste que 24h contrairement à la métropole où le séjour en rétention est de 17 à 90 jours : « Heureusement qu’ils restent peu, car au bout de deux jours, ils deviennent invivables. Ils sont presque heureux quand le bateau arrive. On peut dire qu’on a affaire à une population très résiliente. »
Jordan Bardella apprend que parmi les 23.100 expulsés depuis le début de l’année il y a donc une bonne partie de doublons, de personnes qui sont parties et revenues, et pour cause, la scolarité et les soins sont prisés à Mayotte contrairement aux Comores où ils sont défaillants.
« C’est une migration de peuplement »
Une immigration devenue insupportable pour les politiques publiques, classes et rotation, hôpital engorgé, ce qui fait que la situation se dégrade, « je suis arrivée en 2011, les interpellations à terre ne posaient pas de problème. Maintenant, elles sont de plus en plus difficiles, on se fait caillasser, et pas seulement par des gamins de 7 ans, mais par des adultes de 45 ans », rapporte le représentant de la PAF.
Pour Jordan Bardella, l’immigration est spécifique oui, mais par la revendication d’un Etat sur un autre, « C’est une migration de peuplement, de revendication territoriale », et face à une situation « hors de contrôle », réclame un « état d’urgence sécuritaire » pour Mayotte. Et décline des mesures fortes du RN : « Il faut supprimer le droit du sol et sur l’intégralité du territoire français, appliquer la priorité nationale pour réserver l’aide sociale aux familles françaises uniquement, protéger nos frontières à l’aide de drones, et mettre beaucoup plus de monde pour protéger nos frontières, notamment déployer la Marine nationale, rétablir la double peine et raccompagner les délinquants aux frontières. »
« La France est devenu un guichet social »
Parce qu’il relègue au second plan les raisons sanitaires et scolaires qui poussent les migrants à Mayotte, Jordan Bardella ne veut pas entendre parler de coopération régionale réductrice d’inégalités : « La France donne déjà 150 millions d’euros aux Comores. Si en retour, ils ne peuvent pas empêcher les départs de leur territoire, il faut supprimer l’attribution de fonds publics. La France est devenue un guichet social, nous n’avons plus les moyens de cette générosité. Il faut couper toutes les pompes aspirantes de l’immigration, et d’ailleurs, Mayotte n’est plus cet Eldorado qu’ils viennent chercher. C’est un département français où des enfants se font taillader, des bus scolaires attaquer à la machette, où les forces de l’ordre reçoivent des pierres. »
Si les policiers lui ont fait remonter que « un tiers de la délinquance est liée à des mineurs », le lien est fait avec l’immigration, « si on règle le problème des Comores, on règle le problème de la sécurité à Mayotte. » Il demande un « tour de vis » en matière pénale, la mise en place de « la légitime défense pour les forces de l’ordre », de la « fin des remises automatiques de peine » et le rétablissement des peines plancher ».
Il se targue d’avoir été un élément déclencheur de la visite de Gérald Darmanin à la fin de l’année. Si le ministre de l’Intérieur ne veut pas voir les thèses de l’extrême droite prospérer sur un territoire à bout, et voir des candidats du parti éclore aux prochaines municipales comme nous l’a dit le référent RN Daniel Zaïdani, il doit entendre les souffrances et mettre les moyens en décuplant les intercepteurs, les trois présents sont très insuffisants, ainsi que des forces de l’ordre à la hauteur d’une population pour moitié mineure.
Anne Perzo-Lafond
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Jordan Bardella sur le projet de loi immigration en débat au Parlement
Interrogé sur les deux propositions de loi des LR présentés la semaine dernière portant sur l’assouplissement des expulsions des étrangers représentants une menace grave pour l’ordre public, et sur la « création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants », qui collent aux thèses du RN, Jordan Bardella dégaine des arguments politiques : « Ce sont les LR qui par Nicolas Sarkozy ont supprimé la double peine alors que cela règlerait une grosse partie des problèmes. Ce parti est une anomalie, il devrait faire partie de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron ».
Quant au projet de loi sur l’Immigration, débattu mardi à l’Assemblée nationale et qui le sera au Sénat la semaine prochaine, le président du RN réserve son avis « au moment du vote final, après les débats au Parlement ». Mais ça risque d’être compliqué puisqu’il faudra qu’il contienne les préalables propres au RN : « La fin du droit du sol, la priorité nationale, la protection des frontière, le traitement des demandes d’asile depuis les ambassades du pays de départ, la présomption de majorité pour les mineurs qui abusent de l’Aide sociale à l’enfance ».
A.P-L.