Un couteau contre sa petite amie: le procès en appel du drame passionnel de Chiconi

Ce lundi a débuté la 3e session de la cour d’Assises de l’année qui va durer 2 semaines. La première affaire, jugée sur 2 jours, est le procès en appel d’une histoire qui avait abasourdi le village de Chiconi.

ASSISESCARNET DES ASSISES DU JDM. «Ne pas faire appel, c’était trop dur. Je m’excuse auprès de (la victime) qui doit revenir au tribunal. Mais pour moi, accepter cette peine, c’était comme si je me foutais de ma vie.» En première instance, le prévenu a été condamné à 13 ans de réclusion criminelle pour tentative de meurtre. C’était il y a presque un an, le 25 septembre 2014 et le voici de retour au tribunal après avoir fait appel.

Son histoire est un dépit amoureux qui tourne au drame, un drame passionnel comme on en rencontre parfois dans les tribunaux. Le 15 novembre 2012, à Chiconi, le prévenu âgé alors de 22 ans se rend à l’arrêt de bus. Il sait que sa petite amie s’y trouve, elle va au lycée. Depuis deux ans, ces deux-là vivent une relation chaotique, tumultueuse, émaillée de nombreuses mais brèves séparations. Elle est âgée de 16 ans et leurs familles respectives ne voient pas d’un bon œil cette histoire d’amour qu’ils jugent prématurée.

Possessif jusqu’au pire

Mais le drame va se nouer autour du caractère possessif du jeune homme. Il est jaloux, terriblement jaloux… Un élément de sa personnalité avec lequel va jouer l’adolescente. Elle va le tromper à deux reprises. Et quand elle tombe enceinte, il l’accompagne pour un avortement sans savoir s’il est réellement le père de l’enfant.

Pourtant, ce 15 novembre, la situation est différente. La veille, elle lui a annoncé qu’elle le quittait. Par SMS. Et quand il voudra avoir des explications, elle le rejette d’un «va te faire foutre» sur lequel l’expert psychologue va longuement se pencher.

Deux jours d'audience, 13 témoins et 5 experts auditionnés à Mamoudzou ou par visioconférence
Deux jours d’audience

«Pour lui, ça voulait dire ‘tu ne vaux rien’», explique Corinne Acker, en visioconférence depuis Strasbourg. «Il se sent rejeté depuis toujours. Elle a pris les coups pour ce qu’elle a dit et pour tous les autres qui l’ont rejeté avant elle». L’expert va décrire son geste comme l’expression d’une rage, un homme «envahi par des émotions négatives qu’il n’arrive plus à contrôler. Il n’y a plus de limites, il est hors de lui-même.»

L’instinct de survie

Cette rage est d’autant plus forte que la jeune fille lui a annoncé son intention de se prostituer pour aider sa famille à vivre. Un des enquêteurs certifie que le prévenu a, à plusieurs reprises, affirmé qu’il voulait la tuer «pour qu’elle n’appartienne à personne d’autre.»

Il part de chez lui avec deux couteaux dans son sac mais il ne part pas à la campagne comme prévu. Il fait un détour par l’arrêt de bus. La jeune femme y est bel et bien. Il l’attrape par derrière et lui tranche la gorge. Elle s’écroule. Il lui donne alors un coup de couteau au niveau du sein gauche.

Elle parvient à se relever mais recevra de nouveaux coups, 7 au total, et trouve, malgré tout, la force de poursuivre sa fuite. C’est alors contre lui-même que le jeune homme retourne son arme. Il relève son tee-shirt et se poignarde à son tour, deux coups qui visaient le cœur mais qui seront assez superficiels. Tous les experts, dans une belle unanimité, parlent d’un geste théâtral, d’avantage un signe de culpabilité qu’une réelle envie de mettre fin à ses jours.

Une vie banale d’un mal-aimé

Assise salle des délibérationsTrois ans après les faits, le jeune homme immature semble avoir changé. Il fait du sport en prison et a gagné en muscles comme en assurance. Désormais, il sait se présenter et parler de sa vie sous un jour nettement moins inquiétant que le récit fait par les experts et les enquêteurs. Enfance heureuse, 9e d’une fratrie de 12 enfants, parents unis, scolarité arrêtée en 5e, deux histoires d’amour avant celle qui l’a conduit en prison… La vie assez banale d’un garçon timide et sans problème.

Mais les jurés ne pourront pas faire abstraction du sentiment de dévalorisation relevé par les experts, de ce besoin de prouver qu’il peut être un homme, qu’il peut être aimé et reconnu, ce mal-être qui l’a conduit à sa perte.

Il a fait appel pour tenter de diminuer la peine de 13 ans de prison à laquelle il a été condamné en 1ère instance. Me Andjilani qui le défend trouvera face à lui Me Ghaem qui veille aux intérêts de la victime. Elle a obtenu du tribunal que son témoignage se fasse à huis clos lors de la 1ère journée du procès. Après les réquisitoires et les plaidoiries ce mardi matin, le verdict est attendu dans l’après-midi.
RR
Le Journal de Mayotte

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