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« Parce que le métier d’une entreprise, c’est l’activité économique, pas de recruter du handicap », création de la 1ère entreprise adaptée

La première entreprise adaptée au handicap vient de voir le jour à Mayotte. Elle va permettre de véritablement booster le travail des personnes concernées. Treize vont être recrutées pour œuvrer dans le service à domicile et le nettoyage. Une évolution à même de faire changer l’image négative du handicap à Mayotte.

Jusqu’à présent, la Guyane était le seul DOM à bénéficier de ce dispositif d’entreprise adaptée (EA) qui crée des emplois destinés aux personnes en situation de handicap. Sur nos territoires ultramarins où sévissent les taux de chômage les plus importants de France, le handicap peine à se frayer un chemin. Une entreprise où il a toute sa place est donc la bienvenue, et c’est l’APAJH, l’Association pour Adultes et jeunes Handicapés, qui la porte. Forte de ses 700 établissements en France et ses 14.000 salariés, c’est une expertise de poids qui a appuyé ce dossier déposé en juillet 2021, mené également par la DEETS (Direction de l’Économie, de l’emploi, du Travail et des Solidarités) et qui vient d’aboutir par une signature avec l’Etat du Contrat pluriannuel d’objectif et de moyen.

« La chance de Mayotte, c’est qu’on n’a pas pleurniché sur les moyens financiers », lance Jean-Louis Garcia, président de la Fédération APAJH, venu tout spécialement à Mayotte pour cette Semaine de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Sa vision revalorise la démarche des 13 premiers recrutés de cette entreprise adaptée, « ils peuvent se dire ‘je reçois de la solidarité nationale, je contribue à la solidarité nationale’ ». Mais comme il l’expliquait, encore faut-il pouvoir trouver l’entreprise qui va préférer recruter plutôt que de verser sa contribution à l’association qui gère les fonds pour l’insertion, l’Agefiph, ce qui est le cas de celles qui ont plus de 20 salariés, mais qui n’ont pas recruté au moins 6% de personnes handicapées comme l’exige la loi.

« Souvent les entreprises ne savent pas faire »

De nombreuses difficultés sur le parcours des personnes handicapées au quotidien

C’est pourquoi l’EA va mettre le pied à l’étrier, rapporte Jean-Louis Garcia: « Souvent, les entreprises ne sont pas de mauvaise volonté, mais elles ne savent pas faire. Et le métier d’une entreprise, c’est l’activité économique, pas de recruter du handicap. Dans le cadre qui leur est proposé, elles vont être accompagnées pendant un an, et pourront ensuite recruter définitivement le ou la salariée. »

Les deux premiers secteurs à avoir répondu présents, sont le Centre Hospitalier de Mayotte, et deux entreprises de transports, Transports Salime et Up and Go. Pour le premier, il sera question d’effectuer des services d’aides à la personne dans le cadre de l’hospitalisation à domicile (HAD), « ce sont des personnes handicapées qui vont s’occuper de malades », et dans le second, il s’agira de nettoyer et d’entretenir les véhicules de transport.

Lors de la signature, le préfet Thierry Suquet évoquait les enjeux, « une entreprise n’embauche pas un travailleur handicapé mais des compétences ». De cette première expérience dépend donc la réussite de l’entreprise adaptée. Mais les acteurs semblent confiants, pour avoir mis beaucoup de chances du côté des recrutés : « Ils ne seront pas livrés à eux-mêmes, mais accompagnés par un encadrant de l’EA, notamment pour se rendre sur leurs lieux de travail et en revenir. » Beaucoup d’écueils similaires sont à surmonter, soulignait Jean-Louis Garcia, « pour bien travailler, il faut pouvoir se déplacer, mais aussi bien se nourrir, être bien logés, etc. » Tout un écosystème sur lequel Mayotte doit évoluer.

Double handicap pour les jeunes enfants mahorais

Kamaldine Attoumani livrait un témoignage fort sur l’image du handicap à Mayotte

Les treize premières personnes à bénéficier du dispositif seront proposées par la Maison départementale des Personnes Handicapées, et sont inscrites à Pôle emploi ou à la Mission locale. « Au bout des 24 mois, l’objectif est l’insertion dans une entreprise ordinaire. »

Peu représentatif de la moyenne des personnes en situation de handicap, Kamaldine Attoumani Soumaila n’en avait pas moins un témoignage à livrer sur son parcours.

Spécialisé dans le consulting pour des cabinets de conseils et actuellement, le CNFPT et la Chambre de Commerce, cet homme politique a surmonté son handicap pour mener une carrière que beaucoup pourrait lui envier puisqu’il a décroché 3 Bac+5. Sa chance, c’est à son profil de gamin turbulent qu’il la doit, puisque c’est après avoir mis accidentellement le feu à sa maison à 5 ans, que son père l’envoie chez une tante à La Réunion. Intégré au Centre de rééducation pour déficients sensoriels La Ressource, les bases lui sont dispensées pour suivre ensuite une scolarité normale, et décide de suivre cette voie, et de former les autres, « pour transmettre la connaissance et permettre leur épanouissement personnel. »

Une chance alors qu’à Mayotte son avenir s’annoncer plus compliqué, « dans notre culture, l’enfant handicapé est assimilé à une damnation, Dieu nous punit de je ne sais pas quoi, mais aujourd’hui le regard change si on contribue à le faire changer en permettant la réussite des politiques sur le handicap. »

Et c’est bien parce que, « cette chance que j’ai eue, d’autres ne l’ont pas eue », qu’il saluait « d’une joie immense » cette création d’entreprise adaptée. Son siège partage les locaux de l’APAJH au centre Kinga de Kawéni.

Anne Perzo-Lafond

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