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Entre guerre en Ukraine et dettes « douteuses », le Département veut sécuriser son budget

Près de 14 millions d'euros de créances ne pourraient pas être recouvrées selon le Conseil départemental qui va devoir composer avec ce trou budgétaire. Le président Ben Issa s'inquiète aussi des répercutions de la guerre en Ukraine, qu'il condamne, sur le budget du CD.

Citant une « inflation à 3% » et « des prix qui ne cessent de grimper », le président Ben Issa Ousseni ne cachait pas son inquiétude ce lundi quant aux futurs budgets du Département. Abordé en séance plénière, le débat d’orientation budgétaire table sur une année 2022 à l’équilibre, mais des doutes existent pour 2023. Plusieurs facteurs sont en cause. Des « réformes fiscales » qui ont fait perdre des recettes, mais aussi des impayés en pagaille, incluant des « dettes douteuses » selon le président Ben Issa. « Douteuses, car il existe un doute sur le fait qu’on puisse les récupérer » précise ce dernier. En tout, 36 millions d’euros pourraient être perdus pour la collectivité, en raison de la disparition des débiteurs, particuliers décédés ou entreprises liquidées notamment. Sur ces 36 millions, 14 sont considérés comme « irrécouvrables ».

Le résultat comptable du Département est donc « à prendre avec prudence » avertit le président.

Egalement évoquée, la guerre en Ukraine pourrait impacter le budget du Département, qui a déjà vu ses dotations fondre avec la crise sanitaire. « L’actualité internationale ne peut pas nous laisser indifférents » a-t-il plaidé, évoquant l’Ukraine. « Les Mahorais ont fait le choix de la France et de l’UE pour les valeurs de démocratie, de paix, de solidarité, de respect des droits humains. Nous nous sentons concernés par ce qui se passe là bas car ce sont ces valeurs qui sont menacées. Comme a dit Jacques Chirac, la guerre est toujours un constat d’échec, je veux condamner avec force cette intervention militaire russe qui a déjà fait des centaines de victimes ». Et dont les répercussions économiques sont pour l’heure difficiles à prédire : hausses des cours des matières premières, flambée des prix des carburants, impact boursier, sont autant de paramètres susceptibles d’ajouter de l’incertitude pour le budget de collectivités comme le Département de Mayotte.

« 2023 ce sera une autre paire de manches »

A Mayotte, une dotation par habitant bien légère, juge le CD

D’autant que, malgré « des efforts monstrueux pour stabiliser notre train de vie » qui a conduit au non remplacement d’un fonctionnaire parti à la retraite sur trois, des dépenses supplémentaires sont évoquées. A prendre au conditionnel, la sur-rémunération des agents pourrait s’aligner sur La Réunion dans les mois à venir, passant de 40% à 53%. Le Département envisage aussi la gratuité de la barge pour les piétons dans les deux sens, ce qui aura aussi un impact sur le budget du STM. « L’orientation 2022 c’est qu’on restera à l’équilibre. Pour 2023 ce sera une autre paire de manches » prévient Ben Issa Ousseni.

Pour faire face à l’incertain, le CD se tourne vers l’Etat, et la dotation globale de fonctionnement (DGF), sous-dotée à Mayotte. « Nous continuons à demander au gouvernement que les recettes soient du droit commun. Nous sommes encore avec une DGF par habitant qui est à 50% en dessous des autres DOM. Nous réclamons une revalorisation de notre DGF alignée sur le droit commun, nous sommes autour de 135€ par habitant, contre 220 au niveau national. » Pour rappel, la collectivité n’assure pas les mêmes compétences que dans les autres DOM, tout le volet régional comme la construction des établissements scolaires du second degré est encore à décentraliser.

Quitte à jouer un peu sur les chiffres pour gonfler la note, sur la base d’une intuition plutôt partagée par la population, mais pas corroborée par l’Insee. Malgré un recensement récent qui évoque 300 000 habitants sur l’île, le président Ben Issa Ousseni réclame à l’Etat « une prise en compte réelle du recensement ici à Mayotte. Les chiffres tels que pris en considération nous font perdre plus de 10 millions, on parle de 270 000 habitants alors que les chiffres nous orientent à plus de 450 000, soit plus de 200 000 qui ne sont pas comptabilisés. Ce n’est pas moi qui donne ces chiffres, ce sont des chiffres annoncés ici et là. »

Cette séance plénière était aussi l’occasion d’exprimer la  » grande tristesse » après le crash d’un avion d’AB Aviation ce samedi à Mohéli. « Les espoirs sont très minces pour les familles, je m’associe à leurs peines et leurs prières pour que des survivants puissent être retrouvés » a commenté Ben Issa Ousseni. Ce dernier a enfin eu un mot sur les violences récentes qui ont secoué l’île. « Je n’aurais pas imaginé commencer cette séance publique sans évoquer la sécurité à Mayotte. Beaucoup a été dit, des démarches ont été entreprises au plus haut niveau de l’Etat, tout ce qui concerne la vie de notre territoire nous semble essentiel. J’exprime ma compassion et ma sollicitude envers les populations qui vivent ces violences. Nous ne pouvons admettre ces situations en tout point du territoire. Sans sécurité il n’existe pas de véritable liberté ». Plaidant enfin pour « la construction d’un centre pénitentiaire pour mineurs » et un renforcement du rôle des cadis,  « je m’associe aux différentes démarches mises en œuvre, dont celle de Mansour Kamardine qui réclame une mission interministérielle d’urgence à Paris. Nous sommes unis sur ce sujet qui doit être porté comme une grande cause départementale ».

Y.D.

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