« Nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap. Il est important que les entreprises, les institutionnels, les associations s’engagent dans l’inclusion de ces travailleurs ». L’élu de Mamoudzou en charge de la jeunesse de la formation de l’insertion et de l’emploi, Fatima M’Soili, a rappelé la nécessité d’adopter une attitude de bienveillance et d’ouverture d’esprit à l’égard de ces personnes, travailleurs à part entière ayant eux aussi des compétences à mettre à profit sur le marché du travail.
Un nécessaire travail de sensibilisation
Afin de faire sauter les préjugés ou tout simplement se renseigner sur les dispositifs existants pour favoriser l’employabilité des personnes handicapées, le Plan régional d’insertion des travailleurs handicapés (PRITH) a organisé, en partenariat avec l’Association pour les Déficients Sensoriels de Mayotte (ADSM), un temps de rencontre et d’échanges en ce premier jour de lancement de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. Les élus, les représentants de l’Etat, les entreprises, les associations ainsi que les personnes en situation de handicap ont pu se rencontrer et échanger quant aux dispositifs mis en place pour soutenir l’employabilité du public concerné. Un défi au regard du chiffre du chômage du territoire.
« Même si le taux de chômage baisse dans notre pays, à Mayotte, il représente déjà le double de ce qu’il est en métropole. Cela laisse un aperçu de ce qu’il peut être pour les personnes en situation de handicap », note Jean-Louis Garcia, président de l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH). Alors pour favoriser l’employabilité de ces personnes, une plateforme de parcours d’accompagnement à la professionnalisation a été développée dans le département.
Mayotte, territoire d’innovation sociale
« Une innovation unique en France », précise le président de l’APAJH. Il s’agit d’un outil qui permet, en s’appuyant sur les réseaux des Centres communaux d’action sociale de l’île, de retrouver les personnes en situation d’handicap « hors des radars » afin de leur proposer un parcours de formation et de les mettre en relation avec un « consortium d’entreprises prêtent à les embaucher mais ne sachant comment faire ». Un suivi est réalisé auprès de l’employeur et de l’employé pendant dix-huit mois pour s’assurer de la bonne intégration du nouvel élément au sein de l’entreprise.
Ainsi depuis 2019, « 40 personnes en situation d’handicap ont pu bénéficier de cet outil », renseigne Jean-Louis Garcia. Il poursuit : « c’est un moyen d’aider ces mahorais à vivre pleinement leur citoyenneté avec le travail ». Loin d’être une charge pour l’entreprise, « l’emploi de ces personnes constitue une richesse précieuse », selon le président de l’APAJH. La mise en place de nouveaux moyens de communication permet parfois de repenser en profondeur des habitudes et découvrir une nouvelle manière de travailler.
C’est en tout cas le ressenti de Faiheguy Thany, responsable ressources humaines d’une société de communication à Mayotte. Grâce à un contrat unique d’insertion d’une durée de 9 mois, l’entreprise a embauché un jeune graphiste âgé de 25 ans. « Malentendant, nous avons adapté notre environnement de travail pour améliorer la communication », précise la responsable. Elle abonde : « une fois la période achevée, un contrat à durée indéterminée lui a été proposé ». Depuis lors, le jeune travailleur est toujours présent au sein de l’entreprise. Une belle preuve d’intégration puisque « beaucoup d’entreprises sont réticentes à accueillir des personnes en situation de handicap », indique un conseiller en insertion professionnelle au sein de l’association Messo. Or note-t-il, « la volonté est très forte chez ces personnes car ils veulent prouver qu’ils sont capables de travailler ». Présent au côté d’autres structures lors de cette matinée de lancement, l’association a mis en place un dispositif d’insertion afin de soutenir leur employabilité.
Résorber les lacunes statistiques
Toutefois, malgré les enjeux que revêt cette employabilité, peu de chiffres sont disponibles sur l’ampleur du handicap à Mayotte. Afin de résorber ce déficit, « un travail est en cours avec l’Insee pour mener une étude exhaustive à Mayotte », renseigne Chantal Ballager directrice de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Mayotte. L’étude en question est menée à partir des chiffres de la MDPH. Ainsi « à Mayotte 5355 personnes handicapées âgées de 16 à 65 ans sont suivies par la MDPH », souligne la directrice qui a conscience que la portée de ce chiffre est en-deçà de la réalité du territoire. « Beaucoup pourrait avoir des droits mais ils n’en font pas la demande », reconnaît-elle.
Néanmoins, parmi les personnes déclarées auprès de la MDPH 21 % présentent des troubles intellectuels, comprenant tous les troubles en DYS (dyslexie, dyspraxie etc.), 18 % des troubles psychiques ou encore 17 % des troubles moteurs. Sur les troubles en DYS, Chantal Ballager reconnaît que « l’absence de certains professionnels ne permet pas de les atténuer auprès du public atteint » conduisant « à des défiances que l’on ne retrouve pas ailleurs ». Ainsi tout l’enjeu de l’étude de l’Insee à paraître dans le courant de l’année prochaine sera bel et bien de renseigner les décideurs institutionnels sur l’étendue de la situation afin d’en tenir compte dans les politiques à mettre en œuvre. Cette corde de plus à l’arc de la volonté permettra ainsi de faire en sorte que déclarer son handicap ne doit pas être un handicap.
Pierre Mouysset