Combien d’avocats composent le barreau de Mayotte ? Êtes vous assez ?
Yanis Souhaili : Nous sommes 28 avocats, c’est largement insuffisant. Nous faisons du pénal et du civil, ce qui implique de réorganiser les audiences. Car nous sommes convoqués à 8h pour un dossier qui ne sera sans doute pris qu’à 14h. Même si nous sommes de permanence, nous avons autre chose à faire. Pour rendre le métier attractif ici et faire venir d’autres avocats, je veux m’attaquer aux conditions d’exercice du métier à Mayotte.
Au niveau financier ou sur d’autres domaines ?
Yanis Souhaili : Sur le plan de la rémunération ça va. C’est davantage en terme de considération. L’avocat est rapidement accusé de ralentir la machine, ou de ne pas être disponible, alors que quand le reste dysfonctionne, on ne peut rien dire. Beaucoup d’audiences commencent en retard par exemple. Alors qu’ici, on peut dire que, entre le moment où le dossier est déposé, et celui où le jugement est rendu, ça va vite au civil, beaucoup plus vite qu’en métropole. Un délai de 8 mois à un an, quand en métropole, la plaidoirie se fait un, voire deux ans après.
Il arrive que des affaires prennent du temps à être jugées au pénal. Le taux de renvoi des affaires est-il plus important que dans d’autres juridictions à Mayotte ?
Yanis Souhaili : En ce moment, le tribunal judiciaire est peu enclin à accorder des demandes de renvoi. La nouvelle présidente du tribunal judiciaire Catherine Vannier nous a indiqué que désormais, il faudrait avoir une solide justification.
Le bâtonnier est-il amené à arbitrer les dissensions entre avocats ? Et entre justiciables et avocats ?
Yanis Souhaili : Si un justiciable se plaint de son avocat, c’est de la compétence exclusive du bâtonnier. Mais pour les conflits entre avocats, il est possible de demander une médiation au conseil de l’ordre. Cela m’est déjà arrivé personnellement, et ça a bien fonctionné.
Et pour la radiation d’un avocat ?
Yanis Souhaili : Le volet administratif relève du conseil de l’ordre, et le volet disciplinaire, du Conseil régional de discipline, compétent ici pour les barreaux de Saint-Denis et Saint-Pierre, pour La Réunion, et Mayotte. Je suis d’ailleurs le titulaire pour la période 2021-2022, sur laquelle nous n’avons jamais eu de dossiers sur un avocat du barreau de Mayotte, uniquement de La Réunion.
En dehors de l’amélioration des conditions d’exercice des avocats, quels seront vos axes de travail ?
Yanis Souhaili : Je vais me battre pour aboutir sur la cité judiciaire promise par le ministre de la Justice pour 2028, et obtenir une Cour d’appel de plein exercice. Deux dossiers que nous allons pouvoir faire avancer avec le conseil de l’ordre et en s’appuyant sur deux de nos parlementaires qui sont par ailleurs avocats, Thani Mohamed Soilihi et Mansour Kamardine.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond