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«Décasages»: Moins d’actions ce week-end, mais un communautarisme grandissant

La PAF embarque des étrangers en situation irrégulière au ponton plaisance
La PAF embarque des étrangers en situation irrégulière au ponton plaisance

Alors qu’une marche aux allures punitives avait été annoncée à Kani-Kéli, une vingtaine de bouénis «seulement» se sont rassemblées, et ont défilé dans le village. Aucun délogement d’habitants illégaux n’aurait été constaté selon la préfecture et la Cimade.

La décision du tribunal administratif condamnant les «chasses aux clandestins» et enjoignant la mairie à interdire la manifestation, et la préfecture à agir, aura donc in fine porté ses fruits. Même si le maire n’a pas publié d’arrêté d’interdiction, mais le pouvait-il sur une manifestation qui ne s’était pas officiellement déclarée?

Toujours est-il que l’avocate des associations plaignantes, Cimade, Gisti et Secours Catholique avait rappelé la peine de 20 ans de réclusion encourue pour les délogeurs. De son côté, la préfecture nous annonce avoir mis les moyens, comme l’y contraignait la décision de justice: «Nous avons envoyé deux pelotons* de gendarmes mobiles, pour empêcher toute tentative de délogement», souligne la directrice de cabinet du préfet.

Retours volontaires d’étrangers en situation irrégulière…

La Maria Galanta assure les reconduites vers Anjouan
La Maria Galanta assure les reconduites vers Anjouan

En dehors de Kani-Kéli, des actions étaient prévues à Ouangani, Chiconi, Tsingoni et Mtsangamouji. Et elles ont eu lieu: «Deux bangas vides d’occupants ont été détruits» et Florence Guilbert-Bézart positive au regard des 40 bangas détruits la semaine dernière, et des 200 personnes «tous villages confondus» mobilisées par ces opérations, quand ce chiffre pouvait concerner un seul village le week-end dernier.

Un fléchissement des opérations de délogement, donc, mais ce sont malgré tout 184 personnes qui ont encore été «décasées», dont 83 étrangers en situation irrégulière, «et reconduits par la police aux frontières».

En effet, ce dimanche soir, une quarantaine de personnes étaient embarquées du ponton de plaisance, certaines coopérant pour leur retour sur leur île natale d’Anjouan. «Les retours volontaires ne signifient pas pour autant qu’ils sont en situation régulière», poursuit Florence Guilbert-Bézart, qui rappelle ces retours spontanés à cette époque pour fêter le ramadan en famille. Une sorte de rapprochement de leurs centres d’intérêt matériels et moraux.

Le ramadan pacificateur

La vie autour du point d'eau
Beaucoup d’enfants dorment encore sur la place de la République

La centaine de personnes «décasées» en situation régulière n’est pas remontée vers la place de la République, affirme la préfecture, corroborée par les associations sur place. Néanmoins, la Ligue des droits de l’homme dénombre toujours 84 adultes et un nombre impressionnant d’enfants, 328, qui ne seraient visibles que le soir puisqu’étant scolarisés le jour.

Des opérations qui devraient cesser avec l’arrivée du ramadan nous annonce-t-on, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’une ferveur religieuse avec un début de compassion pour son prochain, ou d’un risque d’épuisement en l’absence de prise de repas méridien. Peut-être la période sera-t-elle mise à profit pour une réflexion sur les voies légales à entreprendre. Et sur les motivations réelles de certains propriétaires qui décident de se faire justice après avoir profité de la situation.

Guerre intra-villageoise par démission des autorités

Celui qui signe sa lettre en se revendiquant «penseur», Allaoui Askandari, s’adresse en effet au maire de Choungui, avec copie au préfet et au procureur, pour le mettre en garde sur «les mouvements de certains individus parmi les populations des villages qui harcèlent et persécutent dans des conditions parfois inhumaines des personnes étrangères», dans son village natal. Des personnes «très proches» du maire selon lui, qui «continuent à employer des étrangers en situation irrégulière chez eux, ou ont fini d’en employer mais sans les rémunérer.»

Selon lui, le fait que le maire en soit averti, puisqu’ils auraient «déposé une liste avec leurs noms avant de passer à l’acte» en mairie, sans que l’édile n’intervienne pour les en empêcher, pire «qu’ils bénéficient d’une protection de la police », peut provoquer « une guerre civile intra-villageoise».

Une autre accusation vise certains imams: «Ces exactions non seulement obtinrent l’aval de certains imams, mais il se trouvent que ce sont eux qui donnent le tempo.»

Difficile de faire une meilleure démonstration de la faillite de l’état de droit, les premiers magistrats des communes ne parvenant pas à le faire respecter y perdent toute légitimité, même aux yeux de leurs propres électeurs. Il est temps comme le soulignait le communiqué de l’UDAF de faire intervenir un acteur qui incarne la raison.

Le cadi pourrait-il être celui-ci? Il faut faire vite, car la société manque de plus en plus de repères.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

*Deux fois 16 gendarmes

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