Ceux qui suivent même de très loin la politique locale n’auront été que peu surpris du résultat dans le 2ème canton. En tout cas, on retrouve en tête, le député sortant Mansour Kamardine (32,35%) qui brigue là un 3ème mandat (non consécutif), face à un des piliers de la politique locale, l’ancien conseiller départemental Issa Issa Abdou. (19,61%) Si le premier maitrise donc les allers-retours entre Mayotte et Paris, son parti a fait depuis un plongeon. Jusqu’à présent 2ème force de l’Assemblée nationale, les LR ont du s’associer avec les UDI et DVD pour ne devenir que la 4ème formation de l’Assemblée. La question est de savoir comment va se positionner Mansour Kamardine s’il est élu pour défendre au mieux Mayotte.
Son challenger Issa Issa Abdou, MDM, proche de LREM, est à plus de 12 points derrière. Politiquement parlant, ce sont les voix du jeune Madi-Boinamani Madi Mari, investi par la majorité présidentielle, et que l’on pourrait avantageusement retrouver sur de prochains scrutins électoraux, qui devraient se reporter sur le candidat MDM. Mais les électeurs sont parfois frivoles, et les tractations de l’entre-deux tours devront être astucieusement menées pour faire pencher la balance de son côté.
L’explosion de cette élection s’est produite dans la 1ère circonscription, touchée par une forte abstention, 58,85% (contre 53% dans la seconde). Alors qu’une des figures politiques locales, Issihaka Abdillah (récemment LR), était pressentie, il n’arrive qu’en 4ème position (14,54%), derrière Ahamadi Boura (15,74%). Les deux candidats de tête sont deux électrons libres, non issus de partis. Estelle Youssouffa (21,04%), présidente du Collectif des citoyens loi 1901, et Théophane Narayanin (17,70%), à la tête des sociétés IBS et Hold Invest, sont connus pour leurs positions radicales, notamment sur les sujets de l’immigration clandestine et de l’insécurité. A raison, ont dit les électeurs qui constatent au quotidien l’enfoncement de l’île dans la délinquance et dans la pression migratoire. Et les deux meurtres sur la semaine dernière auront sans doute conclu la période de campagne sur une voie de nature à modifier l’issue du scrutin Mais pour concrétiser leurs annonces et tenir leurs promesses, va se poser pour eux un problème d’assise sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Un duo haut en couleur et en décibels
Estelle Youssouffa, ancienne présentatrice de JT sur BFM TV, i Télé, TV5 monde, nous a habitué à monter dans les tours, et n’aura aucun écho à l’Assemblée nationale si elle n’y créée pas de réseaux. Or, on l’a vu, c’est la seule méthode pour faire évoluer des projets de loi. Elle se présente sous l’étiquette divers-droite.
Théophane Narayanin, alias « Guito », reste un personnage sulfureux, ayant déjà eu affaire à la justice, et par voie de conséquence avec la préfecture, dans le cadre de son combat contre l’ancien propriétaire de la carrière qu’il exploite. Arrivant derrière Estelle Youssouffa, un positionnement appréciable quand on sait qu’il n’a annoncé sa candidature à ses 350 employés il y a seulement un mois. Il arrive d’ailleurs largement en tête dans son fief, Koungou, avec 39,73% des voix. Il n’a lui non plus aucune famille politique, identifiée en tout cas, il se présentait sous l’étiquette divers-centre.
Qui pour peser efficacement sur la politique à mener à Mayotte ? On peut mettre en parallèle leur marche en tête avec la détonation qu’est la montée des contestations bruyantes à l’échelle nationale, puisque les voix de NUPES, des RN et de Reconquête ! totalisent 50% des voix. A la différence qu’ils sont des partis constitués, avec des groupes à l’Assemblée nationale. C’est sans doute sur ce point d’un possible ralliement à une famille politique que les candidats devront se démarquer l’un de l’autre entre les deux tours.
Anne Perzo-Lafond