Comme pour l’armée, l’Education nationale a son Institut des Hautes études (IH2EF) chargé de former ses cadres. Un des cycles porte sur la gestion de crise. Trois sujets d’actualité étaient au programme du dernier séminaire le 1er mars : l’émergence de phénomènes de violence dans le premier degré, la cyberviolence et les phénomènes de bandes. Sur ce dernier sujet, une thématique concrète a été retenue, « La gestion du phénomène de bandes et des violences à Mayotte : la coordination des acteurs en contexte ultramarin ».
Face aux cadres de l’Education nationale de différentes régions de France, chefs d’établissements, responsables de sécurité aux rectorats, les auditeurs tels que le général de brigade Jean Gouvart, le lieutenant-colonel Jean-Yves Naoures, et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ont développé leur connaissance sur ce sujet.
Jean Gouvart fut au fait de ce contexte de violences sur l’île pour avoir commandé la Gendarmerie nationale à Mayotte. Il est actuellement à la tête de l’Ecole de gendarmerie de Tulle. Quant à Jean-Yves Naoures, il était en poste à Mayotte comme directeur des renseignements territoriaux.
Nous avons contacté Jean Gouvart, pour un bilan de cette formation : « Une similitude a été dressée avec les phénomènes de combat de quartier dans les banlieues en métropole, chacun a pu apporter son témoignage, notamment les Yvelines ou la Guyane. En terme de coordination des acteurs, les actions menées par la gendarmerie de Mayotte ont été rapportées, notamment avec l’association Mlezi, pour travailler sur ce phénomène de bandes, et le rectorat de Mayotte a témoigné des points de vigilance sur la surveillance des transports scolaires et celle du hub de Kahani. Nous avons pu ensuite faire un partage d’expériences avec ce qui se faisait ailleurs. »
Rompre l’isolement de Mayotte
Il fut riche, selon le général : « Mayotte a notamment détaillé son dispositif d’élèves pairs, également présent dans d’autres départements, notamment en Guyane où il développe d’autres actions intéressantes. »
De son côté, le sénateur Thani Mohamed se réjouit que Mayotte ne soit pas oubliée sur le plan national sur le sujet de la délinquance, « le général Gouvart maintient le lien avec Mayotte, ce territoire l’a marqué, et il me contacte au besoin. C’est rassurant de voir que nous restons pour lui une préoccupation. »
Et la mutualisation des expérience en matière de délinquance fut utile selon le sénateur : « La responsable d’un établissement de région parisienne mettait l’accent sur un nombre important de mineurs non accompagnés sur son territoire. Quand je lui ai dit qu’ils avaient été estimés entre 6.000 et 8.000 à Mayotte, elle n’en revenait pas. »
Un travail qui permet selon lui d’engranger des acquis, « et d’échanger sur des expériences menées ailleurs. Travailler sur le long terme c’est aussi travailler pour l’urgence de la situation. Et rapporter les actes dramatiques perpétrés à Mayotte, l’écho n’est pas le même que quand ils sont commis en métropole, ce n’est pas normal. »
La monoparentalité, un phénomène transversal
Nous avons poussé plus loin la discussion sur les leviers à actionner, notamment en terme de parentalité. Pour Jean Gouvart, elle est à interroger sous deux primes principaux : « La réussite scolaire d’un enfant dépend notamment de la bonne pratique du français de ses parents, et le problème de la monoparentalité, un sujet qui se retrouve partout. Mayotte où la polygamie laisse souvent les femmes seules pour gérer leurs enfants, peut servir de laboratoire pour la métropole où on a désormais beaucoup de familles monoparentale. »
Thani Mohamed Soilihi rappelle qu’en 2019 le gouvernement avait étudié la possibilité de suspendre les allocations familiales des élèves les plus violents. Une municipalité avait mis en place des stages de parentalités qui permettaient d’éviter la suspension de ces ressources contre une formation des parents, « on pourrait l’appliquer au titre de séjour », glisse le sénateur qui évoque une nécessaire évolution législative pour cela.
La finalité de ce séminaire de formation des cadres de l’Education nationale est d’être en capacité de former les acteurs de terrain à la gestion de crise. De nouvelles réponses en perspectives sans doute à ces violences qui plombent le quotidien de Mayotte.
Anne Perzo-Lafond