Il est 11h10 quand démarre avec quelques minutes de retard, la première cérémonie officielle pour promouvoir un nouveau diplôme au sein de notre unique CUFR départemental. Les Pratiques du Spectacle Vivant encore inédites au sein des études supérieures locales, proposent une nouvelle opportunité à la jeunesse étudiante de s’exprimer et se former aux arts du spectacle.
Jean-Louis Rose, Responsable du Pôle Culture du CUFR de Dembéni, et en charge du DU, ouvre la fin de matinée avec une très courte introduction. Et avant d’inviter un à un les intervenants, un intermède musical est proposé par l’atelier M’biwi du CUFR. Les jeunes étudiantes, vêtues de leur traditionnel saluva, chantent, bougent, frappent dans leurs bouts de bois, sur une partition mahoraise d’une très grande beauté. Un instant aux sonorités africaines qui nous laisse nous éloigner un peu d’une conventionnelle cérémonie officielle.
Les points du présent pour un lendemain prometteur
Quand est venu le temps des discours, le silence a repris sa place. Ne pouvant être présent, Aurélien Siri directeur du CUFR, dans un ton très solennel, s’est exprimé en visio-conférence. À la suite de ses formules de politesse et des importants remerciements aux partenaires et organisateurs de cet évènement, il n’a pas manqué de féliciter les étudiants de cette première promotion des pratiques du spectacle vivant. « Vous avez l’honneur et la responsabilité d’ouvrir la voie. » Affirme t-il publiquement. Il fait remarquer qu’en dix ans, le Centre Universitaire de Mayotte est devenu un lieu incontournable d’ouverture et de culture. Ne manquant pas de rappeler les nombreuses conférences, master class, séjours culturels, échanges entre les étudiants d’outre-mer qui ont donné un sens à cette démarche éducative. « Théâtre, cinéma, danse, sont autant de chance pour les étudiants du CUFR, de compléter leur formation dans l’action culturelle », poursuit-il. Il conclura son discours encourageant avec ces mots : « C’est dans cette dynamique positive, avec cette volonté d’initiative, pour porter des projets innovants au cœur de notre territoire, et cette conviction de travailler dans l’intérêt général que nous préparons l’université de demain. »
A l’initiative de nombreuses démarches de découverte du théâtre pour les étudiants du CUFR, Jean-Louis Rose a salué le travail des compagnies de théâtre partenaires et du personnel administratif pour cette réussite, tout en annonçant le programme de ce Diplôme Universitaire. Tout d’abord, il a évoqué l’immersion des étudiants au sein du célèbre Théâtre du Soleil, une semaine au mois de mai. Cette expérience leur permettra de partager pleinement la vie quotidienne de la grande troupe d’Ariane Mnouchkine, qui, rappelons-le, est déjà venue plusieurs fois à Mayotte pour accompagner la mise en place de la formation théâtrale. Les étudiants iront aussi se former une semaine à l’école d’art dramatique du Limousin, pour découvrir cette fois, le quotidien d’une formation de soutien. Le vice-directeur fait bien remarquer à quel point cette formation est inédite, car elle se délocalise avec l’ensemble de ses inscrits. Et de la même manière en plan local, il insiste sur les liens resserrés avec l’école de danse de Petite Terre, le Royaume des fleurs, mais aussi d’autres compagnies Mahoraises. D’autre part, avec l’association partenaire Hippocampus, les étudiants découvriront également les différents aspects de la production du spectacle.
Au quotidien, le travail du suivi pédagogique s’élabore là aussi de manière collégiale, avec Hervé Hérelle (la compagnie La Plancha de tu Madre), mais aussi avec Thomas Bréand (Compagnie Stratagème), Carolina Pecheny (L’Académie de L’union) et Hélène Cinque (Théâtre du soleil). Les étudiants suivront ainsi dix modules de formations au court des vingt-quatre prochains mois, tout en pratiquant le théâtre de manière hebdomadaire.
Les intervenants suivants n’ont pas oublié de féliciter le succès de cette première formation très qualitative. Ainsi, le représentant du recteur a pu exprimer l’importance pour le rectorat de Mayotte de la mise en route de ce projet qui leur tenait à cœur. Malheureusement à distance, mais heureusement connectées par Zoom, Héloïse Belloir et Carolina Pecheny, n’ont pas manqué d’exprimer leur joie au sujet de cette association entre le CUFR et l’Académie de L’union à Limoges. « Nous sommes très honorés et surtout très heureux de participer à ce projet. » fait remarquer la première.
D’une façon plus rock’n’roll, Hélène Cinque, grande figure du spectacle vivant, elle aussi en visio, exprime sa joie de participer à cette grande aventure. Elle s’adresse aux étudiants : « Je vous attends avec hâte, avec excitation et émotion. La maison va vous accueillir pour que nous puissions travailler. La seule chose que je peux vous dire c’est que j’aime le théâtre, j’aime ce projet, je suis absolument épatée de tous ces efforts. J’espère en être à la hauteur. Soyez courageux, assidu, travailleur, artisan, ouvrier, artiste. Et on va faire de très belles choses, j’en suis convaincue. »
Suite aux mots des invités en visio, Thomas Bréand et Hervé Hérelle sont montés un à un sur scène sous un tonnerre d’applaudissements et d’encouragements verbaux. Une grande émotion s’est fait sentir dans la salle et sur les visages des référents fiers de cette formation très prometteuse.
La jeunesse avant tout
A l’issue des interventions, place à la jeunesse épatante. La promotion est ainsi montée sur scène pour parler avec leurs mots de ce cursus et recevoir par les mains de leurs enseignants, un corpus de texte avec une pochette cousue par l’une des élèves. Le très bel outil pédagogique a ravi les étudiants ambitieux. Inesse, l’une des membres de cette promo, montre sa joie de poursuivre cette aventure en ajoutant : « Étant donné que j’ai envie d’être enseignante, j’ai vraiment hâte de prendre tout ce qui va m’être apportée, pour pouvoir transmettre cela à mes futurs élèves. »
Anzide, un autre étudiant s’exprime devant l’audience : « J’ai découvert le théâtre ici grâce à mon grand frère. Mon rêve ça serait de travailler dans l’univers artistique. Faut dire que j’étais trop timide, maintenant je le suis un peu moins. Plus j’avance, plus j’en reveux. »
Nykaya, étudiante très à l’aise et souriante, s’adresse à la salle avec une vraie personnalité : « J’ai commencé le théâtre à l’âge de quinze ans, et, vous moquez pas de moi, je venais d’arriver en métropole et je faisais une grosse crise d’adolescence. Pour me calmer j’ai commencé le théâtre à Lyon. Il y a quelques mois en revenant ici, je me suis dit, si je ne refais pas de théâtre, je vais recommencer ma crise d’adolescence. Je suis d’abord partie au Pôle Culturel pour un atelier avec la troupe. À un moment donné on nous a parlé du DU et on nous a fortement incité à nous inscrire. Alors je me suis inscrite. »
Il ne pouvait pas y avoir meilleure conclusion, quand une personne dans l’assemblée a posée la question suivante : « Comment voyez vous l’avenir du théâtre dans la culture Mahoraise ? »
Ce à quoi Maïmoume, un des étudiants, a répondu sobrement : « Peut être il nous faut améliorer notre façon de voir le monde, sans vraiment changer la nôtre à Mayotte, mais on peut quand même assimiler certaines choses que nous propose la culture métropolitaine ou ailleurs dans les Outre-Mer. »
L’avenir est à cette jeunesse prospère qui voit plus loin que notre île.
Germain Le Carpentier