On les aurait presque oubliés, ces séismes. Après avoir laissé la population en état de choc en mai et juin 2018, le phénomène sismo-volcanique qui a donné lieu à la découverte d’un formidable volcan sous-marin à 50km à l’est se poursuit (presque) en silence.
En effet, s’il n’y a pas eu en décembre de mission en mer permettant de confirmer que l’éruption reste active au large, les relevés sismologiques confirment pas moins de 340 séismes, dont 5 VLP (très longue période) qui sont évocateurs d’un mouvement de fluides dans les entrailles de la Terre. Selon le rapport scientifique, la dernière preuve « sans équivoque d’activité éruptive » remonte à janvier 2021. Mais les séismes apportent chaque mois la preuve que le phénomène reste digne d’intérêt pour les scientifiques.
« Les scientifiques restent mobilisés pour analyser et interpréter la multitude de données acquises au cours des derniers mois à terre et en mer. Compte tenu de l’absence d’observation de volcanisme historique et du peu de connaissance sur le fonctionnement de la ride NO-SE, de plus de 50 km de long, qui s’étend de Mayotte à la zone volcanique sous-marine active, une incertitude significative existe quant à l’évolution de cette éruption » note le rapport mensuel.
Le point rassurant, c’est que le déplacement -considérable- de l’île lié à cette éruption sous-marine semble s’être stoppé. Mayotte a, depuis 2018, fait un bond de 21 à 25cm vers l’est, et s’est enfoncée de 10 à 19cm, la côte est s’étant davantage enfoncée que la partie ouest de l’île. « Depuis fin 2020, les déformations sont devenues négligeables » souligne le rapport.
Des réponses… Et des questions
Le phénomène a, depuis 2018, donné lieu à de nombreuses campagnes de recherches, et plusieurs sont toujours en cours en laboratoire notamment. L’étude bathymétrique des fonds marins a permis de révéler de nombreux cônes volcaniques, signes d’une activité relativement récente au fond de la mer. Comprendre par là, des éruptions postérieures aux dernières éruptions à terre (notamment celles de Petite Terre), mais sans doute datées de quelques centaines à quelques milliers d’années. Ces traces d’éruptions suivent une ride vers l’est, et le nouveau volcan, édifice exceptionnel de 800m d’altitude (mais situé à plus de 2400m de fond) en marque l’extrémité.
Ces données éclairent sur l’histoire récente de la géologie de Mayotte.
Les relevés ont aussi mis au jour des sorties de fluides plus proches de Petite Terre, sans doute gazeux, et qui font l’objet de recherches. Il pourrait s’agir de poches de gaz emprisonnées depuis ces éruptions récentes, libérées par les séismes dus au nouveau volcan.
Le phénomène a aussi remis en lumière les dégasages observés depuis 1998 sur les plages de Petite Terre. Ces gaz font eux aussi l’objet d’analyses poussées, mais ni leur température ni leur composition (principalement du CO2) ne permet de les relier directement à l’éruption en cours.
Autant dire que les découvertes scientifiques n’ont pas fini de tomber, et que les géologues et autres spécialistes ne manquent pas de boulot. L’Etat de son côté se base sur leurs recommandations pour s’adapter en termes de sécurité civile : les communes ont remis à jour leurs plans de sauvegarde, des sirènes ont été installées et des plans d’évacuation définis en cas de tsunami.
« L’analyse de toutes les données acquises depuis le début de l’activité sismo-volcanique en mai 2018 et en cours d’acquisition nécessite des travaux approfondis pour améliorer l’évaluation des aléas et des risques induits (sismique, volcanique, tsunami) pour Mayotte. Le programme d’étude est actualisé et renforcé au vu des nouveaux éléments de connaissances apportés par ces analyses » indique en effet le rapport.
Hasard du calendrier géologique, ce phénomène -rien de moins qu’une des plus grosse éruptions sous-marines jamais observées par l’Homme-, coïncide avec une période de forte activité du Piton de la Fournaise, dont l’observatoire sert de base arrière au Revosima, qui surveille notre volcan mahorais. Au vu du spectacle qu’offre le Piton de la Fournaise plusieurs fois par an, et du potentiel touristique qui en découle, on ne peut qu’espérer que notre édifice sous-marin saura être, lui aussi, une source d’attractivité à terme.
La fascination qu’il suscite essaime dans les universités du monde entier. De là à en faire commerce, il n’y a souvent qu’un pas.
En attendant, afin de rendre les informations accessibles à tous, des plaquettes simplifiées et en langue locales ont été éditées.
Y.D.