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Accès aux soins à Mayotte : l’urgence n’est plus aux diagnostics mais à l’action

Publié fin juillet 2022, le rapport d’information relatif à l’accès aux soins à Mayotte, réalisé dans le cadre de la commission des affaires sociales du Sénat, dresse un constat sans ambages sur la situation sur l’île. Un énième rapport au diagnostic clair, mais le temps n’est-il pas désormais à l’action ?

« Dans une situation de pauvreté considérable, Mayotte connaît encore des phénomènes sanitaires qui ne trouvent de comparaison dans aucun autre département français ». La sénatrice du Maine-et-Loire et présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, est revenue sur le paradoxe sanitaire de l’île lors de l’examen du rapport le 27 juillet dernier. D’un côté, l’hépatite A, la tuberculose, les épidémies de fièvres typhoïdes, de l’autre, des caractéristiques de santé comparable à des pays plus développés avec, notamment une prévalence de surpoids et d’obésité concernant en 2019, 26 % de la population – contre 14 % dans l’Hexagone.

Les conditions matérielles ne sont pas étrangères aux problématiques sanitaires de l’île

Mayotte où le paradoxe sanitaire

Alors que la population de l’île est beaucoup plus jeune qu’en métropole, le rapport révèle « qu’un habitant de Mayotte sur neuf s’estime en mauvaise ou très mauvaise santé en 2019 ». Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer un tel constat. Les résurgences de certaines maladies épidémiques sont favorisées par les conditions matérielles dans laquelle se trouve la population de l’île. Ainsi, « Mayotte est encore aujourd’hui concernée par de graves problèmes d’accès à l’eau. L’Insee estimait à 29 % les ménages qui n’en disposait pas à l’intérieur de leur logement en 2017 ».

Une large part des habitants renonce, en outre, aux soins. Le rapport rappelle les chiffres de l’Insee datant de 2019 où « 45 % des habitants de plus de 15 ans déclarent avoir dû renoncer à des soins ». En cause, pour 34 % de la population ce renoncement s’explique pour des raisons financières. Plus récemment, en juillet 2022, l’Insee dans une étude sur les femmes à Mayotte indiquait qu’elles avaient beaucoup moins recours aux soins que les hommes. A titre d’exemple, 86 % d’entre elles n’ont jamais effectué de mammographie contre 38 % des femmes dans l’Hexagone. Le déficit de l’offre de soins n’est pas étranger à cette situation, le rapport pointant que « le manque de médecine de ville est un véritable problème ».

Le CHM, soigneur en dernier ressort

L’offre de soins du CHM se concentrent des activités non programmées et les soins urgents

Le Centre Hospitalier de Mayotte devient l’épicentre de l’offre de soins. « Il assure les naissances, les actes de chirurgie mais doit aussi pallier les lacunes d’accès aux soins primaires ou encore les faiblesses reconnues de la protection maternelle et infantile », détaille la sénatrice. Le rapport ne manque pas de revenir sur les capacités hospitalières « très en-deçà de la moyenne nationale : 0,69 lit de médecine pour 1 000 habitants contre 2,06 dans l’Hexagone ; 0,37 lit contre 1,26 pour la chirurgie ! ».

Son activité se concentre essentiellement sur la maternité, captant en 2021 58,9 % des séjours en hospitalisation conventionnelle, ainsi que les urgences. Le rapport souligne ainsi que « le CHM apparaît aujourd’hui comme un établissement débordé et qui n’est pas en capacité de faire face aux besoins ni d’accueillir les patients dans des conditions satisfaisantes. Les soins se concentrent ainsi de fait sur des

INSEE, naissance, Mayotte
La maternité capte une part toujours plus importante de l’activité du CHM

activités non programmées et les soins urgents. Pas de prévention possible, mais aussi peu ou pas d’activité de chirurgie programmée ». Sur ce dernier point, Mayotte connaît une forte dépendance à La Réunion puisqu’entre 2012 et 2021, le nombre des évacuations sanitaires a augmenté de près de 136 %.

Une « surchauffe » du système hospitalier dont les résultantes sont à la fois un défaut de capacité et « une démographie galopante portée notamment par une vague migratoire non maîtrisée en provenance des Comores » faisant « peser une charge lourde sur le système de soins et génère des tensions préoccupantes avec les Mahorais ». Le rapport d’information ne manque pas d’affirmer que « le CHM ne doit pas devenir l’établissement de soins des seules personnes précaires ou en situation irrégulière ».

L’ARS au chevet du territoire

Néanmoins, grâce à la création de l’Agence Régionale de Santé Mayotte, un effort d’investissement soutenu a pu être réalisé notamment avec le triplement, entre 2017 et 2020, des crédits du fonds d’intervention régional. Le rapport précise que « l’action ‘interventionniste’ de l’agence est saluée

Le travail de l’ARS mis en avant dans le rapport d’information

localement » qu’il s’agisse de la mise en place de rampes d’eau et de la structuration d’un réseau de bornes fontaines afin d’en améliorer l’accès ou encore l’achat d’un hélicoptère pour le SMUR. Plus récemment, l’ARS a organisé un Comité Intersectoriel Mahorais pour l’Attractivité, l’Installation et la Pérennisation des Professionnels de Santé, afin de répondre au manque de personnel soignant sur l’île. A ce titre le rapport insiste sur « l’enjeu principal » qui est « celui de l’attractivité pour le personnel ».

Dans le cadre de leur rapport, cinq recommandations ont été délivrées afin d’améliorer la situation  sur l’île, notamment sur le soutien à l’offre de soins ou encore la réalisation des engagements relatifs aux droits de l’assurance maladie. Toutefois, si le diagnostic est bien posé » reconnaît la sénatrice Catherine Deroche, « il faut limiter les missions d’analyse et agir ».

Pierre Mouysset

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