27.8 C
Mamoudzou

Un père veut se faire justice soi-même avec un pistolet à grenaille et prend huit mois avec sursis

Il est des affaires qui illustrent à merveille l’état d’esprit d’une communauté. À Mayotte, victime de trop nombreux faits de délinquance depuis plusieurs années, c’est l’angoisse qui domine, que ce soit chez les pompiers, les automobilistes, les élèves, ou leurs parents. C’était le cas pour A.A., qui comparaissait hier au tribunal judiciaire de Mamoudzou pour port prohibé d’arme, violence avec usage de cette arme, et menace de mort. Dans la moiteur poussiéreuse de Kawéni, le petit homme d’une cinquantaine d’années se présentait à la barre avec un sac à dos à l’épaule droite, son embonpoint caché sous sa chemise en jean bleue. Il ne paie pas de mine, pourrait-on se dire en le voyant.

Menaces de mort entre parents

Et pourtant, le 19 novembre 2019, l’enseignant apprend que l’un de ses dix enfants s’est fait frapper à Longoni. En revenant chez lui, il pose des questions à l’un des proches de l’agresseur, K.S., 16 ans au moment des faits, qu’il décrit comme « violent » et se baladant « toujours avec des machettes ». Si on ne sait lequel des deux hausse le ton, une chose est sûre : A.A. gifle la bouche du jeune homme, qui parvient à s’enfuir. Le lendemain, le père de famille se rend chez I.H., la mère de K.S., pour lui raconter ce qu’il s’est passé… Et la menacer.

Crosse beige, canon noir, c’est un pistolet à grenaille chargé qu’A.A. sort de sous son t-shirt. « Il m’a dit que si mes enfants ne se tenaient pas tranquilles, il les corrigerait à sa manière », déclare I.H. aux gendarmes. « Si ton fils frappe le mien, je le tue, et je te tue après ! », aurait-il ajouté, arme au poing. Menaces de mort réfutées par le prévenu, bavard et affalé à la barre, comme pour se rapprocher des juges. Cependant, quand l’une d’entre elles lui demande ce qu’il en pense, presque deux ans plus tard, seul un long silence pèse sur la salle d’audience. « Si vous vous baladiez avec un sac, ou un paquet de cigarettes, là d’accord, ajoute un assesseur. Mais pourquoi une arme ? » « Comme ça », rétorque le prévenu sans se démonter.

La salle d’audience du tribunal judiciaire

« Mayotte, ça n’est pas le Far West »

Entre-temps, ce 20 novembre 2019, K.S. rentre du stade de Longoni pour aller chez sa mère. Quand A.A. voit le jeune homme, il sort le pistolet de son sac. Le lycéen fuit et se réfugie sur un toit. A.A. tire à deux reprises, en l’air selon lui, en visant son fils selon I.H. « Il a fait le tour pour me coincer, déclare K.S. aux gendarmes. Mais j’ai réussi à sauter sur un autre toit et à me cacher dans un champ. » Quand la brigade de Koungou arrive sur place, une trentaine de personnes sont sur place. Rapidement, A.A. leur remet son arme. « On peut être victime et se retrouver prévenu quand on veut se faire justice soi-même. Mayotte, ça n’est pas le Far West ! », peste le procureur.

Des paroles raisonnables parfois bien difficiles à assimiler pour la population mahoraise, « excédée, vivant dans un climat de panique », comme le rappelle Me Ekeu, ajoutant que son client n’a jamais eu l’intention de tuer quelqu’un. Le casier vierge d’A.A. et sa bonne situation sociale convaincront le tribunal à le condamner à huit mois d’emprisonnement avec sursis, 1000 euros d’amende et 15 ans d’interdiction de détenir une arme.

Axel Nodinot

Partagez l'article:

Les plus lus

Articles similaires
Similaire

Thani Mohamed Soilihi entre au gouvernement, « un honneur pour notre territoire »

Ce fut un coup de tonnerre ce samedi soir dans le ciel mahorais quand on apprenait qu’un natif de l’île était nommé Secrétaire d’Etat. Son nom circulait à chaque remaniement ministériel, cette fois, c’est fait.

Mouslim Abdourahaman ne sera pas candidat aux prochaines municipales

Un an après les élections sénatoriales de 2023, les comptes sont faits et parfois mal faits pour certains candidats. Ceux qui n’ont pas suivi le processus strict qui régit les candidatures s’en mordent les doigts au moment de la sanction par le Conseil constitutionnel. Deux ex-candidats mahorais sont concernés.

L’agenda loisir du week-end : les Journées Européennes du Patrimoine à l’honneur !

Les Journées Européennes du Patrimoine (JEP) sont à l’honneur ce week-end avec des visites historiques, des conférences, des découvertes gastronomiques et culturelles prévues dans tout Mayotte ! Pour les plus fêtards, des soirées DJ sont toujours organisées dans plusieurs bars-restaurants de l’île !

Comores : Une apparition publique du président Azali après l’attaque au couteau

Le chef de l’Etat comorien a présidé ce jeudi 19 septembre un conseil des ministres qui a lieu traditionnellement le mercredi. Azali Assoumani apparait en bonne forme, entouré de ses ministres, n’a pas définitivement renoncé à son déplacement à New York où il devrait assister à la 79éme Assemblée générale des Nations-Unies.
WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com