L’esclavage à Mayotte : l’Histoire et la pédagogie pour s’affranchir du déni social

Du 30 novembre au 1er décembre, le collège de Majicavo a accueilli le premier séminaire « Histoire, mémoire, héritages de l’esclavage » dans le cadre du plan académique de formation en histoire géographie ainsi que la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage.

« Il n’y a pas de mémoire revendicative à Mayotte contrairement à La Réunion. Mais cette situation ne doit pas conduire à une absence de travail de mémoire avec des travaux scientifiques pour documenter la période de l’esclavage sur l’île ». Inssa de Nguizijou, archiviste au Conseil départemental, dans le cadre de son intervention « L’esclavage à Mayotte, du déni mémoriel à la réalité historique », est revenu sur la « complexité de cette période ». Selon lui, il y a un déni social sur cette période. Pourtant, le mode de vie arabo-musulman de Mayotte est directement lié à la période de l’esclavage. « La traite orientale a été une traite plus ancienne que celle de l’atlantique », explique-t-il.

Professeurs d’Histoire-Géographie ou encore de Lettres ont composé le public

La Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage mobilisée à cette occasion

La cinquantaine de personnes présentes dans la salle prennent des notes assidûment, qui sur un cahier, qui sur son ordinateur portable. Il en est de même pour l’inspectrice pédagogique régionale d’Histoire-Géographie, Loetizia Fayolle. Alors qu’une courte pause permet de faire la transition avec la prise de parole suivante, l’inspectrice revient sur la genèse de ce projet. « Ce séminaire a été conçu en partenariat avec les archives départementales et les services du rectorat », explique-t-elle. « Premier dans son genre, son objectif, poursuit-elle, est de permettre d’adapter le programme en lien avec les résonances du territoire ». Pour pouvoir enseigner l’Histoire de l’esclavage à Mayotte aux élèves, les professeurs d’Histoire-Géographie mais également de Lettres vont « pouvoir bénéficier de ressources nouvelles telles que des vidéos pédagogiques du Conseil départemental ».

Au niveau de Mayotte, le travail de mémoire de la période de l’esclavage est porté par l’institution. L’inspectrice n’exclut pas de renouveler ce séminaire au cours des prochaines années. « Il y a une nécessité constante de faire suivre l’évolution du travail de mémoire avec les avancées du travail historiographique », souligne-t-elle. Alors, pour « marquer le coup », ce premier séminaire a accueilli la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME). « Ce sont les équipes du rectorat qui nous ont sollicitées car elles savent que nous organisons des formations à destination des enseignants », fait savoir Nadia Wainstain, responsable du programme éducation à la FME.

L’exposition itinérante avec le panneau relatif à Mayotte

Décliner les programmes en tenant compte des spécificités du territoire

Fondée en 2019, les missions de l’institution sont structurées autour de trois axes : l’Histoire, la culture et la citoyenneté. Ainsi ses objectifs sont multiples : faire progresser la connaissance sur les traites, les esclavages, les résistances à l’esclavage ainsi que les combats pour l’abolition, lutter contre le racisme etc. Pour y parvenir, « on réalise des conférences, on fait des propositions de ressources comme l’exposition itinérante actuellement au CDI du collège, mais aussi nous faisons la promotion des ressources locales pour parler de cette histoire aux élèves » détaille Nadia Wainstain. Ainsi, concernant l’exposition itinérante « Esclavage et abolitions : une Histoire de France », elle s’est vue compléter l’année dernière d’un panneau explicatif complémentaire propre à Mayotte. Cette exposition permet pour un temps de completer les lacunes historiques du territoire, comme le précise Inssa de Nguizijou, « celui qui s’intéresse à la période de l’esclavage à Mayotte s’oriente exclusivement vers les archives du Conseil départemental ».

Pierre Mouysset

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Négociations rompues entre EDM et la CGT-Ma : la prime au coeur des tensions

Le dialogue social entre Électricité de Mayotte (EDM) et la CGT-Ma est à l’arrêt. Après deux journées de discussions jugées constructives sur plusieurs revendications, le syndicat a quitté la table des négociations, réclamant l’octroi immédiat d’une prime, condition posée à la reprise des échanges.

Exposition d’Art Contemporain à la MJC de Kani-Kéli du 12 au 15 juin

Pour cette 2e édition, venez découvrir les talents de Kani-Kéli : Peinture, Graphisme, Photographie, Défilé Couture, Musique, ou encore Théâtre. A compter de ce jeudi et jusqu’à dimanche.

Un concert de M’godro pour clore l’année en musique à Mayotte

Saandati Moussa et Jahpo se produiront le 14 juin 2025 au M’ahju, lors d’une soirée organisée par l’association Hippocampus.

L’école primaire à Mayotte victime d’un manque notable d’investissement selon la CRC

La chambre régionale des comptes (CRC) vient de rendre public son rapport concernant l’école primaire à Mayotte. En dépit de plus de 200 millions d’euros investis depuis près de 10 ans, la scolarisation de tous les élèves reste très difficile et les défis à surmonter sont encore nombreux.