Le premier confinement de mars 2020 a projeté la société française dans une parenthèse temporelle inconnue jusqu’alors. Les frontières du chez-soi sont devenues l’unique horizon des possibles, dernier bastion de résistance face à un virus galopant. Cette situation s’est révélée salvatrice pour la collégienne victime de faits d’agressions sexuelles perpétrés par son ancien professeur de français commis depuis fin 2019. Le mot soulagement est même employé dans le journal intime de la collégienne pour désigner cette période.
« Il me disait que j’étais mature, que j’étais différente des autres »
Qualifié de professeur préféré lors de son année de 5e, l’élève dans sa déposition indique qu’elle parlait de musique et de lecture avec lui. Lors de son année de 4e, toutefois, la victime indique « qu’au fur et à mesure des rencontres avec lui », les questions vont bifurquer sur « la taille de sa poitrine », les « couleurs de ses sous-vêtements ». Des entrevues à huis clos au sein de l’établissement. « Il me disait que j’étais son amoureuse. Il me portait parfois dans ses bras. Il me disait que j’étais mature, que j’étais différente des autres », relate la déposition de la victime, âgée de 13 ans au moment des faits. Les gestes vont bientôt suivre, puisque, relate-t-elle, « il a commencé à me toucher les seins ». La présidente rappelle également, à la lecture des propos de la victime, qu’elle « réitère que vous l’avez embrassée deux fois lors d’une entrevue durant une récréation ».
« Un comportement borderline »
« Je reconnais que je me suis enfermé avec elle à maintes reprises », concède le professeur, indiquant qu’il était « proche d’elle ». Néanmoins, ce dernier récuse les attouchements ainsi que les heures de colles en représailles afin de faire pression sur elle. « Au moment des faits, j’étais en rupture amoureuse », renseigne le prévenu qui poursuit en indiquant qu’il y a eu « un transfert affectif » vers la collégienne. Si l’homme indique qu’il n’y avait pas d’amour pour la jeune fille, il reconnaît bel et bien une forme d’admiration à son égard et avoue avoir eu « un comportement borderline ». En outre, il ira même jusqu’à recommander la lecture de l’ouvrage Lolita à la victime, un conseil lecture pour le moins troublant au regard des agissements du professeur.
« Je l’ai conseillé car c’est un très beau livre mais je n’ai pas préparé le terrain en lui recommandant ce livre », se défend le prévenu. Répondant à une question de l’avocat de la partie civile demandant de présenter l’ouvrage, le professeur succinctement indique qu’il s’agit « d’une histoire d’amour d’une jeune fille de 13 ans et d’un homme de 37 ans ». « Un résumé évasif », reprend le substitut du procureur qui indique par ailleurs que le professeur, en 2012, a connu un classement sans suite pour des faits de corruption de mineurs.
« Il y a quand même un schéma bien rodé »
Au cours de l’audience, d’autres témoignages provenant d’autres jeunes filles seront également lus, y compris des élèves de Mayotte, le professeur ayant également vécu sur l’île dans le passé. « Il y a quand même un schéma bien rodé au regard des témoignages de toutes ces jeunes filles. Il les isole, il devient leur confident et après il les câline et ensuite c’est la poitrine qui l’intéresse », insiste l’avocat de la partie civile dans son plaidoyer, précisant que pour la collégienne d’Evry, l’expertise de la psychologue fait état « de signes de stress post-traumatiques ». Le substitut du procureur, lors de son réquisitoire, va également s’attarder sur les déclarations provenant des autres jeunes filles provoquant la riposte de la défense qui ne manque pas de dénoncer « la déloyauté du procédé du procureur car les faits reprochés ne concerne que ceux à l’encontre de la collégienne d’Evry, rien d’autres ». L’avocat remet en cause la dénomination « prédateur » à l’encontre de son client, soulignant qu’en 22 ans d’éducation nationale, son casier judiciaire est vierge. « Je ne suis pas un prédateur », seront d’ailleurs les derniers mots du prévenu lors de son ultime prise de parole.
Dix mois d’emprisonnement avec sursis
Néanmoins, au regard de la « gravité des faits reprochés », le tribunal a pris compte des réquisitions du substitut du procureur. Le prévenu a ainsi été condamné à une peine de dix mois d’emprisonnement avec sursis, complétée d’une interdiction d’exercer une activité au contact de mineurs à titre définitif, d’une interdiction de contact avec la victime pour une durée de cinq ans ainsi qu’une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Un couperet pour le prévenu qui envisageait de devenir coach sportif afin de poursuivre, selon lui, « son rôle de transmetteur de savoir ».
Pierre Mouysset