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Black-out électrique : de la réaction en chaîne aux solutions durables

La coupure EDM de lundi matin était une première depuis décembre 2020. Un black-out peu fréquent donc mais qui interroge. EDM a bien identifié la cause, et va désormais s'atteler à empêcher que ça se reproduise. Une meilleure communication aux usagers est aussi dans les tiroirs.

« Nous sommes désolé mais la coupure de courant ne nous permet pas d’ouvrir dans les temps. Si vous souhaitez commander pour demain, nous serions à votre disposition ». Pour ce restaurant des Hauts-Vallons, la coupure de courant survenue le matin de la St Valentin a eu un impact considérable. Heureusement, ce genre de situation reste rare à Mayotte, malgré une insularité qui rend le réseau plus fragile qu’en Europe continentale. Le directeur d’EDM, Claude Hartmann, revient avec nous sur les causes qui ont entraîné cette coupure sur toute l’île. Un black-out qui, pourtant, a failli ne pas avoir lieu.

Identifiée dans la soirée, la panne est partie du parking de Jumbo Score, où un poste électrique, chargé de transformer l’électricité des panneaux photovoltaïques du parking a subi un court-circuit. Résultat du choc électrique violent, le poste privé de 20 000V a « volé en éclat ». « C’est en allant de poste à poste qu’on a fini par trouver l’endroit qui a explosé » indique le directeur. Pourquoi cet incident ? « Peut être à cause de l’humidité, ou d’un défaut de matériel, l’histoire nous le dira puisqu’il devra être réparé, on en saura plus sur les causes d’origine » poursuit-il. En tout cas, l’événement, survenu peu après 8h, allait générer des conséquences en cascade. Première raison à cela, la proximité de ce poste avec le « poste source » de Kawéni. Pour bien comprendre, l’électricité, produite à Longoni par 7 générateurs, est envoyée en 90 000 volts vers Kawéni à l’est, et vers Sada à l’ouest, où des postes relais transforment le courant très haute tension en 20 000V, prêt à être distribué au plus près des consommateurs. En d’autres termes, « Le 90 000 ce sont des autoroutes, le poste source, c’est le point de départ des routes plus modestes qui irriguent toute l’île en 20 000 volts. »

« Quand un appareil fait un court circuit à la maison un fusible saute. Sur le réseau 20 000V, c’est un peu la même chose sauf que l’énergie nécessaire pour supprimer le court circuit est très importante, le court circuit est violent, et il l’est d’autant plus qu’on est près d’un poste source » indique le responsable. C’est la proximité de la panne avec le poste source qui allait plonger l’île dans le noir.

De la gestion « normale » à la réaction en chaîne « imprévue »

En effet, si le système de disjoncteur a fonctionné « tout à fait normalement » à l’échelle du quartier, c’était sans compter sur la capacité de production limitée de Longoni pour relancer le réseau.

« Sur une île, on n’a pas une puissance de production infinie. En France, le réseau est alimenté par toutes les centrales, un court circuit n’a presque aucun effet sur la production. On le ressent à peine. Sur une petite île avec seulement 7 groupes électrogènes, on ressent davantage l’à-coup et pendant quelques millisecondes ces groupes vont produire énormément d’énergie. Et on se retrouve un réseau qui n’est plus en équilibre » résume Claude Hartmann. Pour empêcher la panne générale, EDM a alors délesté plusieurs clients à 8h15, ce qui a semblé fonctionner.

« Pour fabriquer l’électricité, on a 2 centrales (Longoni et les Badamiers en Petite Terre NDLR) avec des gens au poste en permanence qui sont responsables de l’équilibre entre l’offre et la demande. Il faut que ce qui est produit corresponde exactement à la demande. On a vu peu avant la coupure que les lampes ont baissé un peu, c’est l’à coup de 8h15. C’est la cause qui a ensuite été mal gérée par nous » admet le directeur. La reprise après 8h15 « est resté fragile et on n’a pas réussi à sauver le réseau » déplore le directeur. Un quart d’heure plus tard « les 7 machines tournantes se sont arrêtées successivement. A 8h32 toute l’île se retrouvait sans courant ».

Toutefois cette réaction en chaîne n’est « pas une fatalité » assure-t-il. « On a des analyseurs partout, le but du jeu c’est que ça ne se reproduise pas (…)C’est vraiment une panne et c’est à nous EDM de faire en sorte que ça arrive le moins possible, c’est clairement technique, imprévu, il n’y a pas de fatalité. »

Outre la gestion de la production en temps réel, des solutions techniques sont en cours de déploiement. Deux batteries puissantes doivent être installées, dont la première, fournie par la société Total Energies, est déjà présente sur l’île. De quoi apporter « de la stabilité » au réseau en cas de nouvel incident.

Par ailleurs, un huitième générateur est également dans les cartons. « C’est prévu dans la programmation pluriannuelle de l’énergie à l’horizon 2028 » précise le directeur d’EDM.

« La pédagogie en matière d’électricité est importante »

EDM, Mayotte
Claude Hartmann

Ensuite, le directeur, féru de technologies, souhaite mieux informer le public en cas d’incident, à l’image de ce qui se fait tant bien que mal dans d’autres entreprises, notamment de télécoms.

« Il faudrait sûrement mieux informer en externe. La pédagogie en matière d’électricité est importante. On a créé hier une cellule de communication vers les élus des 17 communes, mais il faut qu’on aille plus loin, en médiatisant l’information, il nous faut être plus communicants. Pourquoi pas une appli ou un site, on doit pouvoir s’améliorer, on va s’en occuper, il faut évoluer, je cherche à être plus proche de mes clients, on est des techniciens, on doit apprendre à plus parler pour informer tout le monde ».

Après des heures sombres, au propre comme au figuré, le directeur souhaite saluer le travail des équipes mobilisées une grosse partie de la journée.

« Il faut tirer le chapeau à ceux qui ont contribué à remettre le courant, ça prend du temps car il ne faut pas qu’on fasse de faux pas, l’électricité peut être dangereux, on ne peut pas improviser. J’ai trouvé hier qu’EDM s’est mobilisée et bien comportée après la panne, je voudrais leur rendre hommage. La qualité de l’électricité de Mayotte est de même qualité que les autres îles ou des campagnes françaises. Nous avons des réseaux enfouis, très résilients aux aléas météos. Nous n’avons pas été bons hier sur le déclenchement, mais meilleurs sur la réparation. Mayotte n’a pas à rougir de la qualité de son électricité ».

De nombreux branchements illégaux dans l’île

Reste à lutter en parallèle contre les comportements inadaptés qui peuvent également générer des pannes. Celles-ci peuvent venir des opérations de BTP, même si la loi et les procédure prévoient un travail en amont entre les responsables de travaux et EDM.

« Ce qui arrive c’est des arrachements de câbles lorsque des entreprises font des travaux. La loi est respectée, les grandes entreprises font toujours des déclarations de travaux auprès des opérateurs. Encore faut il que le conducteur de la pelle ait été informé de la présence du câble » indique Claude Hartmann qui pointe plus « une question de management et de formation des équipes » que de respect des règles par les entrepreneurs. Les cas restent donc marginaux. Autre souci potentiel, le vol d’électricité. Si ce phénomène concerne plutôt les lignes basse tension, ce qui « ne doit pas générer de défaut sur le grand réseau », il est déjà arrivé « que des voleurs se trompent de câble et commencent à attaquer la haute tension avec la scie à métaux, ça finit très mal… mais c’est rare ».

Peu d’impact matériel

Ceci étant, la panne de lundi a eu peu d’impact matériel selon les premières constatations d’EDM.

« Une cellule de crise a été montée par la préfecture au COD, avec la SMAE, le rectorat, l’ARS, il n’y a pas eu de difficulté majeure, car la plupart des installations, hôpitaux, aéroports, groupes froids de magasins, tout cela est secouru par un groupe électrogène intégré dès la construction » indique le directeur de l’entreprise. Parmi les clients particuliers, la société s’attend à des réclamations concernant des surgelés ou des appareils endommagés, mais là encore le risque est minime. « On gérera les demandes, c’est quelque chose qu’on sait faire, on a le temps de coupure de tout le monde dont on peut vérifier les déclarations. Mais en 3 ou 4h il n’y a aucune raison qu’un congélateur se fatigue » précise-t-il. En métropole, un congélateur est conçu pour garder le froid environ 24h en cas de coupure de courant. A Mayotte, EDM estime que la chaleur ambiante tend à réduire cette autonomie par deux. Pas de quoi transformer donc les cornets de glace en smoothie. A condition de garder frigo et congélateur bien fermés.

Y.D.

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