« On se doit d’assumer une certaine responsabilité vis-à-vis des consommateurs ». Les propos de Madi Tamine, actuel directeur du laboratoire vétérinaire et d’analyses départemental, donnent le « la » sur le futur projet de construction du multilab à Dembéni. Si cette infrastructure n’est prévue qu’à l’horizon 2024-2025, le projet n’étant qu’à ses prémisses, sa finalisation est attendue avec impatience par les acteurs du territoire.
Un équipement existant sous-dimensionné
Ce nouvel équipement répond aux sous-dimensionnements des infrastructures actuelles d’analyses. « Avec la décentralisation de 2004, le laboratoire des Services Vétérinaires de Mayotte est devenu Laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental de Mayotte, explique le directeur. Ses compétences se sont étendues aux domaines de l’hygiène alimentaire, la santé animale ainsi que l’analyse de l’eau, sans que les locaux soient adaptés à ses nouvelles missions ».
Un espace « sous-dimensionné » souligne Nadine Hadifou, secrétaire à la Chambre d’Industrie et de Commerce de Mayotte et présidente de la SASU Technopole. Ce manque d’espace est, en outre, couplé à « une lacune réglementaire » puisqu’en « l’absence d’accréditation nous ne sommes pas habilités à certaines procédures d’analyses », concède le directeur. Cette situation renforce la dépendance de Mayotte à l’égard des laboratoires de La Réunion ou de l’Hexagone.
Sécurité du consommateur et développement de l’île
Un contexte qui explique l’impérieuse nécessité, pour soutenir le développement de Mayotte, d’ériger un laboratoire d’envergure conforme à la réglementation. Plusieurs objectifs lui sont dévolus. Afin de répondre aux exigences réglementaires des activités économiques, le multilab de Dembéni aura l’accréditation COFRAC (Comité Français d’Accréditation) évaluant « la compétence et l’impartialité des laboratoires ». Le multilab pourra ainsi approfondir ses démarches d’analyses dans le domaine des eaux, de la sécurité alimentaire, la santé animale ainsi que l’environnement dans la conformité de la réglementation en vigueur. « La traçabilité des produits sera ainsi plus rigoureuse », se réjouit Latufa Youssouf, responsable PAPAM (Plantes à Parfums, Aromatiques et Médicinales).
Dans son accompagnement au développement des filières économiques et la production locale, l’établissement sera doté, entre autres, d’une cellule « Recherche et Développement, d’une ingénierie analytique, d’une halle de transfert technologique pour que les industriels puissent tester leurs produits », précise Latufa Youssouf. Elle poursuit, « la partie du laboratoire dédiée aux travaux publics permettra aux entreprises du bâtiment de tester leurs matériaux afin de respecter les exigences en matière de transition écologique ».
Faire de Mayotte un « hub » technologique
« Le laboratoire va permettre d’accroître la coopération interrégionale avec Madagascar et les Comores ce
qui explique en partie le financement de l’infrastructure par le programme européen Interreg », précise Nadine Hafidou. Une démarche qui répond à l’objectif d’accompagnement dans le développement des filières économiques et la production locale, ainsi que l’accès aux marchés internationaux, tout en faisant de Mayotte un « hub » technologique dans le bassin régional. La responsable PAPAM, abonde « les entreprises de l’océan Indien pourront faire appel au laboratoire pour la mise en conformité de leurs produits ».
Madi Tamine tient à souligner « à Mayotte on a une filière maritime porteuse d’emplois. Accompagner son développement permettra d’exporter au niveau européen les produits de la mer directement transformés sur le territoire ». Néanmoins, le directeur souhaite lever toutes formes de spéculation concernant l’aire de compétences du multilab, « ce laboratoire n’est pas destiné à l’analyse médicale à destination des humains ».
Une forte interaction avec la technopole de Dembéni
Si le développement économique de Mayotte est en ligne de mire de ce projet, le multilab ambitionne également de participer au développement de l’enseignement. « La structure est indépendante du technopole de Dembéni mais des interactions sont à prévoir entre les deux équipements », témoigne la présidente de la SASU Technopole. La proximité avec le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte favorisera également les synergies et participera à la formation de la jeunesse mahoraise. « Le multilab constituera la partie technique du technopole », précise la responsable PAPAM.
Une infrastructure résolument ambitieuse pour le territoire
Le laboratoire se veut également ancré dans les exigences environnementales de notre époque. « Des panneaux solaires sont prévus sur la toiture afin de limiter la consommation électrique. Des cuves de récupération d’eau de pluie vont être installées pour absorber une partie de nos besoins et faire face aux coupures d’eau. Le but est de limiter le plus possible l’empreinte écologique du bâtiment », détaille Nadine Hafidou.
En somme, une infrastructure ambitieuse qui entend répondre aux exigences de développement économique de Mayotte, assurer la sécurité du consommateur, tout en participant au rayonnement du territoire dans l’océan Indien. Pour l’heure, le commencement des travaux est envisagé pour début 2023.
Pierre Mouysset