Depuis ce lundi, le pass vaccinal remplace le pass sanitaire ici comme sur le reste du territoire national, hormis la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Chaque préfet décidait de la date optimum pour son territoire en Cellule Interministérielle de Crise. A La Réunion et à Mayotte, il est mis en place ce lundi à l’unisson du national. Deux territoires qui se distinguent des Outre-mer par une bonne progression de la vaccination, toutefois à relativiser à Mayotte sur la dose de rappel. Mais sa jeunesse va doper les stat.
Si prés de 47% de la population avait jusqu’au 15 janvier un schéma vaccinal complet sur l’île, seuls 7% ont effectué leur dose de rappel au 18 janvier 2022, et possède donc un pass vaccinal ce lundi. 7%, c’est peu. Mais à y regarder de plus prés, la situation est moins catastrophique. Si les moins de 18 ans tirent les statistiques vers le bas pour avoir peu fait leur dose de rappel, non obligatoire pour eux, les moins de 16 ans ne sont pas non plus obligés de détenir un pass vaccinal. Ils représentent à Mayotte un peu moins de la moitié de la population (INSEE). Donc environ 45% de la population n’est pas soumise au pass vaccinal.
D’autre part, de nombreuses personnes ont été contaminées lors de la dernière vague, et présentent un certificat de positivité récent, c’est le cas de 13.000 malades du 20 décembre 2021 au 16 janvier 2022 (Chiffres compilés de Santé publique France), soit 4,6% de la population.
Enfin, le taux moyen de 7% de dose de rappel de santé publique France, cache des disparités de tranches d’âge. Ainsi, les 50-65 ans sont vaccinés à plus 30%.
S’il est compliqué de calculer le taux de population détentrice d’un pass vaccinal, comme cela a été fait à l’échelle du pays (52,5 millions de français l’ont), les cinés, bars et restaurant ne vont heureusement pas voir localement leur chiffre d’affaires assuré par seulement 7% de la population. Ils vont néanmoins accuser le coup.
Ceinture pour les réfractaires de la 3ème dose
Le pass vaccinal est exigé pour tous les plus de 16 ans dès ce lundi, pour accéder aux activités de loisirs, dont les cinémas, aux restaurants et débits de boissons (à l’exception de la restauration collective), aux foires, séminaires et salons professionnels et aux transports publics interrégionaux, dont les avions.
Nous avons contacté Air Austral à ce sujet, qui explique qu’il n’y a rien de changé en matière de condition de vol, donc pas de pass vaccinal : « Nous restons sur l’application du pass sanitaire et tests, avec une dérogation pour les voyages pour motifs impérieux soumis également aux tests ».
Concrètement, l’ensemble des Français de 16 ans et plus devront justifier d’un schéma vaccinal complet, c’est à dire deux vaccinations et un rappel, ou une infection, une vaccination et un rappel. Un test négatif au Covid-19 (PCR ou antigénique) ne suffira plus. Le pass vaccinal pourra être présenté sur l’application TousAntiCovid où il sera automatiquement modifié, ou sur papier. Ceux qui feront leur première dose de vaccin avant le 15 février prochain pourront obtenir un pass vaccinal, sous condition.
A Mayotte où le couvre-feu est maintenu jusqu’à 20h, et à 22h pour les clients de restaurant, le pass vaccinal est donc exigé depuis ce lundi 24 janvier.
Du côté des restaurateurs, cela ne va pas changer grand chose sur le plan technique, mais en terme de fréquentation, si. Charles-Henri Mandallaz, président de l’Union des métiers de l’Industrie et de l’hôtellerie (UMIH) se confie : « A part remettre à jour notre application TousAntiCovid Verif pour scanner le pass, cela ne va pas nous demander d’implication particulière. Par contre, nous allons perdre des clients, tous ceux qui sont réfractaires à la 3ème dose. »
30% de chute de recette avant l’application du nouveau pass
Pour contrer les fraudes aux pass, le gouvernement a incité les professionnels de l’hôtellerie et restauration à effectuer un contrôle « optionnel » de l’identité du client en cas de doute. Comme beaucoup de ses collègues en métropole, le gérant de L’orient Express n’ira pas jusque là : « Nous ne sommes pas là pour faire le travail de la police. Ce n’est pas le rôle des associations de professionnels que de contrôler nos concitoyens. Sur quoi se baser ? Ça sera à la tête du client ? Ça me pose un problème de risque de discrimination. »
Tous les restaurateurs ne demandaient pas le pass sanitaire, souvent parce que ils connaissaient leurs clients qui l’avaient présenté auparavant, « mais pas toujours. Il y a une partie de la profession qui n’a jamais suivi les consignes, et je ne parle pas que des brochettis. Et le comble, c’est que ceux qui jouent le jeu sont les plus contrôlés. » Donc pas sanctionnés, mais le sentiment d’injustice demeure.
Des mesures mises en place pour éviter la fermeture des restaurants. Mais selon le professionnel, le rapport gain/perte est négatif, « nous avons perdu environ 30% de clientèle. Les gens en ont marre de présenter des documents. Surtout que je tiens à dire qu’à Mayotte, aucun restaurant n’a eu de cluster ».
Une situation boiteuse
Une perte de chiffre d’affaires néanmoins compensée, « l’Etat a réactivé les aides suite au couvre-feu, avec l’activité partielle et le fonds de solidarité. Mais la situation est pire qu’en 2020. Nous ne voulons pas d’aide, nous voulons juste bosser. Mais là, on nous laisse travailler sur une jambe. Nous boitons, sans avoir la totalité des aides. » La situation est tronquée avec le couvre-feu à 20h, avec une population qui sort peu actuellement et qui ne profite donc pas complètement de l’autorisation jusqu’à 22h en cas de dîner au restaurant.
De manière plus globale, Charles-Henri Mandallaz s’interroge sur les bienfaits des mesures axées sur le vaccin : « Dans la même salle voire la même table, je peux avoir une personne vaccinée, porteuse du virus sans le savoir, et un jeune de moins de 16 ans détenteur d’un test antigénique négatif, le premier contaminant le second. »
Il appelle à recouvrer notre liberté, « on ne peut pas nous mettre en permanence dans une bulle sécurisante ». Le président de l’UMIH espère déjà voir se rapprocher une date, « celle de l’abandon de tous ces pass ». La date du 31 juillet 2022 avait été avancée par la loi du 10 novembre 2021 pour le pass sanitaire transformé en pass vaccinal.
Anne Perzo-Lafond