5è Forum économique : lever les freins pour « penser Mayotte dans sa région »

Le 5ème forum économique de Mayotte accueille plusieurs délégations des pays de la région, mauricienne, malgache, comorienne, et de beaucoup plus loin en ce qui concerne celle des Canaries, une des 9 Régions ultrapériphériques de l’Europe. Le thème cette année est « Mayotte futur hub régional ». On en rêve, mais les participants d’une salle de cinéma bondée, en ont rappelé les freins.

C’est sur le parking du cinéma Alpa Joe que se tient pendant deux jours le 5ème Forum économique de Mayotte organisé par l’ADIM, l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte, lancée par Ben Issa Ousseni, avant même qu’il ne devienne président du CD.

Mayotte est capable a elle seule de tirer une conjoncture défavorable vers le haut, comme le soulignait Bibi Chanfi, vice-présidente du Département chargée du développement économique et de la coopération décentralisée, « alors que nous vivons une crise économique post-Covid, les conséquences du bouleversement des routes maritimes et celles du contexte en Ukraine, Mayotte la résiliente se relève toujours ». Propos illustrés par Marjorie Paquet, SGAR adjointe à la préfecture, « la croissance économique portée par un financement public est de 7% par an. Très peu de territoires font preuve d’autant d’adaptabilité aux évolutions conséquentes comme Mayotte les a traversées ». Elle revenait sur les récents équipements structurants et ceux à venir, « le Datacenter, soutenu par les fonds européen, le Pôle d’excellence rural, et bientôt, la Technopôle et le Multilab ».

Mohamed Ali Hamid: « Notre co-développement est la clef de notre avenir et de celui de nos enfants »

Le discours politique contextualisé était porté par Mohamed Ali Hamid, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Mayotte (CCIM) : « Nous faisons tous partie d’une même grande famille, celle du canal du Mozambique. Notre co-développement est la clef de notre avenir et de celui de nos enfants. C’est par l’économie que nous règlerons nos problèmes, que nous réussirons l’intégration malgré les problématiques issues de l’Histoire mais qui n’ont plus de raison d’être. » Pour aller dans son sens, c’est exactement ce qu’a démontré le dispositif BusinESS OI des acteurs de économie sociale et solidaire qui coopèrent au-delà des tensions diplomatiques.

A quand un visa pour le développement ?

Pour le président de la CCI, la vision est partagée, « au moins avec Madagascar et les Comores », avec « cette soif d’y arriver ». Parmi les éléments qui vont se concrétiser, une compagnie maritime « dont l’agenda s’accélère sous condition d’une connectivité accrue », annonçait-il. Un projet qui revient comme un marronnier, mais dont il assure que la loi 3DS va en permettre le portage. A peine 10 minutes plus tard, une voix s’élevait dans l’assistance, celle de Guito Narayanin, directeur d’IBS, pour revendiquer haut et fort la paternité d’une compagnie maritime, mais quand même pas mal tournée vers son activité, « nous transportons 700 containers par an, nous sommes le plus gros producteur d’acier, mais nous mettons 6 mois à les faire entrer à Madagascar ». Il expliquait avoir obtenu les fonds européens, et avance donc un pavillon français pour sa flotte, « ça va créer de emplois ».

La délégation malgache emmenée par le ministre des Transports

La liaison entre les îles de la région, un sujet qui reste crucial, indiquait un fin connaisseur du problème, Xavier Desplanques, à la tête du Carrefour des entrepreneurs, énervé de devoir soulever encore et encore une difficulté dont il nous fait part depuis plus de dix ans : « Cela fait la 5ème édition, et nous vieillissons sans que soient levés les freins aux échanges régionaux. Je veux parler du problème des visas, plusieurs opérateurs malgaches n’ont pas pu venir à ce Forum économique, de celui des fréquences de transport, ou des escales qui font qu’il en coûte 1.040 euros pour venir de Maurice à Mayotte. Pourquoi ne pas réunir toutes les compagnies aériennes pour faire partir un avion et un navire par jour depuis chacune des îles ? Et inviter tous les décideurs en matière de normes. » Une autre voix s’élevait pour interroger sur les raisons de la légalité de transport d’un sac de litchis de La Réunion vers la métropole, mais pas vers Mayotte ou Madagascar.

Sur le problème des visas, Théophane Narayanin renchérissait : « J’avais besoin de faire venir 360 personnes pour mon entreprise, aucun n’a eu de visas depuis Madagascar. »

Il semble que seule la délivrance des visas d’affaires ait pu évoluer favorablement depuis quelques temps.

Alors pour que les propos d’Ali Hamid, « Mayotte la frileuse, c’est du passé, Mayotte l’hésitante, c’est du passé, nous devons être une locomotive d’innovation dans la sous-région », se concrétise, la facilitation des échanges commerciaux et humains reste toujours incontournable.

Anne Perzo-Lafond

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