“La justice, c’est l’injustice équitablement
partagée.”
Maurice Chapelan
L'édito de BIM traite de l'actualité, souvent trop sérieuse, de manière décalée en essayant de mettre une lumière nouvelle sur des faits de société ou des personnages publics.
À l’époque où tout est question de sentiment, donc de perception, la Justice n’échappe pas à cette pondération sociale. Ces derniers temps, nous avons souvent entendu parler du sentiment d’insécurité, ainsi que du sentiment de submersion. Vous aurez bien compris que c’était une manière, à peine habile, mais quelque peu dissimulée de parler du rapport entre immigration et insécurité.
S’il y a bien un concept dans lequel la perception est naturellement présente c’est bien la justice. Le condamné pense que la peine est trop lourde ou inadaptée là où la victime pense que la peine est trop légère. Mais la perception des deux parties n’est pas celle qui prévaut. La perception sociale est celle qui détermine la valeur de la Justice, la justice doit être acceptée et comprise pour qu’elle puisse encadrer la société.
C’est à ce stade qu’on voit l’abus de langage. Car plutôt que de parler de justice, il convient de parler de jugement. L’absence de réel contre-pouvoir à une magistrature qui peut enjamber les souhaits de sa propre population, éloigne certainement et irrémédiablement la Justice et le jugement.
La Justice est universelle et suppose une réflexion philosophique construite, alors que le jugement est immédiat, brutal, et doit se conformer, d’une manière ou d’une autre, à des articles de lois. Les articles de lois ont des temporalités et des contextes figés, dans une société qui n’a jamais changé aussi vite. Cette dichotomie révèle les failles d’une société qui n’arrive plus à émettre des jugements en adéquation avec les faits réels.
C’est sur ce constat que certains pensent pouvoir conduire sans permis. D’autres se sentent légitimes à forcer des barrages de police. Les signes donnés par les magistrats ne permettent apparemment plus de décourager de telles conduites.
Mais qu’attend-on vraiment de la justice ? On imagine qu’elle doit être absolue. Mais l’absolu relève plus d’une conception philosophique que d’une gestion sociale. Or, la Justice, au sens populaire, n’est qu’une gestion sociale. Avant les tribunaux, ce rôle était assumé par l’église. Tu ne tueras point. Tu ne voleras pas. Tu ne porteras pas de faux témoignage ni ne mentiras… Etc
Le rôle des instances de la Justice est de faire fonctionner une société. Pour qu’une société fonctionne, il faut donner raison au plus grand nombre, sous peine de subir les foudres de la même société, ou d’en bloquer le fonctionnement. Si la société dérive vers un fonctionnement toxique, on mesure tout le paradoxe de la situation. Lorsqu’on atteint ce type de fonctionnement, on peut se demander si ce n’est finalement pas le révélateur de la fin d’un type de société, voire d’une certaine civilisation.
Toujours est-il que lorsque les jugements ne sont pas compris, ils deviennent stériles de tout enseignement pour encadrer une société. S’ils sont inadaptés, ils ont aussi le même impact. S’ils sont idéologiques, ils augurent de grands troubles à venir.

“La justice, c’est l’injustice équitablement
partagée.”
Maurice Chapelan

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