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Le retour des diplômés à Mayotte : un arbitrage entre opportunité et insécurité

Inciter les jeunes diplômés à revenir mettre leurs talents au profit de leur île, c’est une des clefs du développement de Mayotte. Et de son équilibre social. Si les plus actifs et les plus compétents sont frileux à l’idée de revenir, qui va le faire ? C’était le sujet d’un séminaire organisé par le conseil départemental à Paris. La dimension sociétale mériterait d'être approfondie.

Le 2ème webinaire sur l’emploi à Mayotte #Mayottejobs organisé par la Délégation de Mayotte à Paris (DMP) du conseil départemental et ses partenaires, portait cette fois sur le thème « Trouver le bon job à Mayotte-Entre méfiance et motivation ». Un genre d’initiative indispensable, « pour faire connaître aux jeunes les offres qui s’offrent à eux, valoriser leurs talents et les attirer à Mayotte », indiquait en préambule Daoud Saindou Malide, 6ème VP chargé de la formation professionnelle.

L’état des lieux qu’avait dressé l’INSEE sur le taux de qualification très faible à Mayotte, a été rappelé : 71% de la population n’a aucun diplôme qualifiant, un habitant sur trois n’a jamais été scolarisé, le taux d’illettrisme et d’analphabétisme avoisine les 50%, et parmi eux 48,5% sont des jeunes de 16 à 18 ans.

Première conclusion, apporter des compétences au sein des enseignants du 1er degré, relevait le directeur du CRIJ (Centre Régional d’information jeunesse), Nassor Mohamed : « Il est nécessaire de penser au corps des métiers d’enseignant qui a besoin des professeurs d’école pour faire progresser la maîtrise de la langue française que ce soit, au sein de l’enseignement général ou professionnel ». Et dans d’autres métiers périphériques, dans le périscolaire, comme animateur, agent de restauration collective, chauffeur, etc., « sans oublier les postes à responsabilité intermédiaire comme coordinateur d’équipe, des réseaux…

Une partie des participants au webinaire sur l’emploi de la DMP

De réelles possibilités d’évolution de carrière à Mayotte

De nouveau est pointé du doigt le déficit de qualification dans les organismes de Formation Professionnelle, ce qui rend ces derniers « incapables d’émarger sur les budgets européens faute d’ingénierie interne ». Surtout que la loi leur donne davantage de champs d’action, nous avions traité le sujet avec l’accompagnement du CREFOP. Le conseil départemental s’est engagé à pallier ce manque en aidant à la mise en place des formations de FPA (Formateur Professionnel des Adultes).

Les nouveaux diplômés en recherche d’emploi sont invités à devenir des formateurs professionnels ou des conseillers en insertion professionnelle, ou encore à s’investir comme gestionnaire de collectivités locales et dans les corps de métier de responsabilité intermédiaires.

Le manque de compétences sur le marché du travail à Mayotte touche de multiples secteurs, indiquait Yassine Ali Mari, Consultant en recrutement chez Randstad Search Mayotte, qui précise que les employeurs recherchent du personnel qualifié dans les métiers d’expertise, d’encadrement, notamment intermédiaire. Dans sa démarche d’accompagnement au retour de « talents » sur le territoire, Randstand Search travaille avec les sociétés pour mieux former le candidat à répondre aux besoins du recruteur.

Les raisons de revenir décrocher un job à Mayotte sont nombreuses, soulignait Namoure Zidini, Directeur et recruteur chez MAESTRIA recrutement, qui évoquait les réelles possibilités d’évolution de carrière ou de reconversion professionnelle à Mayotte, le dynamisme économique du territoire dans sa région, dans le BTP, le social, la santé notamment, mais aussi le projet gazier dans le Mozambique, l’allongement de la piste longue de l’aéroport de Mayotte…

Face à l’insécurité… se former à la sécurité

Les motivations d’un retour

Mayotte est ainsi vue comme « une terre d’opportunités, de défis, qui garantissent à tous ceux qui s’investissent actuellement, un ‘vrai gain de compétences, de connaissances, d’expérience’ qui n’ont rien à envier au reste du globe. » Une vérité qui a du mal à être perçue en raison de l’image que donne les faits de violence et de délinquance. En réponse au problème de l’insécurité « qui peut sérieusement freiner l’envie de s’installer à Mayotte, pourquoi ne pas envisager de former également dans les métiers de la sécurité (forces de l’ordre) et créer de l’emploi ? »

L’action menée par la DMP est conditionnée sur place au dynamisme de l’interlocuteur des jeunes en recherche d’emploi, la Mission locale. Toujours vue comme une structure enregistrant des jeunes faiblement qualifiés, elle va devoir changer son image, « on y trouve aussi des étudiants ayant jusqu’à un master 2 », se justifie son directeur adjoint.

Une enquête avait été menée lors de l’inscription au webinaire #Mayottejobs2. Sur les 84 personnes qui se sont inscrites, il s’agissait principalement d’étudiants en fin de cursus avec de la famille à Mayotte. La première indication sur la motivation à rentrer travailler sur le territoire, c’est la famille. On ne sait trop à travers ce compte rendu si c’est une obligation familiale ou un rapprochement de cœur, les jeunes diplômés ayant souvent du mal à trouver leur place entre tradition familiale et modernité. Un sujet qu’il va falloir aborder sous ses deux angles.

Les domaines de compétence et les secteurs d’emploi recherchés relèvent prioritairement des secteurs du tourisme, du sport, des ATSEM et du secrétariat.

Mission locale
La mission locale accueille tout niveau de qualification

Si rejoindre la famille est apparemment la 1ère motivation, le 1er repoussoir est l’insécurité, à 30% des sondés. Une crainte qu’il faut dépasser si l’on veut construire le territoire qui en vaut le coup. Après tout, celle qui écrit ces lignes y habite depuis 15 ans. Et ceux qui, sur les réseaux sociaux, ternissent un peu plus l’image d’une île qui n’en a pas besoin, le font souvent depuis une terrasse de café parisienne ou bordelaise, l’enfonçant un peu plus. Toute action positive comme ce webinaire, est donc bonne à prendre.

Autre incitation au retour, la possibilité élevée de décrocher un travail, les diplômés n’ont pas trop de problème pour cela à Mayotte puisque pour rappeler les chiffres de l’INSEE, 55 % des titulaires d’un CAP ou d’un BEP ont un emploi et 81 % des diplômés de l’enseignement supérieur.  Viennent ensuite la qualité de vie et le salaire comme attractivité de l’île.

Morale de l’histoire, si comme le dit le forum, « la difficulté à trouver du travail à Mayotte est la même que partout ailleurs », seule la ténacité paie : « Il faut être au bon endroit au bon moment. Il faut surtout se rendre visible pour intéresser les employeurs. Les employeurs et les recruteurs scrutent constamment les profils recherchés. Il vous faut assaillir les plateformes de recrutement (Indeed, Apec, Pôle emploi…), se servir des réseaux sociaux et notamment LinkedIn, penser à mettre à jour vos profils et rester en veille avec des alertes et mots clés. »

A.P-L.

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