A Mayotte, l’image que l’on a du jeune est manichéenne. Bourreau ou victime, mais il est parfois les deux. A la fois passager d’un bus potentielle cible d’un caillassage et de coups de chombo, il est aussi celui qui peut avoir contacté ses potes pour venir trancher la gorge d’un gamin de l’autre village passager du même bus. Et les ennemis jurés peuvent s’entretuer et quelques heures après, unir leurs forces contre des automobilistes, contre les gendarmes ou les policiers, dans un déchainement de violences à l’opposé de ce qu’on peut attendre d’une civilisation. L’auteur du meurtre du Miki en avril 2021 n’a-t-il pas glissé quelques minutes après son acte, « mais que va devenir mon inscription sur Parcoursup ? » Une absence de prise de conscience de la gravité de l’acte qui doit interroger.
Trois structures porteuses d’associations qui œuvrent dans le champ de l’enfance, ont adressé un communiqué aux médias pour trouver la juste réponse à ce phénomène hors norme. En appelant les autorités à doter à sa juste mesure la prise en charge de cette jeunesse.
Dans cette « explosion de violences d’une rare intensité qui insécurise la population mahoraise », la CNAPE, le Groupe SOS Jeunesse et l’UNIOPSS rappellent que « les jeunes sont le plus souvent les victimes collatérales de règlements de compte brutaux commis par d’autres jeunes sans repères autres que ceux qu’ils se sont donnés ».
Le diagnostic est partagé par tous : si « la réponse sécuritaire, nécessaire pour rétablir le calme à très court terme, ne constitue qu’un fragile couvercle sur des problèmes sociaux qui demeurent incandescents », c’est que cette insécurité « est la conséquence d’une faiblesse chronique de la réponse publique aux grandes difficultés que connait le département. »
Pauvreté et isolement des mineurs comme cocktail explosif
Puisqu’on sait que les trois-quarts de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, et que la moitié vit avec moins de 260 euros par mois, c’est qu’on a intégré, et les pouvoirs publics avec nous, qu’il y a sur le territoire de très nombreux mineurs non accompagnés, c’est à dire qu’en dehors de ceux pris en charge par les associations, ils se forgent à la loi de la rue pour survivre, et nous imposent donc la même chose, que plusieurs ne sont pas scolarisés, et que les familles sont confrontées à des besoins, se nourrir, se laver, s’éduquer, auxquels les associations ne peuvent répondre. « L’absence de réaction à la hauteur de ces besoins ne fait qu’alimenter le découragement, la désaffiliation sociale et les transgressions de plus en plus spectaculaires. Nos associations représentent souvent la dernière chance des enfants et des jeunes qu’ils accompagnent. »
Ces trois associations sont heureusement d’accord pour que soient « contrôlés les flux de populations inhérents à l’extrême pauvreté de l’archipel des Comores », mais appellent d’un autre côté les pouvoirs publics à « déclencher en urgence des moyens financiers et humains absolument nécessaires pour apaiser durablement les tensions sur le territoire. » Qui passeraient par un renforcement de leurs actions « en relais des pouvoirs publics ».
En apaisant le climat, ces moyens « financiers et humains » permettraient selon eux que « les profiteurs de haine » ne l’emportent.
Rajoutons que percevoir les effets directs du financement de ces associations réconcilierait les habitants les plus dubitatifs, comme c’est le cas avec l’accompagnement par un privé de TSEA à Trévani, au grand bénéfice du quotidien des habitants.
A.P-L.