Elles ont rythmé sa ballade sur le sentier côtier de la vasière des Badamiers ce vendredi : tout en marchent, la ministre Frédérique Vidal écoutait les différentes thèses en cours à Mayotte, sur la mangrove, sur l’impact des vagues submersion sur le littoral, sur les crabes violonistes, etc. Une ambiance quasiment champêtre. Une étude porte sur l’impact de la subsidence du territoire (l’enfoncement sous l’effet notamment du volcan) sur la ponte des tortue, « nous sommes le 3ème site de ponte de l’océan Indien après deux îles Eparses, mais les trous de ponte se trouvent maintenant touchés par la marée », relevait Elliott Sucré, Professeur d’université, vice-directeur de la Recherche au CUFR.
Une autre porte sur l’impact de la variation des surfaces des mangroves sur la population, « elles représentent 30% du trait de côte. Sur la vasière des Badamiers qui s’étale devant nous, il n’y avait plus de mangrove au 19ème siècle, car elle avait été rasée pour empêcher la prolifération des moustiques », expose à la ministre Anliati Ahmed Abdallah, qui mène cette thèse d’exploration sur les attachements des habitants à leur mangrove. Pour contempler son évolution et la diversité des palétuviers, un promontoire est mis à disposition à côté du jardin d’enfants, sur le boulevard des Crabes en Petite Terre. Les crabes violoniste justement, font aussi l’objet d’une étude, « on trouve jusqu’à plus de 100 terriers au mètre carré, qui absorbent la pollution, mais mis en danger par les vagues submersion là encore. Il y a de plus en plus d’engouement autour des études sur la mangroves », souligne Elliott Sucré.
Pas besoin de thèse de recherche sur les causes du turnover…
Au Centre universitaire, 34 enseignants chercheurs se focalisent ainsi sur un des nombreux domaines de la biodiversité de l’île. « Nous sommes passés de un doctorant en 2014, à 7 actuellement », rapporte Claire Gollety, Maitre de conférence d’écologie marine. Mais avec un bémol, « il faut faire des montages très compliqués pour sen sortir. Par exemple, l’une des thèses est financée à la fois par le conseil départemental de Mayotte, le CUFR et une HDR d’une université à Paris. Parce que nous n’avons pas de suivi dans nos équipes administratives en raison du turnover à Mayotte. Cela pose à la fois un problème de stabilité sur le plan administratif mais aussi de mémoire de ce qui se fait sur le territoire. » Le préfet Thierry Suquet acquiesçait, « nous avons le même problème de suivi en préfecture ».
Initier une montée en compétence locale en formation administrative devient urgente, convenait les acteurs autour de la ministre, à l’image de ce qu’a mis en place le recteur avec le PPPE (Parcours de Préparation au métier de Professeur des Ecoles). Et pas que : « Nous commençons à avoir des chefs de service mahorais, en nous appuyant notamment sur l’apprentissage en alternance avec des allers-retours en métropole, soulignait Gilles Halbout, il faut travailler sur l’éveil des vocations en matière de cadre administratif dans le service public. Les cordées de la réussite peuvent être un biais. Et il faut aller plus loin car nous manquons aussi de cadres intermédiaires, on travaille donc à monter un DUT de Gestion des Entreprises et des administrations au CUFR. »
Ce qui pourrait aussi abonder les besoins des chercheurs, « il nous faut des personnes d’expérience, ne serait-ce que pour les traduction et les transcriptions des textes qui nous prennent du temps », complète Claire Gollety.
C’était la dernière séquence pour Frédérique Vidal qui a noté qu’il fallait « pour soutenir la recherche, mettre des administratifs en soutien des montages des dossiers ». Avant d’attraper son avion pour La Réunion, et avisant un crabe de mangrove, la ministre se projetait à quelques centaines de kilomètres de là, « jadis, j’avais descendu la côte malgache en autonomie, en me nourrissant de ce que je trouvais, eh bien, les crabes, ça améliorait drôlement la soupe ! »
Anne Perzo-Lafond