Les communautés de communes et communautés d’agglomération perçoivent 4 taxes professionnelles : Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), la contribution foncière des entreprises (CFE), la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et l’Imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER). Mais elles sont sous-évaluées à Mayotte.
Le contexte rappelle furieusement les conclusions d’une étude menée en 2016, qui révélait des valeurs locatives très exagérées sur le territoire, et accusait l’Etat de ne pas compenser suffisamment la part des contribuables non imposables comme cela se pratique ailleurs. Elle dévoilait également des impôts locatifs exagérés sur les locaux professionnels.
Depuis, les valeurs locatives ont été diminuées de 60% (amendements Thani de janvier 2017) mais une harmonisation de la politique fiscale doit encore être menée à Mayotte pour réguler les modifications « au coup par coup ».
Des « défaillance d’information », c’est ce que met en évidence cette nouvelle étude qui prouve que la mise en place de la fiscalité à Mayotte est encore imparfaite. Beaucoup de données, adressage, taille des entreprises, font défaut pour que la plus grosse EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) de l’île, qui concentre la zone d’activité économique la plus importante, assoie ces recettes fiscales de manière pérenne.

Du manque de conseil au manque à gagner
L’adressage défaillant tout d’abord, fait peser une menace sur la collectivité, pas pour absence de recouvrement d’une recette, mais pour le risque d’un recours de la part de l’entreprise. Si l’adresse est incomplète, il n’est pas possible de certifier que la valeur locative est correcte, ce qui est obligatoire pour établir la contribution foncière des entreprises (CFE). Or, en 2021, plus de 2.500 contribuables à la CFE sur 5.100 ont un numéro de voie inconnu. On comptabilise ainsi 563 contribuables qui dépassent la base minimum (soit plus de 14,1 millions d’euros de base taxable groupement), et qui pourrait légitimement attaquer leur imposition au motif qu’elle ne peut être établie avec certitude.
Et cette CFE est sous-évaluée. En 2016, dans le cadre de la mise en place de la fiscalité de droit commun, les maires ont dû fixer les bases minimales de CFE en fonction du chiffre d’affaires. Une première pour eux, ils ont donc choisi une cotisation symbolique. Il en résulte qu’environ 80 % des contribuables CFE paient 21 euros de cotisations, « ce qui n’a aucun équivalent en France métropolitaine ou DOM, ni de près de loin », souligne l’étude. Ce faible montant « ampute gravement les ressources communautaires car les contribuables réalisant jusqu’à 500.000 euros de chiffre d’affaires annuels peuvent payer une cotisation bien plus importante ». Le manque à gagner est évalué à 400.000 euros annuels. Surtout que la majorité des entreprises œuvrant dans les secteurs couverts par la Zone franche globale d’activité, elles sont exonérées de cette taxe dans la limite de 150.000 euros/an. « Le défaut de conseil des services de l’Etat fait donc perdre environ 400.000 euros par an à la CADEMA ».
En prenant un exemple, l’Ardèche, il est démontré que pour un chiffre d’affaire de 500.000 euros, c’est 6.131 euros de taxes qui est payée à la collectivité, contre 112 euros à Mayotte.
Le droit à l’information

Là où l’histoire bégaie, c’est que, de la même manière que l’Etat doit mettre la main à la poche à la place des ménages non imposables, il doit le faire pour les entreprises en Zone Franche*. Or, il compense sur une base très faible. Alors que deux entreprises sur trois bénéficient de ce dispositif de Zone Franche dit l’enquête, et ne paient donc pas de CFE à hauteur de 150.000 euros. L’Etat économiserait ainsi environ 260.000 euros chaque année puisqu’il compense 21 euros pour chaque contribuable bénéficiaire du dispositif. Si ces contribuables avaient été imposés de façon progressive, il aurait fallu compenser des sommes beaucoup plus importantes. Il est donc recommandé à l’ensemble des élus de demander une compensation forfaitaire pour ce manque de conseil conduisant à un manque à gagner.
C’est à eux que s’adresse ce rapport, qui répercute également un recensement insuffisant des locaux professionnels et commerciaux, dont les valeurs locatives appliquées sont exagérées.
Si il n’a pas été anticipé, le désarroi des maires invités à décliner une fiscalité de droit commun en dépit d’un cadastre et d’un adressage non finalisés, a fini par être pris en compte quelques années plus tard par le service des impôts. En 2019, la Direction régionale des Finances publiques (DRFIP) avait annoncé mettre à disposition de chacune des cinq intercommunalités un cadre A afin de travailler sur le rattrapage de la fiscalité ou sur l’analyse financière. Vu le contexte, on espère que ces supermen et women de la fiscalité sont encore en poste, on ne saurait trop conseiller aux équipes municipales d’en user et d’en abuser.
Anne Perzo-Lafond