« Allez, on est motivé ». Les encouragements fusent sur la pelouse du stade de Cavani. Les encadrants du Comité d’Athlétisme de Mayotte ne manquent pas de ressources verbales pour inviter la soixante de candidats à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ici, pas d’entraînement en vue d’une quelconque compétition, mais une manifestation d’un nouveau genre pour améliorer les opportunités de décrocher un emploi.
Laisser le conventionnel pour chercher l’humain
« C’est une opération de recrutement qui n’a rien de classique », se réjouit Christian Saint-Etienne, directeur régional de Pôle emploi. Impulsée, entre autres, par le Comité d’organisation des Jeux Olympiques, l’opération nationale « Du stade vers l’emploi » est née en 2020. Depuis lors, ces manifestations se sont multipliées partout en France y compris, pour la première fois, à Mayotte lundi matin. « Ce sont des opérations qui sont très présentes en métropole et qui ont déjà démontré leur efficacité », souligne Christian Saint-Etienne. En effet, les premières éditions réalisées dans d’autres régions ont permis à 39 % des demandeurs d’emploi de retrouver un emploi dans le mois ayant suivi l’événement et atteint 62 % cinq mois après. « Il s’agit d’une opération qui s’inscrit dans la durée », abonde-t-il.
Cette nouvelle forme de recrutement permet de s’affranchir du cadre conventionnel de la lettre de motivation et du CV afin de valoriser des compétences liées ou promues dans le cadre de la pratique sportive. Selon Flaccine Daniel, chargé de relations partenariales à Pôle emploi, ce dispositif innovant permet « de détecter des compétences qui se rapprochent des soft skills ». Qu’il s’agisse du travail en équipe, de l’engagement, de l’écoute ou encore de la persévérance, les recruteurs seront attentifs à la manière dont les candidats évoluent au sein des différents ateliers. Néanmoins, il ne s’agit pas de prendre en considération les performances sportives mais de mettre l’accent sur les qualités humaines et relationnelles que le sport permet de véhiculer.
Le statut des participants anonymisé
Mais comment savoir qui est demandeur d’emploi de ceux qui sont employeurs ? « Justement, personne dans les ateliers ne le sait. C’est tout l’enjeu de cette opération », précise le directeur régional de Pôle emploi. Cette première étape d’immersion permet de « briser la glace » et de créer du lien avant l’étape de convivialité lors de la restauration à midi, renseigne Christian Saint-Etienne. Les masques ne finiront par tomber qu’au cours de l’après-midi lors de l’ultime phase de la journée : le job-dating. « Les candidats ont été préparés dans le cadre de l’accompagnement de Pôle emploi, il y a eu des ateliers de préparation pour leur expliquer comment se vendre d’un point de vue professionnel », renseigne Flaccine Daniel. Ces derniers ont d’ailleurs été sélectionnés au regard des besoins des employeurs. « Les demandeurs d’emploi sont proches, très proches ou en phase avec les offres d’emploi proposées concernant les métiers en tension à Mayotte », informe le directeur régional de Pôle emploi.
Trouver des solutions pour les métiers en tension
Transport, logistique, restauration ou bâtiment, ces secteurs sont actuellement concernés par des difficultés d’embauche avec des offres d’emploi qui ne parviennent pas à trouver preneur. Souhaitant rester anonyme, un des participants demandeurs d’emploi fait savoir que même s’il est « ouvert à tout », au regard de son BAC pro en lien avec le transport dans le BTP, il aimerait pouvoir « s’orienter dans [son] domaine professionnel ».
Faisant fi des approches classiques, cette manifestation permet donc d’envisager une nouvelle approche interpersonnelle recruteur / recruté. Une initiative que le délégué du préfet à la politique de la ville de Mayotte, Michel Santoro, espère pouvoir être « reconduite les années suivantes ». Cette volonté est affichée par Christian Saint-Etienne dont l’objectif serait d’atteindre « une édition par an », voire « une tous les semestres ». Pérenniser cette action constituerait une corde supplémentaire à l’arc du retour à l’emploi, un défi à Mayotte où le taux de chômage est le plus fort des régions européennes.
Pierre Mouysset