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Mamoudzou

SMAE : des chèques pour faire économiser du liquide

Pas facile de toucher les vrais bénéficiaires des plus de 2.600 chèques eau à Mayotte. Propriétaires indélicats, ou factures exagérées… le dispositif nécessite aux CCAS de s’adapter et de trouver des solutions adéquates. A savoir si vous avez une fuite, la loi vous couvre !

« Le chèque eau, c’est une porte d’entrée sur la prise en compte de la situation des personnes qu’on accompagne ». La responsable du CCAS de Dzaoudzi vise juste, la situation dépasse ce qui avait été imaginé lors de la mise en place du dispositif.

C’est un accord entre la SMAE (Vinci Construction) et le Syndicat d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM) qui lui donne vie en 2020. Il s’agit d’appliquer la tarification sociale voulue en 2018 par le premier ministre Edouard Philippe, sous forme de chèque de 30 euros, alloués à des ménages qui remplissent les conditions d’attribution. Et ce sont 2.633 chèques qui ont été alloués pour un montant de 79.000 euros, intégralement financés par la SMAE. En 2020, une seule commune avait pu consommer ces chèques, désormais, c’est l’ensemble des 17 de l’île qui les utilise.

Premier écueil, la défaillance des récipiendaires qui recevaient bien le chèque, mais ne le déposait pas forcément ensuite à la SMAE, ou bien hors délai. Ainsi, tous les chèques n’ont pas été utilisés dans certaines communes. A Mamoudzou, on constate 6% de perte, 18% à Mtsangamouji, soit 3.300 euros au total qui n’ont pas été utilisés par 11 communes. Pour y pallier, le CCAS de Dzaoudzi Labattoir a mis en place une organisation différente, « un agent du CCAS récupère l’ensemble des chèques et vient les déposer à la SMAE. Ça évite aussi que les gens les troquent contre de l’argent ». Moyennant quoi, dans cette commune, on est sur du 100% de dépenses.

Véritable bras armé du maire sur sa politique sociale, les Centre Communaux d’Action Sociale (CCAS) ont d’abord été vus comme des pompes à voix aux abords des élections, avec distribution d’aides à la clé. Elles ont depuis gagné en maturité et en professionnalisme. On se souvient du dispositif de professionnalisation et de montée en compétences des CCAS mahorais, DESIGN’PALAS.

Ibrahim Aboubacar, Aminat Hariti, Saïd Salim et Françoise Fournial, échangeaient avec les CCAS à le recherche des solutions adaptées

La bourse ou le bail

Pour preuve, le public cible du départ n’est plus tout à fait le même. C’est ce qu’explique le président de l’Union départementale des CCAS, Saïd Salim, qui rappelle les critères à remplir : « La personne doit avoir une carte d’identité ou un titre de séjour à jour, doit présenter une facture d’eau. Quant aux conditions de ressources, au départ, c’était le SMIC, mais je pense que ceux qui ont un salaire peuvent compter sur un ‘reste à vivre’, ce qui n’est pas le cas pour ceux qui n’ont pas de travail et qui doivent être priorisés ».

Mais les bénéficiaires ne sont pas ceux qu’on croit, relève le représentant du CCAS de Koungou, qui demande des mesures correctives : « Ce ne sont pas les personnes qui ont reçu le chèque qui bénéficient de l’allègement de la facture, mais le propriétaire du compteur, c’est lui qui figure sur la facture. ». Les échanges sur ce sujet entre la vice-présidente du Syndicat des Eaux, Aminat Hariti, et l’ensemble des CCAS, faisait encore une fois éclore le problème des loyers non déclarés : « Il faudrait que ces personnes signent un bail, et en cas du refus du propriétaire du terrain, il faut aller plus loin ».

« Plus loin », ce serait comme le propose Ibrahim Aboubacar, directeur par interim du SMEAM, « d’acter la preuve du versement par les locataires de sommes régulières. Ça équivaut à un bail tacite, il faut se rapprocher des services juridiques pour cela ». Ce serait une révolution à l’échelle de l’île dans ce cas, mais sur lequel la représentante du CCAS de Dzaoudzi apposait un bémol, « notre but c’est d’aider les gens sans les mettre en difficulté. Or, forcer à officialiser la qualité de bailleur d’un propriétaire pourrait déboucher sur une expulsion de la personne déjà en difficulté ». Forcer les bailleurs à déclarer leurs locataires, c’est justement un des points de la circulaire de justice pénale adaptée à Mayotte signée par le ministre Dupond-Moretti.

2.000 euros de consommation d’eau sur deux mois

« Ce dispositif permet une réponse rapide envers les bénéficiaires », saluait la représentante de Chirongui

Ce sont donc 2.633 chèques de 30 euros qui ont été distribués, ce qui ne veut pas dire autant de bénéficiaires. « Nous pouvons délivrer jusqu’à 10 chèques lorsque des gens arrivent avec de grosses factures d’eau. Certaines vont jusqu’à 2.000 euros », constate la représentante du CCAS de Chirongui. Un montant digne d’une piscine municipale ! Qui faisait bondir la directrice de la SMAE, Françoise Fournial : « Une famille de 4 personnes va consommer 120m3 par an, soit 100 euros par bimestre. 1.000 ou 2.000 euros par bimestre (tous les deux mois), c’est anormal. Soit ils sont très nombreux, soit il y a des fuites ». Et dans ce cas, une mesure existe, inconnue du grand public.

« Selon la loi Warsmann, si la fuite est réparée dans le mois qui suit l’avis de la SMAE, avec facture de plombier à l’appui, nous dégrevons en ne prélevant que le montant de la consommation habituelle », poursuivait Françoise Fournial. A Mayotte, les difficultés d’adressage ne permettant pas de réagir à temps, un délai supplémentaire peut être accordé. Mais beaucoup parmi les assujettis réparent eux-mêmes la fuite ou font appel au fundi du quartier, « un plombier, c’est cher ! » Affilier un plombier aux CCAS pourrait être une solution.

Et pourquoi pas au conseil départemental dans le cadre de son Fonds de Solidarité Logement. A travers lui, des aides sont également dispensées, « nous ne maitrisons pas les bénéficiaires de ce fonds, ni des aides qui existent par ailleurs, indiquaient les CCAS, il faudrait les coordonner pour éviter les abus. »

L’ensemble des intervenants saluait malgré tout un dispositif efficace, « ça permet une aide rapide aux personnes en difficulté, mais le nombre de chèques reste insuffisant ».

Anne Perzo-Lafond

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