Si l’éruption du Piton de la Fournaise s’est arrêtée ce lundi, d’autres attraits s’offrent aux amateurs de randonnées dans l’île Bourbon. Idem, les opérateurs de balades sur le lagon ou de plongée à Mayotte accueillent en continu les touristes, notamment réunionnais, et il faut s’y prendre à l’avance pour réserver. C’est que la liaison entre les deux îles française de l’océan Indien n’a jamais été aussi prolixe en moyens aériens.
La compagnie historique Air Austral continue ses liaisons quotidiennes entre Dzaoudzi et Saint-Denis au moyen de son A220-300 de 140 sièges, acquis cet été. Elle fut d’ailleurs la 1ère en France à effectuer les dessertes avec cet appareil.
Sa filiale mahoro-réunionnaise Ewa Air a de son côté inauguré en décembre la liaison vers La Réunion, grâce à son nouveau Boeing 737-800 sorti de la flotte d’Air Austral, et relooké. Une large gamme tarifaire (5 tranches), permet de proposer quasiment du low cost avec des prix allant de 129 à 410 euros en aller-retour Mayotte-Réunion. Un positionnement qui est également stratégique au moment où l’émergence d’une compagnie locale, Zena, était annoncée à Mayotte par les frères Novou qui visaient Pierrefonds. C’est pour l’instant Ewa Air qui relie cet aéroport du sud de La Réunion.
Enfin, Corsair International qui s’était repositionnée sur Mayotte en 2020 avec un A330neo, avec escale à La Réunion. Mais cela fait quelques temps que le logo de la compagnie n’a pas été aperçu sur le tarmac mahorais. Car elle a fait le choix d’affréter d’autres compagnies, dont la croate ETF Airways et pendant un temps, du 7 au 20 décembre 2021, Ewa Air. Nous avons sollicité son directeur général, Ayub Ingar, pour un décryptage sur cette avalanche de liaisons : « Corsair était en pourparlers avec ETF avant de nous solliciter. La formation nécessaire de leurs pilotes à la courte piste de Mayotte, les a incité à avoir recours à nos services ». En janvier, ETF avec son rustique B737 de 189 places, a donc repris les liaisons, mais Ewa pourrait reprendre le marché à plus long terme. « Nous avons été démarché pour effectuer la liaison vers Saint-Denis à partir de février, en continuité avec le vol Corsair depuis et vers Paris », rappelle Ayub Ingar. Qui effectuera donc la liaison à la fois pour son compte, et à la fois pour celui de Corsair.
Des appareils modernes, mais la piste toujours trop courte
On a peu de chance de revoir Corsair toucher Mayotte autrement qu’à travers un partenariat actuel. Selon nos informations recueillies à bord d’un des derniers vols de l’A330 Neo, la configuration de la piste ne serait pas adaptée à cet appareil, qui a du procéder à trois demi-tours vers La Réunion en période de fortes pluies.
Ewa Air, filiale d’Air Austral ancre donc son partenariat avec le concurrent Corsair, dans un contexte de rapprochement entre les deux grands, Air Austral et Corsair, un « joint venture » (association entre les deux entreprises) étant dans l’air. Il s’agit donc d’une sorte de mariage dans l’arrière-cour pour l’instant. Trois compagnies qui en réalité pourraient virer monocéphale ! Contactée par le JDM sur l’évolution du dossier, Corsair nous a indiqué ne pas souhaiter faire de commentaire.
C’est qu’une autre compagnie s’invite au feuilleton aérien. En novembre dernier, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt glissait que le rapprochement entre Corsair et Air Austral n’était qu’une « option », c’est que Marc Rochet, directeur général d’Air Caraïbes a indiqué être ouvert à un rapprochement avec la compagnie réunionnaise en difficulté financière.
Une clientèle « sac à dos »
L’avalanche d’offres sur la ligne Réunion-Mayotte est en tout cas inédite. Et se fragilise en basse saison que nous connaissons actuellement. « C’est pour cela que nous avons revu à la baisse le rythme de desserte, avec deux vols par semaine sur Saint-Denis, et deux sur Saint-Pierre », explique toujours Ayub Ingar. Et les prix ?
Il assure conserver un bon taux de remplissage, notamment grâce à l’offre tarifaire intéressante, « je la maintiens, car j’ai une clientèle ‘sac-à-dos’ intéressée, des jeunes qui veulent découvrir La Réunion le temps d’un week-end à un prix abordable. Ce qui me permet d’avoir 70% du coefficient de remplissage moyen à cette époque. Ce lundi, 110 passagers occupaient l’avion de 183 sièges, ils seront 95 au retour. »
D’autre part, cette convergence vers La Réunion a réduit considérablement le nombre de vols directs Mayotte-Paris. Seule compagnie à le pratiquer puisque Corsair escale systématiquement à La Réunion, Air Austral ne le propose plus que le dimanche soir au départ de Mayotte ou le samedi en journée, et le mercredi et le samedi soir au départ de Paris, le reste du temps, il faut compter une escale de plusieurs heures à La Réunion.
Seule la concurrence est amenée à faire bouger les lignes, mais sur un direct vers Paris, peu se risquent à user leur train sur les 1.900m de piste.
Anne Perzo-Lafond