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Mamoudzou

Assises : Tyler Biasini condamné en appel à 6 années de prison pour viol

Alors que l’avocat général avait requis une peine d’emprisonnement de 10 ans, c’est à une heure avancée de la nuit que le tribunal judiciaire de Mamoudzou a condamné l'ex-président de Gueules d'Amour, en seconde instance, à 6 années de prison pour des faits de viol. Il s’agit d’une année de moins par rapport à sa condamnation lors de son premier procès en juin dernier.

C’est un homme en costume qui s’est présenté ce mardi à la barre pour répondre des faits présumés de viol commis sur F. le 2 juillet 2014. A la barre, la posture est stoïque, les mains jointes devant lui, il répond aux questions de la présidente du tribunal sans précipitation, la voix est posée, le ton est calme. Il reviendra notamment sur son action à l’association Gueules d’Amour qu’il présidait, qui s’est « bien agrandie avec la création d’une fourrière adossée au refuge », tout en déplorant « les destructions depuis mon incarcération ».

Il s’étendra également sur ses conditions d’incarcération, « je colle des étiquettes sur des sacs de ciment. Je fais de la musculation. Je vois l’aumônier. Je lis beaucoup également ». Assis sur le banc, les mouvements sont réduits à leur plus simple expression, la tête pivote de temps à autre pour observer le défilé des intervenants qui se succèdent sur les écrans de visioconférence.

Des analyses psychologiques et psychiatriques qui suscitent un débat houleux

Les témoins et experts se sont succédé en visioconférence

Les experts psychologues et psychiatres ont abordé tour à tour au cours de la journée les personnalités respectives de Tyler Biasini et de la présumée victime F., apportant notamment des éléments en lien avec leur « consommation respective d’alcool en milieu festif » ainsi qu’une « tendance narcissique ». Si l’enquête de personnalité de l’ancien président de l’association Gueules d’Amour rend compte d’une « enfance heureuse et stable financièrement » et une « très bonne relation avec ses parents », celle de la présumée victime laisse transparaître une enfance et adolescence chaotique.

« Arrivée à Mayotte en 2013, elle est exposée à un réseau de prostitution aux Comores et parvient à s’en extraire grâce à l’association Solidarité Mayotte. Elle aurait vécu un viol à ses 12 ans au Congo et lors de son passage à Dar es Salam en Tanzanie, souligne le psychologue avant de poursuivre, elle ne me fait pas connaissance de syndrome post traumatique liés à ces viols ». Si cette situation sera mise en avant dans la plaidoirie de Me Ekeu, avocat de F. pour souligner « la vulnérabilité économique de sa cliente », précisant que « le fait qu’elle soit prostituée ou non ne change rien au débat », Me Cooper ne manquera pas, pour sa part, d’indiquer « on ne sait rien de cette dame au final ».

Au sujet des rapports des différents praticiens, le ton va progressivement monter entre l’avocat de la défense et la présidente du tribunal. Dans sa plaidoirie, Me Cooper fera allusion à cet épisode, « ce n’est ni un psychologue ni un psychiatre qui va déterminer la crédibilité d’une personne, prudence et précaution. Ils sont là pour donner des traits de personnalité ».

« Je me suis demandé si Monsieur Biasini n’avait pas plus de considération pour ses chiens que pour les humains »

Promptement, les débats vont s’attarder sur le casier judiciaire de Tyler Biasini . Des condamnations en lien avec la

L’avocat général a requis 10 ans de prison dans son réquisitoire

consommation de produits stupéfiants, conduite en état d’ivresse ou encore des faits de violences aggravées vis-à-vis de son ex-femme A., pour lesquels il a été condamné à 6 mois de sursis avec mise à l’épreuve. La lecture des dépositions d’alors relate des faits de violences conjugales y compris chez les parents de son ancienne petite amie, « il use de son charme pour arriver à ses fins. Il peut changer d’attitude en 5mn ». A la barre, Tyler Biasini avoue «pouvoir être violent dans certains cas, comme alcoolisé, c’est une réalité » tout en s’interrogeant sur la tournure des débats « pourquoi m’accable-t-on sur le cas de A. qui s’est passé il y a 14 ans alors que j’ai déjà payé pour ça ?»

D’autres dépositions seront également lues provenant d’autres anciennes compagnes de Tyler Biasini qui relatent des « faits de violence », « gifles et tirages de cheveux ». Une similitude apparente dans le procédé qui ne laissera pas indifférent, dans son réquisitoire, l’avocat général. « Malgré toutes ces années, cet homme poursuit dans son impunité et sa toute-puissance », mettant en avant un « procédé similaire », et concédant « je me suis demandé si Monsieur Biasini n’avait pas plus de considération pour ses chiens que pour les humains ».

« C’est la première fois que j’assiste à une audience où on a fouillé autant les antécédents »

« Une peine correspondant à nos souhaits » selon l’avocat de la défense

Me Cooper tentera, à de multiples reprises dans sa plaidoirie, de déminer les antécédents de son client. S’adressant aux jurés, elle met en garde « vous n’avez eu que 2 jours pour assimiler tout ce que l’on a pu vous dire, vous n’avez qu’une petite vision de l’ensemble de ces dossiers. L’intime conviction ce n’est pas avoir des impressions », avant de déplorer « c’est la première fois que j’assiste à une audience où on a fouillé autant les antécédents ».

Malgré la plaidoirie de Me Ekeu qui a mis en exergue la violence qui se serait déroulée au cours des faits présumés en reprenant les propos de sa cliente, « tu es dangereux car la dernière fois tu as abusé de moi », Me Cooper tentera de pointer les contradictions entre les dépositions de la victime. Notamment, elle va pointer les dissonances concernant les pratiques sexuelles que F. aurait eu à subir ainsi que les coups, « cela pose un problème d’incohérence très grave ». Dans un ultime sursaut, l’avocat de la défense entend rappeler aux jurés que « vous avez une chose à faire, savoir si les accusations sont des charges qui sont des preuves » afin de conclure, « les yeux bandés de la justice sont ceux de l’impartialité ».

Une dernière fois Tyler prend la parole « ce n’est pas parce que je suis violent que je suis violeur. Mon épouse est là, mon enfant de 2 ans m’attend à la maison ». Néanmoins après délibérations, l’ancien président de l’association Gueules d’Amour est condamné à 6 années de prison pour le viol qui lui est reproché et à 10 000 euros de préjudice moral à verser à la victime. « Une peine correspondant à nos souhaits », indiquera par téléphone l’avocat de la partie civile Me Ekeu.

Pierre Mouysset

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