La 1ère condamnation de la Cour de discipline budgétaire et financière tombe sur la SPL976

Les irrégularités dans la gestion de la SPL976 auront poursuivi son président d’alors Daniel Zaïdani et son directeur général Saïd Issouf, prés de 10 ans après les faits. Ils sont de nouveau condamnés, mais cette fois par la CDBF, chacun à 5.000 euros d’amende.

L’histoire commençait à prendre des rides et vient d’être ravivée par le 1er arrêt rendu à Mayotte de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).

Déçu en 2011 de ne pas avoir été élu à la tête de la Société Immobilière de Mayotte (SIM), Daniel Zaïdani avait créé la SPL976 en 2012 censée proposer de l’accession à la propriété pour les revenus médians, et attirer les financements extérieurs pour mener à bien de plus gros investissements. Il fallait pour cela qu’une majorité de communes adhère, ce qui ne fut jamais le cas, seules 5 avaient répondu présent, en complément des 79% de part du conseil départemental.

Cela n’empêchait pas le directeur de lancer des chantiers par le biais de cabinets d’étude et de conseil sans que jamais une infrastructure ne sorte de terre. En 2015, la nouvelle majorité du conseil départemental met le nez dans la SPL976, notamment la conseillère Bichara Bouhari Payet, qui, constatant les rémunérations empochées sans résultat, dépose plainte. En octobre 2017, un rapport de la Chambre Régionale des Comptes crucifie la gestion des deux hommes « entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, 1,5 million d’euros de fonds publics ont été dépensés, dont 71 % pour des charges de personnel, sans réaliser de chiffre d’affaire. Dès 2013, la SPL a payé, en plus du DG, sept salariés, soit huit au total. En aucun cas l’activité de la société, telle qu’elle était à l’époque, ne pouvait justifier une telle situation. »

Esquisse d’une école de commerce qui devait voir le jour dans le canton de Daniel Zaïdani à Pamandzi

100.000 euros de marchés fantômes

A la suite de la plainte, une enquête avait été menée, aboutissant à une condamnation en correctionnelle en juillet 2020, à 3 mois de prison avec sursis pour Daniel Zaïdani et 6 mois pour Saïd Issouf, pour atteinte à l’égalité des marchés publics, ainsi que pour ce dernier de délit de favoritisme pour avoir signé une lettre de mission avec un architecte urbaniste pour un montant de 20.000 euros.

On ne le savait pas encore, l’histoire n’était pas terminée. Le procureur financier près la Chambre régionale des comptes de Mayotte informait le procureur général près la Cour des comptes, des faits relatifs à la gestion administrative et financière de la SPL 976, qui transmettait au ministère public de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).

Qui revient sur d’autres irrégularités dans son arrêt du 5 juillet 2022. En indiquant tout d’abord qu’il n’y a pas prescription, les infractions devant être commises moins de cinq ans avant le déferrement au parquet général, soit les faits commis depuis le 6 juin 2012.

En plus du marché ayant conduit à la condamnation des deux hommes en correctionnelle, la SPL 976 a passé, entre octobre 2013 et janvier 2014, trois autres marchés ayant donné lieu à des paiements.

Le premier de 20.000 euros avec une société pour assistance juridique, aide à l’élaboration d’un schéma stratégique de développement, assistance à montage de programmes, assistances à procédures (celle-ci n’a apparemment pas été concluante), le 2ème de 22.000 euros pour assistance en négociation financière et veille juridique (ça ne s’invente pas), le dernier de 45.000 euros au profit d’une société sur assistance juridique, suivi administratif, etc. Au final, ce ne sont pas de grosses sommes qui sont en jeu, mais le même verdict tombe à chaque fois : « aucune pièce de permet d’établir la réalité des prestations alléguées ». Ce que ne contesteraient pas les deux protagonistes.

Un puits sans fond mais pas sans fonds

Saïd Issouf avait déjà été condamné en correctionnelle avec Daniel Zaïdani

Fait aggravant qui avait été partiellement relativisé lors du jugement en correctionnel, la rémunération du Directeur général ne respecte pas la procédure. Il lui a été attribuée 30.000 euros au titre de « somme forfaitaire globale » lors la séance du conseil d’administration de la SPL en novembre 2012… qui le nommait à son poste le 1er janvier 2013. Il percevait pourtant 8.600 euros de rémunération brute mensuelle en novembre et décembre 2012, « au titre de son statut de salarié ». « La conclusion d’un contrat de travail avec une prise d’effet antérieure à cette date et sa conséquence en termes de rémunération étaient irrégulières », souligne la Cour.

Des faits imputable au président Zaïdani selon le jugement, qui a nommé Said Issouf comme DG et a signé le contrat de travail.

Il résulte de l’instruction que « les travaux réalisés par la SPL sont restés très limités sur la période et que si des projets ont été envisagés, aucun n’a dépassé le stade des études préalables. L’absence de compétences internes au sein de la nouvelle société, en raison d’un recrutement inadapté en termes de qualifications et d’expériences, a rendu la SPL incapable d’accomplir en propre ses missions, la conduisant à contracter avec des prestataires proposant des services dans les différents domaines correspondant aux missions de la société et sans que le recours à ces prestataires ne trouve d’évidentes concrétisations. Entre 2013 et 2016, compte tenu de l’absence totale de réalisation de chiffres d’affaires, la SPL a ainsi consommé l’intégralité des subventions versées par le département, soit 1,5 million d’euros », analyse la CDBF.

Le 1er arrêt de la CDBF à Mayotte

Dans un entretien qu’il nous avait accordé, Saïd Issouf se plaignait de ne pouvoir avancer par manque de confiance du conseil départemental qui ne lui aurait pas confié les investissement initialement prévus (caserne de pompiers, etc.). Pourtant sur la période étudiée, et jusqu’à l’élection du président Soibahadine en 2015, c’est bien Daniel Zaïdani qui était aux manettes.

Des « dysfonctionnements importants » qui ont « porté gravement atteinte aux principes généraux de bonne gestion et d’organisation (…) et ont également porté atteinte de façon notable aux intérêts des collectivités territoriales », conclut la CDBF qui condamne chacun des deux hommes à une amende de 5.000 euros.

De son côté, et comme l’avait souligné la Chambre régionale des Comptes c’est un avenir radieux qui peut s’ouvrir pour la SPL976, sous réserve d’une gestion et d’un portage politique sains.

Anne Perzo-Lafond

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