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Le Cinéma Mahorais, le rêve d’une réalité

Nous parlons peu du secteur cinématographique à Mayotte, car beaucoup pensent qu’il n’y a aucune ouverture pour qu’il se développe suffisamment. Pourtant il existe des « téméraires » qui ne lâchent pas l’idée d’aller au bout de leur ambition. Et mieux encore, la possibilité d’accéder à des financements publics. Il est donc réalisable de voir émerger un cinéma local.

Cela fait déjà des années qu’ils sont nombreux à croire en la capacité de filmer des histoires de notre île. Tout le monde connaît Jacqueline Guez la créatrice de la série Colocs (diffusée sur Mayotte 1ère) ou bien sûr, Naftal Dylan, créateur de la série FBI Mayotte. Pourtant ce n’est que par leurs propres moyens qu’ils ont conçu leurs projets. Chacun est allé chercher là où il pouvait, de quoi monter un budget qu’il leur permettrait de rendre leurs rêves réalisables. C’est tout à leur honneur, et Mayotte a besoin de sa « Nouvelle Vague ». D’autres poursuivent une démarchent similaire, comme Myster Mariox qui a le souhait de valoriser la jeunesse de Kaweni.

Un réseau de techniciens se construit avec la création récente d’un syndicat des cinéastes indépendants de Mayotte. Deux des fondateurs, Faed Mhadji et Samir Houmadi, ont déjà fait leurs armes sur le tournage d’un vrai long métrage de cinéma. Mais des possibilités plus importantes peuvent s’offrir, à condition d’être informé et accompagné. Et c’est là le gros du travail pour que la culture puisse se développer davantage sur notre île.

Cinéma de rue à Mangatele en 2015 avec le film Kawéni Hima

Les prémices des lumières

Le cinéma est un outil d’information, de communication, de divertissement, mais aussi d’éducation. C’est un art qui s’apprend, soit de manière autodidacte, soit par formation. À Mayotte, nous avons la chance d’avoir une section Cinéma au Lycée Les lumières. Gilles Collin, professeur de lettres et de cinéma, ne cesse de croire en la capacité de ses élèves, à faire de cet apprentissage un bagage pour l’avenir. Le rectorat a aussi pu débloquer des financements pour faire venir des intervenants de qualité, participants à la formation des cinéastes juniors. Depuis peu, le Centre Universitaire de Dembeni propose aussi des cours d’analyse filmique dans le cadre de certaines études. Il est donc possible d’être formé ou du moins d’être sensibilisé à cet art.

L’éducation à l’image passe aussi par le cinéma, au sens propre du terme. Mais comment pouvons nous le faire avec une seule salle pour toute l’île ?
Il faut commencer par faire exister ce lieu. Lisa Patin, la directrice du pôle culturel de Chirongui, assistée de Maxime Auvray, ont repris intégralement la programmation du cinéma, proposant ainsi une sélection de films pour tous. Rien de mieux pour enthousiasmer une audience. C’est grâce à cette programmation variée, avec entre autre des films indépendants, que le cinéma pourra bénéficier d’ici quelques mois du Label Art et Essai. Cette aide financière très valorisante, permettra un développement plus important du lieu et peut être l’ouverture d’un réseau de salles sur l’île. Et qui dit réseau, dit qu’il y aura enfin une vraie place à un secteur fleurissant, pour peut être donner l’opportunité de diffuser les films des futurs cinéastes mahorais.

Les aides publiques, comment en bénéficier ?

Au tour de Faed Mhadji, deux acteurs de Tropiques de la violence, Dali Bensalah (également acteur du dernier James Bond) et Gilles Alane-Ngalamou Hippocrate (Moïse)

En sa qualité de département Français, Mayotte est bien éligible à des financements publics. La première caisse vers laquelle se tourner est le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Contrairement à ce qui se raconte, le fait qu’il n’y ait aucune antenne sur place, ne veut pas dire que les mahorais sont exclus. Seule La Réunion bénéficie d’une antenne, mais le reste de la France se tourne vers Paris. Un dépôt se fait en ligne à la date indiquée par le CNC. Au sein de cette structure il existe plusieurs commissions sélectives ou automatiques, destinées aux auteurs, aux réalisateurs, aux producteurs mais aussi aux exploitants de salles (Le Label art et essai est une aide accordée par le CNC). Il y a une commission bien précieuse à retenir, L’aide sélective pour les œuvres cinématographiques intéressant les cultures d’outre-mer. En effet, comme son nom l’indique, elle est destinée à celles et ceux qui souhaitent valoriser un territoire ou un département ultra-marin. Dans toute l’Histoire, pour le moment, un seul film tourné à Mayotte en a bénéficié. Le site internet du CNC, donne toutes les informations nécessaires aux commissions. Il est recommandé que cette demande soit faite par le biais d’une boîte de production pour une prise en compte crédible et sérieuse. D’autre part, il existe des aides d’écriture ou de réécriture, plutôt destinées aux longs métrages et aux séries, auxquelles seuls les auteurs peuvent prétendre.

Un film peut aussi bénéficier d’une aide télévisuelle. Il en a même fortement besoin pour compléter son financement. Le groupe France Télévision et la chaîne ARTE préachètent ou achètent des courts et longs métrages sur dossier. Tous ces canaux ont ouvert une case spéciale pour mettre en avant les films des territoires isolés (Mayotte en fait partie). C’est aussi le cas du Groupe Canal, qui a deux caisses avec Canal + et Canal + Réunion. Il est d’ailleurs possible d’être financé par les deux entités.
Contre toute attente, il est aussi permis de se tourner vers la Réunion. En effet, comme notre île n’a pas encore officiellement de financements locaux, l’autre département de l’océan indien peut accorder un financement régional à un film Mahorais. Il y a quelques conditions, mais l’aide ne cesse d’évoluer en faveur de Mayotte, pour la simple et bonne raison, que nous ne sommes pas encore complètement autonome.
Il existe des contraintes, tout cela n’est pas un acquis sur le simple dépôt d’un dossier. Mais la vraie qualité qu’à Mayotte aujourd’hui, c’est la part inédite de ses histoires à travers des films. Ce qui force à croire qu’une fenêtre de tir reste à portée de main.

Le fantôme d’un secteur omniprésent

Court métrage tourné en 2019 par les lycéens mahorais lors d’une action menée par des enseignants dont Gilles Colin

Mais alors pourquoi est-ce si compliqué de voir émerger ce secteur ? La faute à un manque de communication entre la France métropolitaine et le dernier département Français. La responsabilité revient particulièrement au ministère de la Culture, qui n’a absolument rien fait en matière de cinéma pour les outre mers. Bien qu’il se dise que le Conseil Départemental travaille à un financement régional, ce n’est pas demain que Mayotte deviendra région. Cette contrainte empêche ainsi les techniciens locaux de bénéficier du statut d’intermittent du spectacle, situation qui faciliterait l’évolution d’un vrai secteur et d’un réseau en activité. Actuellement, c’est un peu le serpent qui se mort la queue. Malheureusement aussi, peu nombreux sont les autochtones connaissant les plans de financements et leurs débouchés. À ce jour, aucune structure de production mahoraise n’est en capacité de produire un film du début à la fin. Pour la simple et bonne raison, que personne n’a été formé au métier de producteur. On envoie un petit clin d’œil au rectorat, pour qu’il puisse peut-être travailler avec la DAC (Direction des Affaires Culturelles), à la mise en place d’une école de cinéma ou d’une formation liée à la production cinématographique.

Pour le moment, les auteurs et créateurs ne peuvent que se tourner vers des producteurs de l’hexagone, dont certain s’enthousiasmeront d’une proposition nouvelle et originale.
Il reste donc à construire ce pont, tout à fait envisageable, pour que la situation évolue en faveur du cinéma mahorais.

Une lumière est allumée, à chacun d’attiser la flamme.

Germain Le Carpentier

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