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Fête de la vanille : un futur bâtiment pour la transformation de l’or noir

La médaille d’argent décrochée par la vanille mahoraise au Salon de l’agriculture en mars dernier est aussi celle d’une belle histoire, celle de la structuration d’une filière inexistante il y a encore 4 ans. Et elle se projette déjà à l’exportation. Duplicable sur d’autres secteurs agricoles ? Julie Moutet, sa cheville ouvrière, nous répond.

« Venir ici, c’est un bol d’air frais, ça fait du bien ! » Celui qui décompresse ainsi, n’est autre que le préfet Thierry Suquet, qui commente de suite sa mise en perspective, « il y a eu de nouveaux barrages dans le Sud et le Centre cette nuit ». C’est donc avec le sourire qu’une équipe de France 2, venue pour couvrir les violences de l’île, s’est déplacée ce samedi à Coconi pour découvrir les festivités autour d’un des produits phare de l’île, la vanille.

Artisanat, dégustation de nombreux plats à base de vanille par le lycée polyvalent de Kawéni, et vente de gousses proposées par l’association Saveurs et senteurs de Mayotte : beaucoup de stands valorisaient la médaille d’argent obtenue cette année au Salon international de l’agriculture à Paris. Le couronnement du travail de Saveurs et Senteurs de Mayotte, qui a porté la structuration de la filière vanille à bout de bras, et notamment, celle d’un petit bout de femme Julie Moutet, qui est partie de zéro.

Petit arrêt au stand de la transformation des cabosses de cacao pour Thierry Suquet, Bibi Chanfi et Gilles Halbout, qui demandait à déguster du chocolat… à la vanille

Lorsque nous l’avions rencontré en 2017, elle succédait à Morgane Moënne qui avait organisé la transformation des épices, et des fruits en confitures. « A mon arrivée, les producteurs de vanille du Nord m’ont demandé des les aider, ils souhaitaient qu’on leur achète la vanille déjà noire, mais ce n’était pas possible, la qualité n’était pas homogène entre eux. » L’ingénieure agronome se creuse la tête, leur demande de relancer la fécondation des fleurs, mais aucun financement n’est sur la table, et il fallait trouver 2.500 euros pour acheter la production, « ils étaient très méfiants, plusieurs tentatives avaient mené l’échec, ils n’avaient jamais été payés. » Elle a alors l’idée d’une cagnotte, ouverte à des privés, potentiellement intéressés pour acheter alors qu’elles sont encore vertes, ces précieuses gousses qui leur seront livrées noires à la fin du processus de transformation. Un processus voisin de l’achat en primeur pour le vin.

Pas affectés par la concurrence de la vanille malgache

Mais il faut transformer. « Qui va le faire ? », interroge son président, feu Chadhuili Soulaimana, « ben, moi ! », lance-t-elle. Les locaux devenus exigus depuis, du Pôle d’Excellence Rural de Coconi feront l’affaire.

Et ça a marché, tellement bien qu’au bout de 4 ans, la structure a la trésorerie nécessaire pour fonctionner, « nous achetons cette année pour 65.000 euros de vanille aux producteurs, dont 9.000 euros viennent de la cagnotte. Nous l’avons maintenue, car cela crée un lien spécial entre le consommateur et nous, ils se sentent impliqués. » Les fonds européens sont entrés dans la danse, et la vente des gousses sur les stands assurent les recettes : « Nous avons eu beaucoup de succès au Salon de l’agriculture, notamment avec la médaille d’argent, mais aussi sur les marchés à Mayotte et à l’aéroport. »

Salon international de l'agriculture, Mayotte, Vanille, concours général agricole
L’équipe de Saveurs et senteurs de Mayotte lors de la remise de la médaille d’or, avec au centre, Julie Moutet et le regretté Chadhuili Soulaimana

Et grande première, la semaine prochaine, l’Office de Tourisme de la 3CO dirigé par Ackeem Ahmed, va ouvrir sa boutique de produits locaux, avec en guest star, la vanille de l’île !

Si les tubes estampillés Saveurs et Senteurs sont maintenant connus, de la vanille d’autres provenances est proposée sur les étals des marchés de Mayotte. « Nous avons maintenant 37 adhérents, d’autres ont choisi de transformer eux-mêmes et de vendre par leurs propres réseaux. » On trouve aussi de la vanille de Madagascar, dont les parfums n’embaument pas toujours la vanille : « Pour contrer les vols, ils la récoltent trop tôt. Cela provoque des moisissures quand on la stocke, et pour que les gousses paraissent plus grosses, ils les mettent sur le marché pas encore sèches, mais en réalité, elle n’est pas finie. » Alors que les vols de récoltes de fruits et légumes sont légion à Mayotte, c’est très peu le cas de la vanille, « le process est trop compliqué, seuls d’autres producteurs peuvent être tenté de voler la marchandises. » Alors que les producteurs réunionnais se plaignent de larcins, « c’est parce qu’ils ont pratiqué une lutte systématique contre la vente de vanille malgache, du coup, la pénurie a incité aux vols. » La cohabitation des deux provenance sur les étals mahorais est donc bienvenue.

Stand de granité à la vanille, pour le plaisir des petits et grands

Les chercheurs d’or noir

Depuis quelques semaines Julie Moutet est comme orpheline, avec le décès brutal de Chadhuili Soulaimana, président de Saveurs et Senteurs, « il m’a toujours fait confiance, on était un vrai binôme. Il n’a jamais demandé de tirer profit du succès, seule la reconnaissance de tous et la médaille était sa récompense. Il s’était mis à la production de vanille tard, cette année devait être sa première floraison. » C’est son adjoint qui lui succède, Siaka Daouirou.

Aujourd’hui, Julie Moutet a le sourire, et pas seulement parce que la Fête de la vanille bat son plein avec un grand succès. Quelques minutes auparavant, la vice-présidente du CD, Bibi Chanfi a pris la parole pour annoncer officiellement que le conseil départemental allait investir dans un bâtiment dédié à la transformation de la vanille, « nous avons atteint une taille critique dans notre petit atelier du PER. Ce serait prévu pour fin 2023, nous avons donc une dernière saison de galère, et après c’est bon ! »

Sabiti Mohamadi, un producteur de vanille, dans sa plantation (Photo: JDM)

La phase suivante vise l’exportation. Pour cela, au sein du Pôle d’excellence rural se niche un véritable laboratoire, celui du Pôle d‘Innovation Intégré de Mayotte (P2IN) monté par Faoulia Mohamadi, la conseillère scientifique du recteur, qui travaille sur la valorisation des plantes à parfum et des plantes médicinales. « Et une grosse majorité d’entre elles porte sur la caractérisation de la vanille de Mayotte, notamment moléculaire, pour aboutir à une Appellation d’Origine contrôlée, indique le recteur Gilles Halbout qui évoque des recherches très pointues sur ce site. « L’objectif est de faire de la très bonne qualité ».

La méthode de structuration de filière mise en place par Julie Moutet est duplicable, assure-t-elle, « elle est maintenant appliquée pour le bambou. En positionnant un groupement prêt à acheter, ça va donner envie de planter. » Au début, le rendement de la vanille était bas, « quatre ans après, il était multiplié par 4. Il faut redonner de la motivation dans chacune des filières agricoles. »

La méthode va être dupliquée pour l’exploitation des bambous. Ici, la maison test au PER

Et l’élue Bibi Chanfi a pris un autre engagement, celui de financer à nouveau le déplacement de l’équipe de Saveurs et Senteurs à la Conférence sur les vanilles françaises qui se tient chaque année à Paris, « qui permet de créer un réseau et d’échanger sur les bonnes pratiques ».

Et à l’approche des fêtes de fin d’année, des coffrets-cadeau sont proposés à différents prix par l’association, contenant des tubes dont certains de vanille cristallisée aux côtés de produits dérivés.

Des coffrets très design

Anne Perzo-Lafond

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