Alors que le ministre de la Santé François Braun est attendu ce mardi 29 novembre à Mayotte, pour une visite de deux jours, le Conseil Économique, Social et Environnemental de Mayotte (CESEM) a publié en début de semaine une note de contribution relative à l’élaboration du Projet Régional de Santé (PRS) du département. Dans son document, le CESEM insiste sur l’enjeu de ce premier PRS Mayotte qui se doit de « reposer dans sa capacité à apporter les réponses aux attentes des mahorais ».
Un déficit criant de spécialités
Insistant sur le fait que « la santé est avant tout une préoccupation du quotidien », le CESEM rappelle les grandes lignes de la situation actuelle. Mayotte est ainsi « l’un des plus grands déserts médicaux français » souffrant notamment « d’une carence en établissement de santé, en personnels, en spécialités mais également en actions de prévention, de dépistage, de soins des malades ». Pour rappel, en mars dernier, le Sénat publiait un rapport d’information dans lequel il était précisé que le 101e département faisait partie des 10 départements les moins bien dotés en médecins généralistes et spécialistes. En outre, souligne le CESEM, la proportion de la population de l’île ayant renoncé aux soins de santé est estimée à 47 % et une part de plus en plus croissante privilégie des soins à La Réunion voire en métropole.
Si l’institution salue la création d’une agence régionale de santé de plein exercice distincte de celle de La Réunion, l’enjeu du développement de l’offre de soins sur le territoire reste tout entier. A ce titre, elle souligne que « les axes prévus par l’ARS à travers le PRS ne mettent pas en lumière une approche qui pourra à court terme répondre au désarroi des mahorais et lutter contre le renoncement aux soins ». Dès lors, afin d’apporter sa pierre à l’édifice du PRS, le CESEM émet certaines préconisations.
Assurer une forme d’autosuffisance médicale
Concernant l’accès aux soins et à l’attractivité, l’institution constate que Mayotte est le seul département exclu du dispositif des soins ambulatoires. Il recommande de « revoir le mode de financement de la santé à Mayotte pour permettre une traçabilité des coûts des actes pratiqués » et met l’accent sur la nécessité du développement et de la promotion des filières d’excellence, à l’instar, entre autres, de la « cardiologie, ophtalmologie, neurologie, infectiologie, -odontologie » etc. L’objectif poursuivi est ainsi la réduction des évacuations sanitaires tout en permettant à la population de se faire soigner sur le département.
Dès lors, pour parvenir à cette forme d’autosuffisance médicale, l’institution recommande « l’installation à Mayotte d’une antenne de faculté de médecine européenne pour former à la première année » d’enseignement de médecine. Mais aussi d’ériger le futur hôpital de Combani au rang de Centre Hospitalier Universitaire en lien avec le Centre Universitaire de Dembéni. Par ailleurs, le CESEM ne manque pas de questionner la pertinence de la localisation géographique du futur établissement à Combani « compte tenu de la congestion des voies de circulation dans la zone ».
« Réduire l’activité obstétrique prééminente du CHM »
De plus, afin de réduire les flux d’arrivée sur le territoire depuis les Comores, le CESEM « préconise de nouer un partenariat avec une organisation non gouvernementale (ONG) » qui « permettrait de maintenir les patients » dans leur pays. L’institution précise également que ce partenariat « offrira les possibilités d’un retour aux Comores pour la convalescence à la suite des soins prodigués à Mayotte ».
En outre, à court terme, il s’agit selon le CESEM de « réduire l’activité obstétrique prééminente du CHM au profit des spécialités médicales ». A ce titre, le rapport du Sénat de juillet dernier relatif à l’accès aux soins à Mayotte soulignait que l’activité du CHM se concentrait essentiellement sur la maternité avec, en 2021, 58,9 % des séjours en hospitalisation conventionnelle. Enfin, le CESEM s’inquiète de la prise en charge médico-psychologique alors que selon une étude publiée en 2020 par Santé Publique France portant sur la santé mentale des mahorais révélait « qu’une personne sur quatre souffre de syndrome dépressif ».
Autant de questions soulevées et de préconisations énoncées qui ne semblent pas anodines au regard de la visite du ministre de la Santé. Des interrogations susceptibles de nourrir la réflexion ainsi que le débat tout en suscitant, peut-être, des réponses, voire des annonces.
Pierre Mouysset