A la dernière minute de l’examen du projet de loi ce jeudi 13 janvier, le président Ben Issa Ousseni signait son avis défavorable au projet de loi Mayotte en l’annexant d’une « demande réitérée d’un projet de loi programme pour le développement économique, social, et sanitaire », à l’invitation du député Kamardine et avant lui, des conseillers départementaux d’opposition qui craignaient qu’un veto non argumenté s’apparente à un caprice vu de Paris. Une mention qui permet de rester dans la course, mais ça c’est le gouvernement qui va en décider.
Pour tenter de sauver in extremis ce qu’ils considèrent comme « une opportunité unique pour Mayotte », les maires, par la voix de leur président Madi Souf, qui avaient livré un avis favorable au projet de loi, ainsi que Thani Mohamed Soilihi, Ramlati Ali et Hassani Abdallah, trois parlementaires du parti présidentiel, soutiennent la démarche initiée par l’Etat, et le font savoir : « Pensé pour moderniser le département et tracer le chemin vers l’égalité républicaine, ce projet permet de répondre par l’action aux préoccupations des mahoraises et des mahorais s’agissant notamment de la lutte contre l’immigration clandestine, du renforcement de l’offre de soins, de l’extension des minimas sociaux et de la modernisation des institutions ».
S’ils rappellent que ce projet est le fruit d’une co-construction avec les élus locaux et parlementaires, chefs d’entreprises, responsables associatifs et citoyens en mai 2021, ils se disent « conscients qu’un certain nombre de points du texte restent à approfondir », et regrettent que d’autres comme l’alignement des droits sociaux, le déplafonnement de la retraite, de nouveaux moyens en fonctionnement et en investissements pour les policiers municipaux Mahorais, ou la suppression des titres de séjour d’exception, « n’aient pas été retenus ».
Des « postures politiciennes »
Nous avions reproché à certains élus de ne pas avoir su résister comme Ulysse aux sirènes de de la vox populi, les maires et les trois parlementaires parlent eux de « postures politiciennes », alors que l’intention est là, disent-ils, « dix ans après la départementalisation, ce projet permet de sortir d’une certaine inertie antérieurement observée ».
Ils appellent à se baser sur le document envoyé tardivement des 85 propositions pour développer Mayotte, dont nous nous sommes fait l’écho, « tout ne passe pas par la loi », en demandant que la nouvelle génération du Contrat de convergence et de transformation (CCT) de Mayotte « permette d’accompagner financièrement la mise en œuvre des ambitions prévues par la loi ». Signé en 2020, il se monte à 1,6 milliard d’euros pour Mayotte.
Chacun est prié de faire son mea culpa dans cette demande de compromis qui fait écho à une partie des critiques du Conseil économique et social : au gouvernement en dévoilant un calendrier de mise en œuvre des mesures et en tenant compte, comme l’a demandé le conseil départemental, des propositions formulées par l’ensemble des élus, et au conseil départemental de réexaminer le projet de loi sous l’éclairage notamment des « 85 solutions opérationnelles pour Mayotte ».
Le projet de loi organique, dont nous maintenons qu’il est un grain de sable dans l’engrenage, n’est mentionné qu’à travers la volonté affichée d’une « modernisation des institutions ».
Prêchant pour leurs paroisses, les maires demandent enfin une dotation à la hauteur des enjeux exceptionnels de l’île (chômage, immigration, etc.).
Seront-ils entendus alors que le texte devait passer le 2 février en conseil des ministres, comme nous l’a appris notre confrère Patrick Roger du Monde ?
Anne Perzo-Lafond