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« La question politique du XXIe siècle, c’est celle de la communication »

Vendredi dernier, Mayotte a accueilli un expert de haut niveau. Le sociologue et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, Dominique Wolton a tenu une conférence au CUFR : « Diversité culturelle et mondialisation ». L’occasion de brosser 30 ans de recherche et d’éclairer la société d’aujourd’hui.

« Résumer en une heure, trente ans de recherche ». Un défi pour le moins ambitieux énoncé dès les propos introductifs par le sociologue Dominique Wolton. Ses travaux, depuis plusieurs décennies, apportent un éclairage sur les théories abordant la communication. A contrario d’une approche technique et économique, dominante à l’heure actuelle, le directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique privilégie une approche de la communication sous le prisme de l’humanisme et du politique. « La question de la communication n’est pas une question technique mais politique », s’est exprimé le sociologue lors de sa conférence de vendredi dernier.

Dominique Wolton, Mayotte, CNRS
Dominique Wolton, une référence de la communication publique, donne une conférence ce vendredi à Dembéni

Une approche humaniste et politique de la communication

En plus de trente ans, les outils de mise en communication ont connu un développement inédit dans l’Histoire assurant une interconnexion du champ des possibles sur l’ensemble des points cardinaux du globe. Internet et les réseaux sociaux se sont développés avec une promesse portée par leur concepteur : renforcer les liens entre les hommes. Cependant, la mainmise des algorithmes sur ces interfaces, loin d’ouvrir à la discussion, enferme tout un chacun dans des « bulles de filtres », dans une conception du monde qui répond à nos préférences sans pour autant ouvrir des portes vers d’autres possibles.

Pourtant, souligne Dominique Wolton, « pour sortir d’une situation d’échec, soit on fait de la négociation en trouvant un compromis, c’est la vision optimiste, soit au contraire c’est la rupture et donc la guerre, la vision pessimiste ». Pour parvenir à cette reconnaissance de l’autre, de se comprendre tout en se voyant, il faut du temps afin de « négocier pour cohabiter ». Car le défi, pour éviter les conflits, est avant tout dans la recherche de la cohabitation avec autrui. « La question politique du XXIe siècle, c’est celle de la communication », constate le sociologue, avant de poursuivre : « il ne s’agit pas forcément de s’aimer mais de s’accepter ».

« C’est quoi l’Europe ? »

L’Union européenne est aussi un sujet d’étude pour le sociologue

A ce titre, l’Union européenne constitue une aventure pacifique et démocratique inédite dans l’Histoire du monde. « C’est quoi l’Europe ? C’est 27 pays pour 450 millions d’habitants », rappelle le chercheur. « On s’est massacré pendant des siècles, on est plein de stéréotypes les uns envers les autres. Si nous les Européens nous avons la possibilité de cohabiter, cela veut dire que ce modèle de cohabitation est possible », observe-t-il. Les échanges, les compromis sont au cœur du processus décisionnel de l’Union européenne. Une gageure dans un espace institutionnel où plus d’une vingtaine de langues sont parlées. Pour le chercheur, l’incommunication, c’est-à-dire cette incapacité apparente des pays qui la composent à se comprendre et à agir ensemble, semble être la véritable force de l’Union européenne. « On parle, mais on ne se tue pas », commente le directeur de recherche.

« On a confondu mondialisation capitaliste et démocratie »

Le sociologue n’a pas manqué de rappeler la grande confusion entre mondialisation et globalisation post chute de l’empire soviétique. Les penseurs d’alors ont pensé que la mondialisation et la démocratie étaient liées, la première portant en son sein la seconde. Un axiome erroné selon Dominique Wolton, « on a confondu mondialisation capitaliste et démocratie ». Or, illustre le sociologue, « la Chine nous montre que l’on peut être une puissance capitaliste sans être pour autant une démocratie ».

En outre, la mondialisation a entraîné, de peur de voir les langues et les cultures disparaître, un retour accentué sur la diversité. « L’exemple de ce retour aux racines, c’est le phénomène du religieux », note-t-il. La mémoire et l’Histoire revêtent un rôle primordial afin de ne pas oublier. Pour parvenir à réintroduire de la profondeur et de l’épaisseur, Dominique Wolton rappelle que sa carrière de chercheur l’a amené à se focaliser sur trois professions essentielles à ses yeux : le traducteur, le documentaliste et l’archiviste. L’occasion de rappeler, en conclusion de son intervention, la nécessité pour Mayotte de la réouverture de son musée, « pour avoir à nouveau une souveraineté culturelle ».

Pierre Mouysset

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